Gabriel Nerciat
- 8/12/2024 - Que voilà un joli cadeau de Noël à nous, envoyé conjointement par Israël et la Turquie, avec la bénédiction de Macron et de l'UE : la chute de la maison Assad, dernier régime baassiste du Proche-Orient arabe, et la conquête en dix jours de la Syrie par l'un des plus anciens chefs de guerre salafistes vétéran de Al Qaïda et de l'EI : le dénommé Abou Mohammed al-Joulani – dont on nous explique désormais sur les médias assermentés qu'il serait devenu depuis peu rien moins qu'un "islamiste modéré" (cela veut dire qu'il va sans doute attendre quelques mois avant de commencer le massacre en grand des Alaouites et des chrétiens du pays, même si certains prétendent que des assassinats sont déjà en cours à Lattaquié, le berceau de la famille du Raïs).
Il est trop tôt pour commenter sérieusement cet événement aussi catastrophique que considérable, autant par sa fulgurance que par l'absence quasi complète de combats sur le terrain.
Mais deux choses fondamentales sont déjà à noter :
D'abord, la vérité crue sur les alliances et la stratégie d'Israël, ainsi que sur les rodomontades verbales d'Erdogan qui menaçait Netanyahou des pires représailles après la riposte sanglante aux attentats du 7 octobre.
En réalité, tout cela n'est que de la comédie : le vieux partenariat judéo-turc, initié dès l'époque de l'hérésie sabbatéenne sous l'empire ottoman (lire les ouvrages savants de Gershom Scholem, pour ceux que la question intéresse), tient toujours ; et ce pour le plus grand profit des pires factions djihadistes du Levant.
Tant pis pour les éternels droitards hypocrites ou décérébrés, qui continuent à voir dans l'État sioniste l'un des plus sûrs remparts du monde "judéo-chrétien" (la bonne blague). Leur sottise, pourtant incommensurable, ne sera jamais aussi colossale que l'ampleur de leur aveuglement volontaire.
Ensuite, la complaisance complice (une fois de plus) de la plupart des dirigeants et des clercs européens vis-à-vis des insurrections salafistes ou fréristes qui pullulent depuis quinze ans au cœur du monde arabe, comme déjà en 2010 en Egypte et en Libye.
Il ne manque guère que Michel Foucault pour célébrer comme en 1979 l'héroïsme martial du "saint homme" de Deraa, mais gageons que nombre de disciples d'Emmanuel Mounier, de Louis Althusser ou de Claude Lefort sauront le remplacer avantageusement.
La chose certes n'est donc pas nouvelle, mais elle n'en est pas moins écœurante et se paiera beaucoup plus cher que par le passé.
Ne serait-ce que parce que la confrérie des Frères comme l'idéologie de l'EI sont désormais bien présentes en Europe (il suffisait de voir cet après-midi les images venues de Berlin ou de consulter quelques sites islamo-gauchistes de bonne facture pour être fixé), alors même que ce triomphe foudroyant offert aux protégés djihadistes d'Erdogan ne pourra qu'inquiéter à terme aussi bien les ayatollahs de Téhéran que l'impétueux souverain wahhabite de Riyad, autrefois ennemis mais qui ne tarderont pas à réagir de concert.
Le reste, à suivre.