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Affichage des articles dont le libellé est Roumanie. Afficher tous les articles
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28 février 2025

Radu Portocala

- 28/2/2025 - Je suis sidéré par l’obstination avec laquelle certains de mes lecteurs français se rallient à la cause de Călin Georgescu, alors qu’ils ne savent rien de lui, qu’ils ne parlent ni ne lisent le roumain, qu’ils ne connaissent rien à l’histoire récente de la Roumanie ni à l’actualité roumaine.
Je suis également sidéré par le fait que les mêmes lecteurs pensent être mieux informés que moi, sans tenir compte des 35 ans que j’ai passés, en tant que journaliste, à suivre et à commenter les réalités politiques roumaines.
Certains parlent du programme de Călin Georgescu. C’est bien la preuve que le sujet leur est étranger. Car il n’a aucun programme digne de ce nom. Ils ont entendu à un moment donné qu’il voulait quitter l’Union européenne et le tiennent pour un héros. Mais ne savent pas (et certains semblent ne pas vouloir l’apprendre) qu’il a abandonné cette idée. Maintenant, il veut seulement faire la loi à Bruxelles, ce qui est une pure tartufferie.
Les mêmes lecteurs m’assurent que sa longue carrière dans des institutions internationales est une garantie de qualités politiques. Ils ont l’air de ne pas me croire lorsque je leur dis qu’il a été pendant seulement deux ans « rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux » (copié sur le site de l’ONU). Est-ce une « fonction importante » ou plutôt une sinécure pour bureaucrates ?
Des lecteurs m’assurent aussi qu’il a une grande expérience politique. Pourtant, il n’a jamais fait de politique et n’a eu aucune fonction politique. Il est resté tout le temps à des niveaux médiocres de bureaucratie. C’est tout.
Ce n’est pas parce qu’on a été inculpé qu’on est quelqu’un d’éminemment bien. J’hésite depuis quelques semaines sur la manière de définir ce personnage. Je pense finalement que le mot imposteur est celui convient le mieux.

28 décembre 2024

Eric Vial

- 28/12/2024 - Tous les empires tombent un jour ou l’autre.
Ce qui vient de se passer en Roumanie, l’annulation des élections présidentielles à deux jours du second tour et alors que le candidat anti-européen et anti-OTAN était donné vainqueur à près de 60 % dans les sondages, ne peut qu’interpeller et questionner.
Les leaders européens montent presque tous au créneau en expliquant « qu’il y a eu des ingérences extérieures », sans aucune preuve factuelle et en oubliant un peu vite qu’ils s’ingèrent eux-mêmes dans des débats qui ne devraient pas les concerner puisqu’ils ne sont pas roumains. Ils condamnent aux autres ce qu’ils font, quel paradoxe.
Il résulte le sentiment d’une démocratie gâchée qui rappelle que les intérêts des empires ont toujours prévalu sur la souveraineté des États qui la composent.
De la même manière que dans les anciens empires austro-hongrois ou soviétique, les États européens semblent aujourd’hui bénéficier d’une large autonomie tant qu’ils respectent « l’ordre établi » ; mais il n’est pas possible de sortir du cadre ou d’avoir une stratégie déviante du pouvoir central.
Désormais, chaque élection démocratique est soumise à des débats sur sa légitimité : cela devient étouffant et suscite du doute : Géorgie, Moldavie, Slovaquie et même États-Unis ou Italie ; Il faut que les résultats aillent dans le sens d’un intérêt commun prédéfini sinon c’est le risque de sanctions ou de menaces guerrières. Mais quelle maladie touche donc le vote populaire et la démocratie dans le monde ? Partout les élections sont de plus en plus contestées.
Le caractère rédhibitoire des résultats semble faire oublier un principe de la démocratie : une élection se perd puis se gagne, ou inversement. Le pouvoir n’est confié que pour un temps. C’est cela la force de la démocratie : la capacité dans la paix de changer ses mandants, ses lois, et ses visions pour un groupe donné.
Respecter ce principe c’est avoir foi en l’avenir et accepter que la souveraineté appartient d’abord au peuple, aux gens.
Dès lors, peut-on être certain qu’en imposant aux peuples une doctrine, sous prétexte de perdre son influence à l’échelle mondiale, on ne les précipite pas dans la rébellion en promouvant du même coup des théories obscurantistes. L’histoire a déjà connu cela.
L’idée de l’Europe, garante de la paix, régulatrice du vivre-ensemble est formidable. Elle peut s’appuyer sur ses valeurs démocratiques originelles pour l’emporter et s’imposer.
Pas certain qu’en agissant comme un empire elle ne trébuche pas à la fin.

26 décembre 2024

L’histoire des élections annulées en Roumanie est encore plus sinistre qu’on ne le pensait

Gastel Etzwane

- 23/12/2024 - Un nouveau rapport du média d'investigation snoop.ro (snoop.ro/anaf-a-descope…) révèle que la campagne TikTok qui a été citée dans les documents de renseignement roumains déclassifiés comme preuve d'ingérence étrangère – et utilisée comme motif pour annuler l'élection présidentielle – a en fait été payée par le Parti national libéral (PNL) au pouvoir, le parti même qui a soutenu l'annulation des élections !
Selon l'enquête, la campagne intitulée « #EchilibrușiVerticalitate » qui, selon les services de renseignement, était « identique aux opérations russes en Ukraine » a été organisée par une agence de marketing appelée Kensington Communication, embauchée par le PNL (le parti au pouvoir), qui a payé à Kensington plus d'un million de RON (environ 210 000 dollars). Kensington a ensuite utilisé une plateforme appelée FameUp pour coordonner 130 influenceurs avec des scripts et des directives de messagerie spécifiques.
Cela jette un éclairage nouveau sur les documents de renseignement déclassifiés. Ce qu'ils présentaient comme preuve d'ingérence étrangère était en fait une campagne financée par le parti au pouvoir. Ce même parti qui avait alors soutenu l'utilisation de ces allégations d'« ingérence étrangère » pour annuler une élection qu'il était en train de perdre.
Plus bizarre encore, face aux journalistes, Kensington Communication a d'abord nié avoir utilisé le hashtag mais a ensuite admis avoir créé la campagne pour PNL, affirmant qu'elle devait s'appeler "#echilibrusiseriozitate" et qu'elle avait été changée en "#echilibrusiverticalitate" à leur insu. Ouais, c'est vrai...
Cela signifie que soit les services de renseignement roumains ne savaient pas qu'il s'agissait d'une campagne financée par le PNL lorsqu'ils l'ont utilisée comme preuve pour annuler l'élection (ce qui soulève d'énormes questions sur leur compétence), soit ils le savaient et ne l'ont pas révélé (ce qui soulève des questions encore plus importantes sur leur intégrité).
En tout cas, cela semble indiquer que quelque chose d'extrêmement sinistre s'est produit en Roumanie : un parti au pouvoir a utilisé les services de renseignement pour annuler une élection sur la base de preuves d' "ingérence étrangère" qu'il a lui-même payées !

11 décembre 2024

Roumanie : annuler la démocratie au nom de la démocratie

Radu Portocala
10/12/2024

Photo Louisa Gouliamaki, Reuters, décembre 2024

Les temps sont à l’allégeance.

Pour être respectable, il est essentiel de se déclarer pro tout ce qui fait le bonheur des progressistes : pro-Europe, pro-OTAN, pro-Biden, pro-Zelensky et ainsi de suite. Cette adhésion de principe ne souffre aucune alternative.

Les institutions de Roumanie se sont ingéniées ces derniers jours à prouver la réalité de ce propos. Une élection présidentielle à deux tours devait s’y tenir les 24 novembre et 8 décembre. Parmi les 14 candidats, il y avait une presque unanimité pro-Union européenne et pro-OTAN. Presque, car deux d’entre eux s’étaient déclarés sceptiques à l’égard de ces institutions et, ce qui est sans doute pire, proposaient l’arrêt immédiat de l’aide roumaine à l’Ukraine – les deux hommes étant décrits par la presse comme souverainistes, ce qui en Roumanie, comme en Occident, est un qualificatif honteux.

Précisons à ce point qu’en 1990, à peine débarrassée du régime communiste et du statut de colonie soviétique, la Roumanie se jetait dans le giron des États-Unis, certains enthousiastes rêvant même de voir leur pays devenir le 51ème État américain. L’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN était une cause nationale, voire une obsession – en cela, bien entendu, la Roumanie ne se différenciant pas vraiment des autres pays anciennement membres du camp socialiste. Être souverainiste dans ces conditions est une position difficile à tenir.

Pourtant, à la surprise générale, le 24 novembre, c’est l’un d’eux, Călin Georgescu, qui a été le vainqueur du premier tour de scrutin. Inconnu du grand public, soutenu en théorie par un micro-parti, ayant fait pratiquement toute sa campagne sur TikTok – détail qu’il faut retenir –, son succès est dû soit à un miracle, soit au fait, bien plus crédible, que son discours a convaincu une masse de moins en moins émerveillée par les bienfaits que lui apporte l’appartenance au système euro-atlantique.

Attribuée à une possible fraude, sa victoire a été très vite contestée par l’un des candidats les moins bien placés. La Cour constitutionnelle a donc été obligée d’ordonner le recomptage des voix. L’opération, déroulée sans observateurs, ce qui n’a soulevé aucune protestation sérieuse, n’a pas produit un résultat différent de celui initialement annoncé. De leur côté, les services secrets ont annoncé, le 26 novembre, qu’en dépit des craintes et même des certitudes exprimées par les vigilants chroniques, aucune interférence étrangère n’avait été enregistrée.

Cependant, dès le 25 novembre, avant même l’annonce du score définitif, la presse française, dans une belle unanimité et reproduisant dans toutes les publications presque le même texte, déplorait la victoire d’un candidat d’extrême-droite, dangereux pour l’équilibre européen et le bon déroulement de la guerre en Ukraine chère à l’administration de Washington. Bien plus intéressant, l’Union européenne, très préoccupée, s’emparait du dossier et demandait à entendre le patron de TikTok, la plateforme étant accusée d’avoir favorisé l’un des candidats – et précisément celui qu’il ne fallait pas.

En Roumanie, une sorte de chœur tragique prédisait la fin du monde et à Bucarest, place de l’Université, là où, en 1990, on avait manifesté pendant des semaines contre les tendances communistes du gouvernement post-Ceausescu, une petite foule de jeunes progressistes manifestait soir après soir, cette fois contre le fascisme qu’incarne Georgescu, accusé de connivence avec Vladimir Poutine. Certains portaient des écriteaux souhaitant la mort du candidat, et il va de soi que personne ne s’est ému de cette preuve quelque peu radicale de démocratie.

Le vote populaire mal accordé ne pouvait que provoquer l’inquiétude des démocrates euro-atlantistes. On ne saura sans doute jamais sous quelle forme cette inquiétude s’est exprimée, mais il est aisé de deviner que ce sont les « partenaires occidentaux » de la Roumanie qui en ont fait part aux responsables de Bucarest. Et il est évident qu’il a été demandé au président Klaus Iohannis d’agir. Il convoquait donc, dès le 28 novembre, le Conseil supérieur de défense du pays – instance dans laquelle il siège avec le premier ministre, le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Défense et les chefs des services secrets. Le communiqué émis le lendemain parle d’« exposition massive » sur la plateforme TikTok et du « traitement préférentiel » accordé à « un des candidats » au détriment des autres. Tout cela est plutôt vague et n’entraîne aucune conséquence. Les spéculations, en revanche, se multiplient, donnant lieu à une certaine agitation.

Dans cette atmosphère trouble ont eu lieu, le 1er décembre, les élections législatives à un tour. C’est la coalition sortante qui les gagnait (socio-démocrates et libéraux), mais les partis souverainistes obtenaient un peu plus de 30 % de voix. Raison de plus pour que l’inquiétude des euro-atlantistes s’aggrave.

Mais la surprise désagréable devait se produire le 2 décembre. Forte des assurances données par les services secrets, la Cour constitutionnelle validait les résultats du premier tour. Ainsi, Călin Georgescu allait se présenter au second tour, avec, bien entendu, l’inévitable « cordon sanitaire » formé autour de lui selon le modèle bien connu. Sa contre-candidate devait être Elena Lasconi, personnage tout au plus médiocre ayant l’avantage d’être pro-tout : pro-Union européenne, pro-OTAN, pro-mariage et adoptions LGBT et, bien entendu, pro-guerre en Ukraine.

Le 4 décembre, le président Iohannis décidait de déclassifier les informations qu’il avait reçues des services d’espionnage et de contre-espionnage. Et, comme il fallait s’y attendre, leur contenu ne correspond pas aux assurances de non-ingérence qui avaient été données immédiatement après le 24 novembre. Désormais, il y a un coupable, désigné très clairement : le succès de Georgescu est dû aux manigances russes. De son côté, le président affirme, sans craindre le ridicule, que « très vite après le premier tour, [il a] reçu de la part des services des signaux téléphoniques indiquant que certaines choses sont étranges ». (On pourrait se demander pourquoi pas tout simplement par SMS ?) Toutefois, les preuves claires manquent. Les textes sont pleins de « il semblerait que », « il se pourrait », "il n’est pas exclu" et autres approximations. Ce revirement, aussi approximatif soit-il, ne trouble personne, alors qu’il devrait soulever de graves interrogations.

La révélation définitive est venue le 5 décembre, lorsque le secrétaire d’État américain Anthony Blinken annonçait avec certitude que la Russie avait influencé de manière décisive l’élection afin de permettre à Călin Georgescu de gagner le premier tour. Le lendemain, Adrian Zuckerman, ancien ambassadeur américain à Bucarest, confirmait ces dires, ajoutant une note pour le moins ridicule : les manœuvres d’influence à travers TikTok auraient commencé dès 2016.

Notons qu’on ne reproche pas à Georgescu ses propos d’une abyssale absurdité sur l’origine du peuple roumain, ni ses bruyants excès mystiques, ni même le fait d’admirer le patriotisme du maréchal Antonescu, allié de l’Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale, ou du parti pro-allemand de la Garde de Fer. Cela viendra, sans doute, mais pour l’instant, c’est son scepticisme à l’égard des structures euro-atlantiques qui lui est reproché, et l’indémontrable car probablement inexistante aide russe. Dans le même temps, le fait que les autres candidats soient soutenus ouvertement par Bruxelles et plusieurs capitales européennes n’est manifestement pas considéré comme une forme d’ingérence.

En fin de compte, contredisant sa décision du 2 décembre, la Cour constitutionnelle décidait dans l’après-midi du 6 décembre – alors que, dans les consulats de Roumanie à l’étranger, les électeurs votaient déjà pour le second tour ! – d’annuler le premier tour de l’élection présidentielle pour cause d’actions maléfiques de la Russie. Suivant le modèle géorgien, le président Klaus Iohannis, dont le mandat expire le 21 décembre, se hâtait d’annoncer qu’il ne quitterait pas son poste avant que son successeur n’ait prêté serment – cela pouvant se produire assez vite ou dans quelques mois. En attendant, il est presque certain qu’un motif sera trouvé pour empêcher Călin Georgescu de se présenter à nouveau, et c’est peut-être ainsi que peut s’expliquer la frénésie avec laquelle les autorités se sont mises à la recherche de groupes extrémistes armés, complotistes et fascistes qui fomentent dans l’ombre des révoltes, des coups d’État et autres abominations fantasmées bonnes pour convaincre l’opinion de la nécessité du combat acharné pour la défense de la démocratie euro-atlantique.


Radu Portocala est écrivain et journaliste, spécialisé notamment en Relations Internationales.
Né, comme il dit, "à la pire époque de la Roumanie communiste", "venu au monde entre deux arrestations, celle de mon grand-père, tué en prison, et celle de mon père, c'est pour éviter ma propre arrestation, en 1977, que le gouvernement grec a fait des efforts immenses pour me faire sortir de Roumanie".
Il a travaillé pour Radio France International, a été correspondant de Voice of America, de la BBC, a également réalisé des émissions pour Radio Solidarnosc.
Il a collaboré au magazine Le Point, Courrier International, puis, plus récemment à Causeur, Atlantico et Politique Magazine.

Il a notamment publié :
- Autopsie du coup d'État roumain, Calman-Lévy,1990
- L'exécution des Ceausescu, Paris, Larousse, 2009
- Le vague tonitruant, Paris, Kryos, 2018
- La chute de Ceausescu, Paris, Kryos, 2019


9 décembre 2024

Frédéric Aigouy, journaliste indépendant

Annulation des élections en Roumanie : l'incroyable enfumage "démocratique" de l'Occident

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