Gabriel Nerciat
-7/4/2025- Meeting de Marine Le Pen, hier, place Vauban.
Comme souvent, on a envie de lui dire : "Peut mieux faire".
La situation est assez dramatiquement simple : sauf miracle improbable, le jugement en appel dans un peu plus d'un an confirmera le coup d'Etat judiciaire prononcé la semaine dernière par Bénédicte de Perthuis, et Marine Le Pen ne sera pas en mesure de briguer une quatrième fois le suffrage des Français (ni même de demeurer présente à l'Assemblée nationale au-delà de la présente mandature).
Ceux qui laissent entendre qu'une position plus conciliante ou plus hypocrite aurait valu à la députée d'Hénin-Beaumont un jugement plus clément se leurrent : dès que le Parlement de Strasbourg a engagé une procédure contre elle et son parti, le verdict était connu d'avance. En témoigne également la lourdeur des amendes imposées au RN, qui seront elles aussi sans doute confirmées en appel, vouées à entraver son aptitude à mener campagne.
La vraie question dès lors n'est pas de savoir si Bardella la remplacera, mais si cette mise à mort légale sera ressentie par les Français comme un fait politique ou non (de ce point de vue, je préfère encore la franchise d'une sotte comme Marine Tondelier plutôt que la tartufferie de vieux renards matois tels que Hollande ou Copé).
Or, on sait que le programme du RN passe par une révision constitutionnelle d'ampleur sur la prééminence du droit national sur le droit communautaire que Marine Le Pen veut soumettre à référendum, en contournant l'article 89 comme l'avait fait Charles De Gaulle en 1962 pour imposer contre les partis l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct.
On sait aussi que le Conseil constitutionnel tentera d'empêcher la tenue de ce référendum en le jugeant factieux, et en frappant d'interdit le décret présidentiel de convocation aux urnes (bien que ce ne soit pas autorisé par la Constitution, ce qui est encore un comble).
Dès lors, si le RN ne veut pas purement et simplement être éliminé du premier tour, il faudra qu'il assume, comme Orban l'a fait en Hongrie ou Trump aux Etats-Unis, de s'en prendre au pouvoir des juges en tant que tel, au nom même de la séparation des pouvoirs adossée à la souveraineté du peuple.
C'est bien sûr ce que tous les mauvais conseilleurs vont la dissuader de faire, sous prétexte que cela inquièterait l'électorat des retraités venus de LR.
Mais comme au judo, il convient de s'appuyer sur la force de l'adversaire pour la retourner contre lui.
Des revers, il faut savoir faire une chance d'ultime recours : maintenant que MLP n'a plus rien à perdre, l'erreur la plus fatale serait de contourner à nouveau l'obstacle plutôt que de l'affronter en face.
Par ailleurs, le meilleur atout du RN reste la médiocrité insigne de ses concurrents : Retailleau, Wauquiez, Zemmour et les autres.
Mais pour s'imposer, surtout avec un remplaçant aussi léger que Bardella, cela ne suffira pas.
Les juges ont franchi le Rubicon ; la fille du Menhir et son jeune protégé doivent faire de même, ou bien laisser le Système européiste gérer sans encombres sa propre succession.