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7 janvier 2025

Julie d'Aiglemont

- 7/1/2025 - Le vieux ChatelHain de Montretout, qu'on appelait aussi Le Borgne, était passé de vie à trépas. Il avait passé la première à cuire et recuire la détestation de l'étranger, surtout s'il était par malheur juif, mahométan ou nègre. La seule exception qu'il avait tolérée était pour son cocher. Son passage dans le second le fit devenir aussi innocent qu'un chérubin. On loua ici et là sa faconde, son érudition et sa bravoure dans les Tournois. On oublia ses éructations haineuses, ses méchantes diatribes, ses bileuses toquades et ses très douteuses saillies.
Le duc de La Béarnaise y alla de son petit couplet larmoyant et salua le "combattant" et son "arme préférée". Par la magie du Grand Retournement, les abjectes vilenies et les indignes bassesses du Vieux Borgne devenaient d'aimables polémiques et de charmants traits d'esprit.
Le Roy en fit de même, jugeant que l'Histoire aurait à former son jugement. On attendait encore les hommages de l'ancien duc d'Evry, Manolo de la Valse, devenu par la grâce royale Chambellan et Grand Gouverneur des Colonies.
On était bien au Royaume du Grand-Cul-par-dessus-Tête. Le Borgne y était roi.

22 décembre 2024

Julie d'Aiglemont

- 17/12/2024 - Chronique du dix-septième de décembre, en l’an de disgrâce vingt-quatre.
Monsieur de Bailleroux, duc de la Béarnaise, et nouveau Premier Grand Chambellan de Notre Dispendieux Bibelot, ne tarda point à se prendre les pieds dans le tapis. Un effroyable cyclone ravagea la petite ile de la Maillote, laquelle, quoique sise dans le lointain océan Indien, faisait partie intégrante du Royaume. Les masures en tôle, qui formaient le tiers des habitations et dans lesquelles vivaient les pauvres gens, en grand nombre sur ce petit caillou, furent hachées menu. Un silence de désolation régnait de tous côtés, et l’on craignait fort que beaucoup d’entre les misérables ne fussent ensevelis sous les planches et les gravats. L’eau et les vivres manquaient. Une grande disette était à craindre.
Le baron du Taiaut-Taiaut, qui entendait garder par tous les moyens sa charge de Chambellan aux Affaires Domestiques dans le nouveau gouvernement, se fit sur le champ transporter dans les airs par aéroplane, afin de faire savoir aux rescapés que la Couronne se souciait de leur malheur. Cependant, la noirceur de l'âme du baron éclata au grand jour. N'y avait-il point là un effet d'aubaine ? Parmi les morts, il se trouvait bon nombre de celles et ceux qu'il entendait bouter hors du Royaume parce qu’ils étaient à ses yeux, comme à ceux des Haineux, tout à fait indésirables. Monsieur de Taiaut-Taiaut ne put s'empêcher d'aller cuicuiter le fond haineux de sa pensée au-dessus des égouts putrides du Rézossossial de monsieur du Musque, le grand ami de Sir Donald. "Il faut penser au jour d'après. On ne pourra pas reconstruire l'île de la Maillotte, sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire."
La raison eût voulu que ce fût le Premier Grand Chambellan qui fît le voyage afin de représenter le gouvernement de Sa Neigeuse Altitude. Las ! Monsieur de La Béarnaise l’entendit tout autrement. N’était-il point Bourgmestre de sa bonne et chère ville de La Poule-Au-Pot ? L’île de la Maillote et les quelques masures renversées ne valait point qu’il manquât le conseil des Édiles, lequel eût – aux dires de certains d’entre eux, fort éberlués de la chose – pu se tenir à un autre moment. Le bon duc se fit doncques transporter dans les airs, non pas aux antipodes, mais dans sa chère cité. Il entendait rester au plus près de son terroir et de ses administrés, lesquels étaient, à ses yeux, le seul et véritable pays profond.
Au même instant, au Château, le Roy fit tenir un conseil extraordinaire afin de faire accroire à ses lointains sujets qu’il se souciait d’eux et de leur grand malheur. Le duc de La Béarnaise – qui n’avait point le don d’ubiquité – fit comme si tel était le cas, et il parla à ce conseil par le truchement d’une Lucarne Magique, cependant que dans le même temps, il était tout à sa Poule-au-Pot.
Dans le camp de la Sénestre, on railla fort le duc pour ce qui apparaissait comme un caprice et une faute. Il dut s’en expliquer devant la Chambre Basse. Il commit alors un nouvel impair. Comme Notre Évanescent Freluquet avait fait savoir qu’il entendait se rendre sur l’île de la Maillote au plus vite, afin de guérir les écrouelles par l’imposition de ses blanches mains, le nouveau Premier Grand Chambellan argua pour sa défense – avec ce ton docte et compassé qu’on lui connaissait – que ce n’était point l’usage que le Roy et son Premier Chambellan se trouvassent en même temps hors du Royaume en terre étrangère. La chose était entendue : la petite île de la Maillote n’était aux yeux de Monsieur de La Béarnaise, qu’une lointaine et fort ennuyeuse colonie, qui plus est peuplée de pauvres hères dont beaucoup avaient le grand tort d’être mahométans et de n’avoir point de papiers.
Monsieur de La Béarnaise avait fait du Roy Henri le Quatrième, son modèle. On se souvenait que celui-ci avait abjuré sa religion huguenote pour embrasser la catholique. « Paris vaut bien une messe. » Monsieur de Bailleroux, duc de La Béarnaise, l’entendait tout autrement. La charge de Premier Grand Chambellan ne valait point qu’il renonçât à son fauteuil de Bourgmestre. Quelques médisants susurrèrent que la cause en était qu’il savait ses jours comptés à l’hôtel de Matignon.

13 décembre 2024

Julie d'Aiglemont

Une petite brève de palais...

- 13/12/2024 - Monsieur de Bailleroux, duc de la Béarnaise, exultait. Il avait fait plier le Roy. A septante trois ans, ce fidèle Dévot devenait enfin Premier Grand Chambellan. Notre Calamiteux Foutriquet avait bien tenté de le reléguer au deuxième rang et de nommer chef de son gouvernement Monsieur de L'Escure, que l'on disait enclin à écouter ce qui venait de la Sénestre. Les Haineux, le baron de Taiaut-Taiaut et les gens de Monsieur de la Béarnaise avaient poussé des cris d'orfraie. Le duc, que Sa Capricieuse Solennité avait fait mander au Château pour le lui signifier, avait, dit-on, laissé éclater son ire, qui était fort grande. Le Roy avait cédé.
Au nom de l'intérêt général, Monsieur de la Béarnaise succédait doncques à Monsieur de la Barre-Niaise, lequel avait lui-même été choisi, au sortir d'une longue vacance estivale, au nom de ce même intérêt général.
Aux termes de la passation de pouvoirs entre les deux gérontes, Monsieur de la Béarnaise entonna le grand air du "devoir sacré" qui était désormais le sien. Sabre au clair, le duc se faisait fort de renflouer les cassettes du Royaume. Il veillerait tel un bon père de famille sur les bons Riens, ceux des petits villages. Aux autres, les vauriens des grandes villes, le duc réserverait le sort qu'il avait naguère infligé à un gamin qui voulait, avait-il prétendu, lui faire le gousset : un soufflet.
On était prévenu. Madame la ChatelHaine de Montretout savait pouvoir compter sur la mansuétude du duc à son égard et celui de ses troupes. Monsieur Faurus, l'encore chef de la Faction de la Rose, prévint que les siens ne brigueraient aucune charge dans le gouvernement, et qu'il fallait toujours les compter dans l'opposition. Les maudits Insoumis, par la voix de madame Panotus, déclarèrent qu'ils tenteraient de faire chuter le nouveau Premier Grand Chambellan.
Le baron de Taiaut-Taiaut entendait bien récupérer sa charge de Chambellan des Affaires Domestiques afin de continuer de bouter les étrangers hors du royaume. La baronne de la Datte s'affairait elle aussi à conserver son maroquin. La Justice avait beaucoup à lui reprocher. Continuer de servir les intérêts du Roy l'en mettait provisoirement à l'abri.
L'Église de la Grande Phynance et du Saint-Capital était fort aise de ce que monsieur de la Béarnaise accédât aux menées du pays. On partageait avec ce grand Dévôt une même vision de ce qu'était l'intérêt général.
Ainsi en allait-il au Royaume du Grand-Cul-par-dessus-Tête en cette fin de l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution : on prenait les mêmes et l'on continuait.

Illustration : les anciens souverains et la Grande Cocotte, au sacre (raté) de Notre Calamiteux Tartarin.

5 décembre 2024

Julie d'Aiglemont

- 5/12/2024 - Le Roy était fort marri. La ChatelHaine de Montretout, que Monsieur le baron de la Barreniaise avait pourtant fort cajolée, avait baissé le pouce et enjoint à ses troupes de mêler leurs voix à celles de la Nouvelle Faction Populaire. Monsieur de la Barreniaise avait dû mordre la poussière.
Quand ces funestes événements s'étaient produits, Notre Morgueux Freluquet était en visite chez le Prince des Sables, dans la lointaine Arabie. Sa Grandeur Déchue entra dans une noire colère. Voulait-on lui faire perdre la face, alors même que la date de son sacre, dans la nef rénovée à grands frais de Notre-Dame de Lutèce, approchait ? Sir Donald Le Dingo, qui venait de retrouver son Trône de l'Empire des Amériques, et qui avait annoncé sa venue, ne manquerait point de le moquer. Il suffisait déjà que le Grand Ensoutané – qu'on avait fort obligeamment invité, afin qu'il posât la tiare impériale sur l'auguste et noble tête de Notre Glorieux Bibelot – avait fait savoir qu'il préférait aller bénir les pauvres dans le maquis corse.
Le Roy rentra à Lutèce. Il lui fallait parler – par le truchement d'une Lucarne Magique – à ses vils sujets, ces maudits Riens. Des Riennes, il n'en fut point question. Sa Phallocratique Suffisance asséna, sur un ton docte et très compassé, des propos aussi creux que lénifiants, quoiqu'ils fussent naturellement enrobés de sa morgue coutumière. Les Riens n'avaient point compris le grand dessein de la Dissolution. Le Roy les enjoignit doncques à rebâtir ce qu'il lui avait tant complu de détruire. Telle était sa volonté. Il avait été leur Sauveur Suprême au temps de la Grande Épidémie de la Grippe Pangoline, leur Généralissime dans les guerres, il était désormais le Grand Bâtisseur de Notre-Dame de Lutèce et de la Nouvelle Startupnéchionne. Le destin des Riens était dans ses nobles et belles mains.

20 septembre 2024

Julie d'Aiglemont

Une brève...

Le baron du Veauquié refusa la charge de Grand Économe du Royaume. Il ne voulait point aller nettoyer les écuries d'Augias derrière son compair le baron de l'Amer. Il se disait que ce dernier avait laissé en fort piteux état les finances. Il n'avait eu de cesse - sur ordre du Roy - de prodiguer moult et moult largesses aux Très-Riches, lesquels en réclamaient encore davantage.
Le baron de Taiaut-Taiaut était donné aux Affaires Domestiques, pour succéder au duc du Dard-Malin.

8 septembre 2024

Julie d'Aiglemont

Une brève d'un dimanche pluvieux...

Le baron de la Barre-Niaise, après les salons de la Première Lucarne Magique, choisit la Gazette du Jour du Saigneur, propriété du baron de la Bolhorrhée, pour s'y exprimer abondamment. On avait fait faire un carottage express de cervelle auprès d'un échantillon de Riens (les Riennes ne comptaient plus comme citoyennes puisqu'on ne les citait plus). Il en ressortait que plus de la moitié d'entre eux se déclaraient satisfaits de l'action du nouveau Premier Grand Chambellan. Il n'avait cependant point encore commencé d'œuvrer.
La ChatelHaine de Montretout et son factotum le jeune baron de Bartoidella firent savoir que le Premier Grand Chambellan était à leur merci. On l'observait et on attendait de lui qu'il s'emparât sans coup férir des "sujets" chers à leur Faction.
Monsieur de la Barre-Niaise, qui ne cessait de se réclamer du peuple "d'en bas" n'avait en vérité jamais fait partie des laborieux. Il était né dans une famille qui possédait quelques biens. Il avait étudié à la haute eschole du Négoce puis il avait rejoint la caste des politiciens de métier. Il était doncques tout désigné pour venir donner des leçons aux gueux et aux gueuses, tout particulièrement à la jeunesse qui avait la veille battu le pavé, bravant ici la pluie, là la chaleur, afin de se faire entendre du Roy, lequel n'en avait désormais cure. C'était monseigneur le cardinal du Kholair qui traitait avec le nouveau Premier Chambellan. On lui nomma comme chef de cabinet monsieur du Fournil, sur qui les Gazettes de la Cour répandirent moult louanges. Aucun, aucune parmi ces larbins ne s'avisa que ce grand laquais, ce conseiller de l'ombre, avait œuvré de concert avec le duc du Dard-Malin afin d'éviter aux Princes du Quatre-Quart - lesquels possédaient chez nous le Club de balle au pied de Lutèce Saint Germain - de s'acquitter d'un impôt dans l'affaire de monsieur Naimarre, un des jouteurs de ce club, qu'on s'en était allé acquérir à prix d'or chez nos voisins catalans.

7 septembre 2024

Julie d'Aiglemont

Le baron de la Barre-Niaise s'exprimait avec une onction toute cardinalesque. Notre Royal Foutriquet avait trouvé son Mazarin. Les Riennes n'avaient, aux yeux de ce prélat de l'Église du Saint-Capital et de la Sainte-Phynance réunies, plus aucun droit d'exercer la citoyenneté, si chèrement acquise. Il ne les nommait plus. Elles n'avaient plus droit de cité. Il y avait désormais les "gens d'en bas" envers lesquels Son Éminence professait la condescendance coutumière de sa caste, les mères et les épouses. Amen.

Addenndum

Le baron alla se montrer dans les salons de la Première Lucarne Magique où il lui fut tout loisir de dérouler ses visées pour le pays. Ce monsieur de la Barre-Niaise était un adepte de l'enmemetantisme si cher à Notre Impérial Tyranneau. Il voulait tout à la fois conserver l'œuvre du Roy, la Réforme des Vieux-Jours mais cependant y apporter quelques "améliorations". La chose ne se pouvait en vérité tant cette Réforme était néfaste pour les Riens et encore davantage les Riennes. Il protesta ses grands dieux qu'il n'avait pas grand chose en commun avec les idées des Haineux mais que celles-ci étaient fort respectables. Il n'eut point de considération semblable pour les idées de la Sénestre, quoiqu'il fit savoir qu'il ne s'interdisait point de prendre langue avec des gens adeptes de ces idées funestes. "Il y a de bonnes idées partout" assura ce prélat, d'une voix si compassée et si affectée que son maigre auditoire dans les chaumières s'était assoupi d'ennui et de dégoût. Il démangeait cependant à beaucoup dans ces mêmes chaumières d'aller battre le pavé pour faire savoir à Notre Prétentieux Roquet et à son nouveau factotum ce qu'on en pensait. 6/9/2024

5 septembre 2024

Julie d'Aiglemont

Le Roy, après avoir pris langue auprès de la ChatelHaine de Montretout, nomma une vieille baderne, le baron de La Barre-Niaise, au poste de Premier Grand Chambellan. Ce baron était un Ultra déguisé en Raipoublicain. Sous des dehors falots et patelins, il cachait un tropisme qui le faisait haïr les pauvres hères tentant de fuir la guerre et la misère qui sévissaient chez eux. Il ne prisait guère les invertis à qui dans le passé il avait voulu par son vote continuer de réserver l'opprobre et la prison.
La ChatelHaine de Montretout avait donné son aval au Roy car elle savait pouvoir compter sur ce réactionnaire de la plus belle espèce pour gouverner selon ses principes.
On était au Royaume du Grand-Cul-par-dessus-Tête. La Sénestre l'avait emporté au Tournoi mais c'était en vérité les Haineux qui manœuvraient tel un pantin Notre Pitoyable Foutriquet. 5/9/2024

4 septembre 2024

Julie d'Aiglemont

Chronique du quatrième jour de septembre en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution

Le Roy n'en finissait pas de tergiverser. Cela faisait plus de cinquante jours et autant de nuits que la Faction de la Nouvelle Plèbe avait emporté le Tournoi et que Notre Inflexible Tyranneau se refusait à le reconnaître. On avait usé de tous les moyens pour dissoudre cette Faction qui était odieuse à Sa Neigeuse Arrogance. On n'y était point encore parvenu. Monsieur Faurus avait annoncé que la Faction de la Rose n'entendait point prêter allégeance au Monarc, lequel consultait sans relâche depuis son retour du royaume de Serbie. Le Tout-Lutèce s'était succédé dans les antichambres du Château. Notre Défraîchi Foutriquet avait ainsi pris langue auprès des rois Niko et Françoué dont on se demandait bien ce qu'ils avaient pu murmurer à l'oreille de leur cadet. Le premier avait eu et avait encore maille à partir avec la Justice. Il avait été condamné pour moult tripatouillages et autres malversations. Le second était redevenu député à la Chambre Basse sous les couleurs de la Faction de la Nouvelle Plèbe, honnie par le Roy.
Des noms avaient été jetés en pâture dans les Gazettes. Aucun ne convenait, ou s'il convenait un jour, il était hors de mise le lendemain. Il fut même question d'un certain Alliboron, que nul ne connaissait. Ce qui avait été jugé comme rédhibitoire concernant Madame Fin-du-Castetus devenait soudain un atout incomparable. Las ! l'Alliboron fit long feu et l'on se retrouva gros-jean comme devant. L'ancien duc d'Evry, Manolo de la Valse, se desséchait près de son cornet magique, dans l'attente d'un appel du Roy. La duchesse du Poitoutou et des Charentaises alla se répandre dans le salon d'une Lucarne Magique pour exposer le fruit de ses cogitations. Elle avait formé du haut de sa belle expérience un gouvernement des plus audacieux. Les gazetiers ne savaient s'il fallait en rire ou en pleurer. La Jardinière, madame Tondelius, à qui l'on avait demandé son avis, préféra la première option.
- Qu'on mande le sieur Carambar-Cetundélice ! ordonna le Roy, fort marri de ce que monsieur le duc du Havre, que l'on appelait aussi le Grand Mité, eût proclamé briguer le Trône de la Startupenéchionne.
- Sire, il ne se peut. La Justice vient de le condamner.
- Nous allons Nous nommer Nous-Même Premier Grand Chambellan. On n'est jamais aussi bien servi que par Soi-Même.
Ainsi en allait-il au Royaume du Grand-Cul-Par-Dessus-Tête en ces premiers jours de septembre.

30 août 2024

Julie d'Aiglemont

Chronique du vingt-huitième d'août en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution

La Startupnéchionne était fille ainée de l'Église du Saint-Capital et de la Sainte-Phynance réunies, il était bon que les gueux et les gueuses s'en souvinssent. C'était en substance ce que Notre Fanatique Disciple venait de faire savoir en écartant d'un revers de main la candidature de madame Fin-du-Castetus au poste de Premier Grand Chambellan. Le baron d'Ilyapludun-Analafoir, qui avait succédé à monsieur d'Avou de Baissélézieux à la tête de la Guilde des Maitres des Forges, en était fort satisfait. Il félicita le Roy et fit savoir aux gazetiers et gazetières en pâmoison que les Riens et les Riennes n'avaient en rien désavoué la politique économique du Monarc, laquelle avait permis aux Très-Riches de s'enrichir inconsidéremment. Sa Sélective Générosité les gavait des deniers publics sans leur demander le moindre liard en contrepartie. La Dissolution était intervenue pour maintenir cet ordre de la Nature. Les Haineux, que certains et certaines avaient craint de voir arriver aux affaires, étaient des zélotes de l'Église du Saint-Capital, quoiqu'ils eussent prétendu le contraire afin de s'attirer les suffrages de celles et ceux qui s'entêtaient encore et contre tout à voir dans le pauvre étranger leur ennemi mortel.
Le bon duc de la Béarnaise avait déjeuné avec le Roy. N'était-il point le candidat idéal pour être tout en même temps Premier Grand Chambellan, et Premier Chanoine de l'Église du Saint-Capital, celui que le baron d'Ilyapludun-Analafoir appelait de tous ses vœux ? Le duc avait toujours eu de ces manières onctueuses, qu'on voyait ordinairement chez les prélats de l'Église de Rome. Madame la baronne de la Datte alla se moquer de la Faction de la Plèbe qu'elle accusait d'avoir fomenté un coup d'État. Elle usait de tout son entregent pour convaincre le baron du Veauquié et le baron de Taiaut-Taiaut de se ranger derrière le Roy.
Notre Turpide Foutriquet avait d'autres chats à fouetter que de nommer un Premier Grand Chambellan. Il lui fallait encore inaugurer les Olympiades des Paralytiques, recevoir quelques cousins couronnés et enfin s'envoler dans les airs dans son aéroplane afin de gagner un royaume des Balkans, d'où il ne manquerait point de s'adresser à ses vils sujets afin de les morigéner sévèrement.
Les Chambellans qui ne l'étaient plus l'étaient encore. Ainsi la bonne baronne d'Otetoidla-Castoidla, qui déclara ingénument - comme elle en avait de coutume - être "à fond" pour les Olympiades des Paralytiques. "Je ne ressens pas un statut de démissionnaire." Nul ne songea à lui demander si elle avait eu à soigner quelques embarras après son plongeon dans la Seyne le mois précédent. La Gazette de monsieur Plenus Mustachus avait révélé que l'eau du fleuve était à ce moment précis fort peu convenable pour y barboter.

27 août 2024

Julie d'Aiglemont

Une brève...

Le Roy avait dit. Sa Neigeuse Turpidité ne voulait point troubler l'équilibre du Royaume. Tout devait rester Cul-par-dessus-Tête. Les Riches devaient continuer de s'enrichir et les pauvres (avec un petit p) de s'appauvrir.

Madame la ChatelHaine de Montretout et son factotum - qui la suivait à distance respectueuse - avaient été reçus par Notre Poudreux Foutriquet. Le baron de la Chiotte eut aussi les honneurs princiers. Le boursoufflé baron de l'Arche clôtura les entretiens. Madame du Brun-PicVert avait été entrecasée entre les Haineux de la branche des Montretout et le Haineux récemment converti. Tous avaient susurré au Roy ce qu'il avait souhaité entendre : la Sénestre était le pire des maux pour le Royaume. Peu comptait que ces maudits fussent en nombre le plus élevé à la Chambre Basse. Le Dévot monsieur du Vieucasier avait suggéré qu'il fallait s'en débarrasser.

Ce ne fut doncques une surprise pour personne que la missive dont Sa Révélée Tyrannie fit cadeau à ses vils sujets. Notre Calamiteux Freluquet y exhortait la Faction de la Rose, celle de la Faucille et celle de la Serpette à bouter les Insoumis de leur coalition et de venir lui faire allégeance. Ainsi serait sauve sa Sainte Réforme des Vieux-Jours. Ainsi les Riches pourraient dormir sur leurs deux oreilles. Amen.
Illustration Bridget Jaune

25 août 2024

Julie d'Aiglemont

Chronique de la Saint-Louis en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution

On était à la Saint-Louis le Pieux. La Reine-Qu-On-Sort avait fait dire des neuvaines afin que les plans ourdis par Son Divin Époux fussent couronnés de succès. Notre Machiavélique Bibelot avait mis à la question la championne des Plébéiens, la belle madame Fin-du-Castetus, afin de la piéger. Il avait ensuite mandé ses Dévots et leurs alliés, le duc du Havre et le baron du Veauquié afin qu'ils lançassent des oukases contre un gouvernement qu'eût pu former madame Fin-du-Castetus, laquelle avait annoncé qu'il comporterait des Insoumis et des Insoumises. Ceux-ci et celles-ci formaient le groupe le plus important de la Faction de la Plèbe à la Chambre Basse.
Le petit duc des Attelles, qui était encore Premier Grand Chambellan tout en siégant de principe comme député à la Chambre Basse, avait aussitôt lancé ses chiens contre ces maudits Insoumis. On leur devait les sept plaies d'Égypte, la fonte des glaces et les mauvaises récoltes, les chancres vénériens et les verrues plantaires. Le baron du Veauquié y alla aussi de son petit couplet. Monsieur le duc de la Bellepinte, qui avait été Premier Grand Chambellan du roi Jacquot, tonna contre les Dévôts, et contre cette Dextre qui perdait à ses dires toute boussole. Il rappela Notre Morgueux Autocrate à ses devoirs envers la vieille République. Un autre des vieux compagnons du roi Jacquot, le baron du Degré, eut ces mots : "lorsqu'on consulte le peuple, on accepte le choix du peuple, même si cela ne nous convient pas."
Gracchus Melenchonus, le vieux tribun insoumis, qui était présent au grand raout de ses troupes du côté de la bonne ville de Valence, fit alors savoir que les siens et les siennes faisaient toute confiance à madame Fin-du-Castetus. Cependant, puisqu'il était entendu que les Insoumis et les Insoumises ne souhaitaient pas être le problème mais la solution, il n'y aurait point de Chambellans ou Chambellanes Insoumises dans le futur gouvernement de madame Fin-du-Castetus. La déclaration fit grand bruit dans les salons des Gazettes. D'aucuns saluèrent le sens de l'à-propos du vieux tribun. Ne venait-il point de couper l'herbe sous les pieds du Monarc ? Gracchus Melenchonus avait obligeamment lancé la balle dans le camp des Dévôts et de leurs alliés. Qu'avaient-ils à répondre ? Censureraient-ils encore madame Fin-du-Castetus ? On dépêcha aussitôt les seconds couteaux pour dire tout le mal qu'il y avait à penser de la Faction de la Plèbe et de son dessein annoncé. Tout ceci était fortement contaminé par les Insoumis qui avaient insuflé leurs mauvaises pensées et pratiques dans toute la Sénestre.
Un des barons de la Dextre, monsieur de Taiaut-Taiaut, à qui on n'avait rien demandé, mais qui se croyait obligé de donner son avis sur toute chose, en particulier lorsqu'il s'agissait de vilipender la Sénestre, produisit une missive des plus absconses, dans un style très ampoulé. Une Nouvelle Dévote, qui ne se remettait point d'avoir été défaite au Tournoi par l'Insoumise madame Panotus, alla ânonner son bréviaire dans les salons de la Bonne-Fille-de-son-Maitre. On eût dit le sosie ou le clone de la petite duchesse de la Gerbée, tant elle récitait pareillement ses mensonges de l'air appliqué de qui n'a pas la lumière à tous les étages, et qu'on emploie aux basses besognes, afin de servir de cible aux moqueries des Riens et des Riennes. Ce rôle avait été tenu à la perfection dans les premières années du règne de Sa Neigeuse Turpidité par l'ineffable duchesse de Sitarte et par sa commère madame de la Courge. Ces Dévôtes avaient aimé le Roy à la folie, il les avait remerciées en les mettant au placard.
Il ressortait de toute cette navrante loghorrhée que la Faction du Roy et ses alliés, ainsi que les maigres troupes de ce qui restait des Raipoublicains, ne voulaient point reconnaitre qu'ils avaient perdu le Tournoi. Les Riens et les Riennes avaient préféré la Faction de la Plèbe ? La chose ne se pouvait, cela n'était point entendable, on leur ferait comprendre qu'ils et elles s'étaient trompés.
Il restait au Roy à recevoir madame la ChatelHaine de Montretout et son factotum, le jeune duc de Bartoidella, pour lequel Notre Céleste Foutriquet avait eu les yeux de Chimène.

Toute ressemblance avec l'illustration est purement fortuite et involontaire.

23 août 2024

Julie d'Aiglemont

Une brève...

Le Roy avait fait mine de recevoir les Plébéiens et les Plébeiennes qu'il n'avait point encore réussi à diviser, mais on y oeuvrait secrètement par l'entremise de monsieur du Glucose, lequel ayant quelque peu réanimé la Faction de la Rose au Tournoi de l'Europe, s'en pensait devenu incontournable. Sa Neigeuse Altitude avait doncques accordé une oreille faussement attentive à Madame Fin-du-Castetus et ses comparses, avant que de s'entretenir deux longues heures avec ses vassaux, lesquels, fort divisés, affichaient une unité de façade.
Notre Morgueux Oligarque reçut ensuite les barons de la Dextre. Monsieur du Veauquié s'entendit avec le duc des Attelles pour convenir qu'on boutrait tout gouvernement comportant un de ces maudits Insoumis. Le Roy en fut fort satisfait.
On convoqua alors au Château un plumitif de la Gazette Les Potins à qui l'on confia la mission de révéler que Sa Fieffée Autocratie ne donnerait point suite aux demandes inconsidérées de la Faction de la Plèbe, puisqu'il apparaissait que Madame Fin-du-Castetus et son gouvernement seraient renversés sitôt leur nomination. C'était là pur mensonge, la Chambre Basse n'étant point appelée à siéger avant l'automne.
On était au Royaume du Grand-Cul-par-dessus-Tête. Notre Poudreux Foutriquet avait perdu le Tournoi qu'il avait lui-même provoqué mais par un tour de passe-passe, il était maître de toutes choses. Ainsi en avait-il décidé.

Monsieur Bompardus promettant de destituer le Roy devant quelques Dévôts.

22 août 2024

Julie d'Aiglemont


Chronique du vingt deuxième d'août en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution

On était la veille du jour où le Roy devait recevoir les chefs des Factions. Cela faisait maintenant plus de quarante jours que les Plébéiens et Plébéiennes avaient emporté le Tournoi de la Chambre Basse mais Sa Scandaleuse Surdité n'en avait eu cure. Les Olympiades avaient été une trêve bénie. "Nous qui avons vécu pendant plus de deux semaines dans un pays où on eu le sentiment que l'air était plus léger, nous n'avons point envie que la vie vulgaire reprenne ses droits" avait énoncé Notre Neigeux Escamoteur dans les jardins du Château, au lendemain de la clôture des divines Olympiades devant des courtisans et courtisanes en pâmoison. Ainsi la baronne de la Patronesse en avait-elle frissonné de contentement.
Il se disait que son nom était parmi de ceux qui se murmuraient pour occuper auprès du Roy la charge de Premier Grand Chambellan. La baronne eût tant aimé damer le pion à son compère le baron du Tranber. On avait aussi chuchoté celui du duc de la Nouvelle-Paillote, dont tout le monde ou presque avait oublié qu'il avait servi le roy Françoué dit le Flan. Il se trouvait cependant quelques Riens et Riennes pour rappeler fort opportunément qu'un brave et jeune botaniste avait vu sa vie fauchée par une grenade lancée dans son dos par un homme d'armes très zélé, au service du duc de la Nouvelle-Payotte, lui-même sous les ordres du Premier Grand Chambellan d'alors, le duc d'Evry, qu'on appelait aussi Manolo de la Valse.
D'autres noms se murmuraient encore. Les Dévôts et les Dévôtes n'en finissaient plus de farcir la tête des gazetiers afin de donner le change. Les Très-Riches - qui n'entendaient point céder un seul sou de leurs immenses fortunes - faisaient procéder à de coûteux carottages de cervelles pour faire oublier que les Riens et les Riennes avaient défait le camp du Monarc par leurs suffrages. Tout valait mieux que de prononcer le nom honni de la belle madame Fin-du-Castetus, laquelle, toute sage qu'elle était, ne s'en laissait point conter. La petite duchesse de la Gerbée alla médire d'elle dans les salons d'une Gazette sans jamais prononcer son nom. Elle ânonna avec application son bréviaire. On eût dit une piteuse cartomancienne. Elle fit une peinture apocalyptique de ce qui arriverait si par malheur madame Fin-du-Castetus formait un gouvernement où on compterait ces maudits Insoumis.
La Gazette de monsieur Plenus Mustachus narra par le menu comment le Roy et la Reyne avaient fait établir aux abords du Château une échoppe-musée. Nos Pipolesques Altesses n'entendaient point jouer en personne à la marchande - telle la Reine Marie-Antoinette s'occupant grâcieusement de quelques brebis bien toilettées. Le noble dessein était de donner à admirer aux Riens et aux Riennes comment l'on vivait au Château sous le règne de Notre Dispendieux Bibelot. Des portraits de Sa Neigeuse Altitude ornaient chaque pièce. On y vendait à prix d'or quelques menus souvenirs.
Ce fut aussi le jour où l'on apprit que le Parquet de Lutèce entendait requérir contre le comédien monsieur De Parodieux pour outrages suprêmes à l'encontre d'une femme, laquelle était connue de lui, ce dont il s'était servi pour la mettre à sa merci. Le Roy avait à quelque temps de là apporté tout son soutien à monsieur de Parodieux. N'était-il point un génie au service de la culture de notre pays ? L'hommage très appuyé du souverain avait fait grandement jaser. La chose était fort amère pour les Riennes à qui Sa Mensongère Manigance avait promis qu'on combattrait avec force toutes les violences qui leur étaient infligées quotidiennement.
Un autre histrion, fort connu lui aussi, était passé de vie à trépas. Les gazettes l'encensèrent pour sa beauté passée et les multiples rôles qu'il avait endossés, où il avait semblé pour beaucoup n'avoir été à chaque fois que lui-même. Comme il avait été fort ami avec son père, la ChatelHaine de Montretout s'empressa pour être la première à lui rendre hommage par un billet qui fut transmis à toutes les Gazettes. Le Roy en fut fort marri. Cet histrion pour lequel le peuple et les gazetiers avaient la larme abondante eût fait un formidable Premier Grand Chambellan.
Ainsi en allait-il au royaume du Grand-Cul-Par-Dessus-Tête. Le Roy était nu mais il portait perruque. Cela valait bien une couronne.
Portraitiste officielle Bridget Jaune

20 août 2024

Julie d'Aiglemont

Je ne sais pas vous... mais moi, j'en ai déjà soupé de l'hommage à Delon. Rendez-nous Gérard Philipe.

16 août 2024

Julie d'Aiglemont

Chronique du seizième d'août en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution

"Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à le divertir et à l'empêcher de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu'il y est, s'il y pense." Pascal, Pensées, 1669
Les Olympiades étaient closes depuis le dimanche. Le Roy en était fort marri. Celles des paralytiques ne débuteraient qu'à la toute fin du mois d'août, quelques jours avant la rentrée des escholiers et escholières. Notre Fieffé Contorsioniste avait mandé ses chers conseillers afin de les sommer que les Olympiades ne connussent jamais de fin. "Sire, la chose ne se peut, hélas. Les chefs des Factions commencent à s'impatienter. Il s'écrit beaucoup de missives. Votre Majesté n'a que trop délayé. Il vous faut un nouveau Premier Grand Chambellan." "Que me baillez-vous donc là, avait répondu le Roy, nous vous appointons pour que vous Nous divertissiez encore. Divertissez-Nous !".
Par bonheur, il y avait encore des évènements passés à commémorer. Le Roy, s'en étant retourné dans son palais d'été de Brigand-Çon après la fin des Olympiades, se fit transporter le jour de la fête mariale dans la bonne ville de Toulon, où un florilège d'invités dûment triés sur le volet l'attendait sur le navire amphibie Dixmude. Las ! le ciel était gros d'orages à venir, et il fallut annuler la fête. Sa Glorieuse Gesticulation avait le matin de ce même jour pu se divertir dans la nécropole de Boulouris et remettre quelques breloques à des valeureux et valeureuse qu'on avait oubliées jusque là.
"Sire, monsieur du Mingue, naguère thuriféraire de Votre Majesté, commence à médire. La Gazette du Coiffeur rapporte même que le mot destitution a été proféré !". La chose mit le Roy dans une grande ire. "Que l'on me convoque tous les chefs des Factions au Château !". Notre Turpide Freluquet, loin de faire valoir le droit de la Faction de la Plèbe, victorieuse du Tournoi, à gouverner, entendait toujours briser en deux cette coalition néfaste. Madame Fin-du-Castetus, la prétendante des Plébéiens à la Chancellerie, ne voulait-elle point en finir avec la Réforme des Vieux-Jours ? Il ne se pouvait. C'était là crime de lèse-majesté. Sa Cynique Manigance ne voulait point entendre parler de cette roturière, cette vile Plébéienne dont les Haineux disaient pis que pendre.
Las ! On apprit de la bouche de l'Insoumis monsieur Bompardus que les chefs et cheffes de la Faction de la Plèbe se rendraient bien au Château à l'invitation du Monarc, et qu'on serait accompagné de madame Fin-du-Castetus.
Illustration Bridget Jaune

5 août 2024

Chronique du troisième du mois d'août en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution

Julie d'Aiglemont

Le Roy s'amusait beaucoup en son fort de Brigand-Çon. Tandis que la Reine Dame Bireguitte jouait à faire des emplettes, Notre Puéril Jouvenceau faisait le pugiliste sur la grève avec les gens chargés de protéger sa divine personne. Cependant, Sa Bisouilleuse Altesse s'avisa que les Olympiades se poursuivaient à Lutèce sans Elle. La chose ne se pouvait. On manda aussitôt l'aéroplane pour se faire transporter dans les airs. Les valets de pied du Roy et une partie de la maisonnée empruntèrent aussi le chemin des airs.
Notre Frénétique Papouilleur arriva ainsi à temps pour assister aux joutes finales de lutte nipponne. Le Roy - qui avait fort opportunément oublié qu'il avait annoncé dans les gazettes se faire discret lors de ces Olympiades - se jeta littéralement sur les pugilistes pour les embrasser et les palper tendrement. Il fallait en consoler une qui avait échoué à l'or et féliciter l'autre, qui avait vaincu magistralement son adversaire en le faisant voltiger et atterrir au sol. Nombre de Riens et de Riennes, ulcérées de voir que leur Monarc Abhorré cherchait à tirer gloriole de toutes les victoires de nos athlètes, en vinrent à souhaiter très fort que le géant monsieur Rinerus lui fît subir le même sort. On rêvait de voir le Roy plaqué au sol. Las ! la chose n'arriva point. Le géant se laissa papouiller par Sa Frénétique Concupiscence. Ce fut ensuite au tour d'un jeune prodige des bassins de se faire embrasser par le Roy puis par la baronne d'Oustdela-Casstoidla, laquelle mit tant d'entrain à bisouiller le jouvenceau que le Monarque en conçut quelque jalousie.
Plus la moisson de médailles était belle, plus Notre Invétéré Sybarite exultait. Ces Olympiades étaient les siennes. Les clameurs qui montaient des travées étaient des vivats.
Pendant que les jeux du cirque occupaient les cervelles, le baron du Tranber, qui était à la tête des provinces du Nord, se préparait à prétendre à la charge de Premier Grand Chambellan. On ne savait en vertu de quelle légimité il s'imaginait ce destin. Sa Faction, les Raipoublicains, avait éclaté à la suite de la désertion de son chef, le baron de la Chiotte, lequel était allé se jeter dans les bras de monsieur de Bartoidella. A la chambre Basse, ce qu'il en restait s'appelait désormais la Dextre Raipoublicaine et comptait moins de quarante partisans. Le baron du Tranber avait, disait-on, fait la paix avec son ennemi juré le baron du Veauquié, qui régnait sur l'Auvergne, où il menait grand train de vie sur les deniers publics.

30 juillet 2024

Chronique du trentième jour du mois de juillet en l'an terrible de la Grande Dissolution

Julie d'Aiglemont

De grandes chaleurs se répandirent sur le pays depuis le royaume de l'Hispanie, assommant bêtes et gens. Le Roy, après être allé tendrement bisouiller et papouiller le jouteur de l'Ovalie Dupontus - qui avait, avec ses comparses, fait gagner une médaille en or à notre pays - se fit transporter dans les airs jusque dans son palais d'été de Brigand-Çon où l'attendait déjà la Reine-Qu-On-Sort ainsi que la moitié du Château.
Notre Machiavélique Foutriquet entendait reprendre la main après la victoire de la Faction de la Plèbe. Il lui fallait couper l'herbe sous les pieds de ces maudits opposants qu'il n'avait point réussi à diviser, malgré toutes les manœuvres dont on avait usé pour circonvenir les ennemis de Monsieur Faurus, l'inflexible chef de la Faction de la Rose. Le Roy, qui avait balayé avec sa morgue coutumière la candidate de la Plèbe, la sage et belle Madame Fin-du-Castetus, exigeait de ses Conseillers qu'ils lui sortissent de leurs cervelles un nom providentiel, qui pût recueillir l'assentiment de ce peuple assommant. Sa Neigeuse Turpidité s'essayait Elle-Même à chercher la perle rare et ne cessait de questionner ses Dévots : "Que pensez-vous du bon abbé Pétrus ?" "Que Votre Majesté nous pardonne, mais le brave homme est passé de vie à trépas depuis belle lurette... et il se dit, Sire, que cet abbé n'était point le saint homme que les gazettes et l'Eglise vantaient... de vilaines affaires d'alcôve ne cessent de surgir. L'abbé aurait outragé quelques femmes, qui n'avaient point osé parler..." "Diantre, avait répliqué le Roy, qu'on fasse mander le sieur Goldmanus, ainsi que ce cher Aimbappus, je les nommerai tous deux Premiers Chambellans. Le peuple ne veut point de femelle pour cette charge, nous en avons déjà usé avec la Grande-duchesse de la Très-Bornée".
Les Sages de la rue Cambon, qui veillaient sur les cassettes du Royaume, et qui avaient coutume d'ordinaire de persifler sur les maitres et maitresses des escholes, pointèrent avec sévérité le train de vie mirifique de Nos Pipolesques Altesses. Les livres de comptes du Château accusaient un déficit de quelques huit millions d'écus. Les Riens et les Riennes, qui comptaient leurs modestes picaillons dans leurs non moins modestes chaumières, apprirent par le menu comment Notre Dispendieux Bibelot et sa Bergère en usaient avec les deniers publics. On ne se refusait rien.
Que les mânes de Louise Michel nous inspirent...

28 juillet 2024

Chronique du vingt-huitième du mois de juillet en l'an vingt-quatre de la Grande Dissolution et des Jeux

Julie d'Aiglemont

Les cérémonies inaugurales des Olympiades firent grandement jaser dans les chaumières. Le maître de ballet, Monsieur Jollius, qui les avait conçues avec quelques comparses, les avait voulues à l'image de notre chère vieille République. De l'avis quasi unanime, l'évènement fut apprécié. Il ne se trouva que les Haineux pour s'étrangler de rage à la vue des scènes vivantes qui avaient formé les morceaux de choix de ces festivités. Le satyre bleu, s'épanouissant joyeusement au milieu de créatures extravagantes attablées à un banquet, mit en grande ire Madame Maraiechalle-Nouvoilla et le vicomte de Vil-Y-Est. Ces Haineux y virent un détournement impie de la Cène, là où il était davantage question d'une bacchanale. La vision à la fenêtre de la Conciergerie d'une comédienne faussement décapitée, en robe écarlate, chantant le Ça Ira des Sans-Culottes au son d'un orchestre des plus échevelés, fit hurler la baronne du Boudain. Cette bonne dame, confite en religion, cria au sacrilège. Ne venait-on point de trancher derechef la reine Marie-Antoinette ? Le grand philosophe monsieur Finequellecrotte s'épancha abondamment, criant qu'il n'y eût plus de beauté dans ce monde. Les coupables en étaient ces maudits Éveillés, dont on ne savait plus dire s'ils étaient mâles ou femelles.
Le Roy s'ennuya ferme. Lorsque des statues figurant les grandes héroïnes de la vieille République sortirent des flots de la Seyne, Notre Morgueux Réactionnaire s'étrangla en reconnaissant Louise Michelus, une maudite anarchiste que le bon monsieur Thiers avait pourtant fait exiler aux antipodes pour la punir d'avoir été rebelle et insoumise. Sa Grande Turpidité s'attendait à tout moment à voir surgir des flots la belle madame Fin-du-Castetus.
Quand le moment fut venu pour notre souverain de déclarer ouvertes les Olympiades de Lutèce, quelques sifflets se firent entendre.
Les cérémonies s'achevèrent avec l'allumage d'une montgolfière - laquelle porterait la flamme olympique durant le temps des jeux - et les envolées lyriques d'une cantatrice de la Belle-Province, la Sellette d'Ion, ce qui ne manqua point de faire saillir quelques larmes chez d'aucuns et d'aucunes. Quelques heures auparavant, la diva avait posé pour la postérité en compagnie de Dame Bireguitte, vêtue pour l'occasion d'un costume en toile dont on recouvrait ordinairement les matelas.

26 juillet 2024

Chronique du vingt-six du mois de juillet en l'an terrible de la Grande Dissolution

Julie d'Aiglemont

Le Roy exultait. Lutèce était la capitale du monde et il en était le phénix. On était à quelques heures de la grande cérémonie nautique qui ouvrirait les Olympiades, lesquelles avaient cependant déjà commencé par quelques joutes de balles. Notre Orgueilleux Amphytrion recevait à cette occasion au Château les têtes couronnées qui avaient fait le voyage de Lutèce pour assister aux festivités. Celles-ci promettaient d'être grandioses.
Sa Honteuse Compromission réserva au Conducator de l'Argentina, le signor Milenul, ainsi qu'au président de l'Israel un accueil des plus particuliers, puisqu'il leur faisait le grand honneur de les recevoir dans un tête-à-tête. Le signor Milenul avait déjà fait l'objet de toutes les attentions royales. Un dîner avait été organisé en son honneur à quelques temps de là. Ce Milenul était un homme des plus brutaux et inconvenants. Il avait pour oracle un de ses canins, passé de vie à trépas, qu'il avait fait embaumer et qu'il consultait fort souvent. Il passait l'essentiel de son temps en visites à l'étranger, cependant que la vice-conductrice, la signora de la Vile-Ruelle gouvernait le pays. Madame de la Vile-Ruelle méprisait fort notre pays, et ne perdait jamais une occasion de le faire savoir. Les joutes de balle au pied lui en donnaient moult occasions. Les hommes-lige du Conducator avaient aussi toutes les tendresses pour d'anciens bourreaux qu'on avait mis sous les verrous sous le régime précédent. Parmi ces bourreaux, il s'en trouvait un qu'on appelait "l'ange blond" et que la justice de notre pays avait condamné par contumace pour avoir causé la mort dans d'atroces souffrances de deux Riennes, nonnes de leur état.
La grande question était de savoir si le Ciel serait clément sur les fêtes olympiques. Depuis la veille, de lourds nuages s'amoncelaient sur Lutèce, crevant en pluies abondantes. La faute en était sans conteste à la cantatrice Haridelle de la Tombale. Le Roy, qui la prisait fort, ainsi que son époux, monsieur de Béhachelle, l'avait priée de se faire entendre quelques jours auparavant, lors des festivités du quatorze de ce mois de juillet. La prima donna s'était pour l'occasion grimée en lampadaire ou en tuyau - on n'avait trop su lequel de ces deux accessoires avait été utilisé.
Il se murmurait aussi que c'était à la présence de l'ancien Roy Françoué dit le Flan - il faisait partie des Invités de marque - que l'on devait la pluie redoutée par les Grands Savants de l'institut-Du-Temps-Kilfera. On les consultait fiévreusement, la réponse de leurs grenouilles indiquait invariablement des trombes d'eau sur Lutèce.