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3 septembre 2022

Censure

Marc Alpozzo

C’est désormais au tour de Ségolène Royal d’être dans la tourmente, après avoir dénoncé « une propagande de guerre par la peur » de la part du président ukrainien, #Zelensky. Ayant mis en doute, jeudi 1er septembre, les crimes de guerre en #Ukraine, voilà qu’elle est elle-même dénoncée par le « politiquement correct », qui fascise toute pensée, tout questionnement qui vient remette en cause son discours officiel. Quel simplisme ! Ce n’est pas à la hauteur de ce pays, pays de Voltaire, pays des Lumières, pays de la liberté d’expression. On ne le redira jamais assez !

Islamophobie

Yann Bizien

À force de reculer, et de céder à la rhétorique islamique, l'exécutif a laissé l'islamisme progresser dans son action offensive de conquête de notre pays.
La critique de l'islamisme doit rester libre en France. L'islamophobie est un concept habilement utilisé pour tenter de nous culpabiliser et pour utiliser les failles de notre droit.
L'État français n'a rien contre les musulmans assimilés, respectueux de la laïcité, de notre droit et de nos valeurs.
En revanche, son devoir est de lutter contre la volonté communautariste et séparatiste des fanatiques de l'islam politique et fondamentaliste. Car nous ne voulons pas d'une contre-société qui aurait pour but d'effacer progressivement l'identité française.

2 septembre 2022

Penser par soi-même

Yann Thibaud

Il existe deux manières de comprendre et d'appréhender la série d'événements effrayants, stressants, déprimants voire apocalyptiques, que nous traversons aujourd'hui.
Si l'on croit naïvement et crédulement au message des médias, qui ne font que traduire, au final, la volonté du pouvoir en place, alors l'on percevra, nécessairement et obligatoirement, la situation présente comme une succession sans fin de calamités injustes et incompréhensibles, s'abattant cruellement et impitoyablement, sur notre pauvre humanité, victime permanente et impuissante, d'une sorte de malchance ou malédiction, que nul ne pourrait ou saurait définitivement arrêter.
Mais si l'on entreprend de penser par soi-même et si l'on mène ses propres recherches, on se rendra compte assez rapidement qu'il est possible de voir la situation d'une manière radicalement différente, comme un combat entre d'une part des forces d'exploitation et d'asservissement de l'humanité, qui sont en train de perdre partout le pouvoir, et qui tentent, une fois encore, de conserver leur main-mise et leur hégémonie, et d'autre part cette même humanité qui n'en peut plus de subir leur joug et qui, partout sur la planète, se réveille et se rebelle, de multiples manières, et entend désormais reprendre et manifester sa souveraineté, afin de créer enfin le monde de ses rêves.
Cette différence fondamentale de lecture de la situation présente génère, dès lors, deux états d'esprit tout à fait opposés.
Si l'on est un adepte de la religion des médias et du pouvoir en place, on sera fatalement de plus en plus déprimé, anxieux, voire même suicidaire, et en tout cas bien malade !
Mais si l'on est un alternatif, un authentique écologiste ou un penseur critique (c'est-à-dire un véritable penseur), capable de décrypter la bulle de mensonge et de manipulation systématique, le bombardement permanent d'illusions diverses, auquel nous sommes désormais quotidiennement soumis, alors on percevra l'époque actuelle comme une occasion fascinante et unique de changer le cours de l'histoire humaine, de rectifier enfin le tir, de redresser la barre et d'être parmi les pionniers et précurseurs d'un nouveau monde, authentiquement harmonieux et satisfaisant pleinement ses aspirations profondes et ses idéaux véritables !
Détresse, angoisse et désespoir, donc, dans le premier cas ; excitation, enthousiasme et ferveur dans le second.
À chacun de décider et de faire ses choix, le libre arbitre étant la condition même et la clé essentielle de l'époque actuelle et du test qu'elle constitue pour chacune ou chacun d'entre nous !

Éric DENÉCÉ

Éditorial n° 60 / Août 2022

GUERRE DE L’INFORMATION ET FORMATAGE DE L’OPINION À L’OCCASION DE LA GUERRE EN UKRAINE

Le conflit ukrainien est de moins en moins lisible en raison du manichéisme qui caractérise les positions des deux camps. Si nombreux sont ceux qui s’attachent à détecter et à dénoncer la propagande russe – si nul ne la conteste, elle est finalement difficilement mesurable pour l’opinion en raison de l’impossibilité d’accéder à ses médias et aux messages qu’ils véhiculent –, personne ne s’intéresse à celle pratiquée par les Ukrainiens et reprise aveuglément par les médias occidentaux que les populations subissent quotidiennement depuis cinq mois.

Aussi, il est important de mettre en lumière les techniques utilisées par les Spin Doctors de Kiev, leurs conseillers américains et leurs relais médiatiques pour conditionner l’opinion et imposer leur seule version de faits, faire porter l’entière responsabilité de ce conflit à Moscou et neutraliser tout point de vue divergent.

30 août 2022

“l’Occident a une propagande beaucoup plus efficace que la Russie”


Éric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, a bien voulu nous donner une interview sur la propagande occidentale et son efficacité dans le conflit ukrainien. Son constat rejoint la ligne présentée par le Courrier des Stratèges depuis plusieurs semaines : la propagande occidentale est redoutable pour "embarquer" l'opinion publique dans une guerre qui n'est pas la sienne et dont le principal danger réside dans l'appauvrissement durable de l'Occident.


1 septembre 2022

Propagande de guerre

Professeure honoraire à l’ULB et historienne, Anne Morelli est une figure emblématique et reconnue du monde académique belge.
En 2001, elle publie “Principes élémentaires de propagande de guerre”, dont la diffusion a largement dépassé nos frontières.

Connue pour son franc-parler et ses analyses qui bousculent la pensée unique, elle nous invite à la vigilance et rappelle au passage quelques principes fondamentaux du libre examen que certains de ses ex-collègues semblent avoir oubliés.


Messieurs-dames les députés : bougez !

Gilles La Carbona

On ne peut tolérer que l’avenir de notre pays se réduise à la seule volonté d’un homme, fut-il élu au suffrage universel. Il y a des orientations qui ne peuvent être prises qu’après consultation, si ce n’est du peuple, au moins de ses représentants. Ainsi, il est anormal de laisser à Macron le soin de décréter des sanctions à mettre en place contre un pays, dès lors que les conséquences qui en découleront, toucheront gravement l’ensemble des citoyens et de l’économie du pays. En réalité, c’est bien la liquidation quasi-totale de ce qui reste de notre industrie qui s’annonce, avec un prix du courant électrique qui rendra impossible à rentabiliser toute forme de production.
Il ne saurait être tolérable de laisser à un seul personnage, entouré d’un conseil secret, non démocratique, le soin de décider des coupures de courant, sachant que la pénurie électrique est directement imputable à la décision d’arrêter la moitié des réacteurs nucléaires qui nous assuraient l’indépendance énergétique. Il y a de la folie dans ses décisions, il y en aura tout autant en le laissant faire comme bon lui semble. Lui et son gouvernement sabotent au préalable pour pouvoir crier au loup. Si nous manquons d’énergie cet hiver, c’est uniquement parce que Macron et ses affidés ont pris des décisions qui conduisent à cette catastrophe en devenir.
Il est temps qu’un vrai débat national soit engagé sur l’opportunité de poursuivre des sanctions qui nous mènent à la ruine, sur la dépendance énergétique qu’entraîne une posture écologique violemment tenue par des groupuscules enragés, qui nous ont fait presque abandonner le nucléaire. Rester en dehors de ce débat et de ces décisions, c’est admettre que Macron est en droit de gouverner seul, c’est accepter d’être une opposition vassalisée entérinant ses décisions. Il est de votre devoir de siéger, même contre son avis, vous devez montrer à l’exécutif qu’il ne pourra plus décider en catimini. Et si le palais Bourbon vous est interdit, réunissez vous ailleurs, montrez au reste du monde qu’en France, on ne bâillonne pas les représentants du peuple, faites vaciller enfin ce pouvoir hautain. Comme en leur temps, vos prédécesseurs investirent le Jeu de Paume. Les Français vous regardent et pour le moment, ils ne constatent qu’une apathie, qui n’est pas pour les rassurer sur l’avenir incertain qui avance et dont ils devront, si vous ne vous faites pas le travail d’élus, assumer seuls les conséquences.

Éditorial de Jean-François Revel sur la féminisation des mots

Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.
Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.
La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins.
Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.
Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.
De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?
Absurde !
Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.
Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit : « Madame de Sévigné est un grand écrivain » et « Rémy de Goumont est une plume brillante ». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.
Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme.
L’usage est le maître suprême.
Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale.
Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques.
L’État n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire.
Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.
J’ai entendu objecter: « Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ? ». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.
Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants.
La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique.
Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.
Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique : faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.

Source Recueil d'éditoriaux de JF Revel, 1999, édité chez Fayard

31 août 2022

mélimélo

⬦ Pour ne pas avoir le bac, il faut en faire la demande.
Luc Ferry

⬦ Pourquoi devrions-nous souffrir de restrictions et privations qui ne sont dues qu'à l'incompétence et aux décisions irresponsables de nos dirigeants ?

⬦ Si Moderna attaque Pfizer pour violation des brevets, ils vont devoir prouver que Pfizer a repris leurs ingrédients, donc nous allons savoir ce qu'il y a dedans !

⬦ La nuit il fait un peu trop frais, je suis obligé de prendre un vêtement de plus quand je sors tard, c'est plus les canicules d'antan !

⬦ Sous des latitudes plus chaudes que la nôtre, est-ce que vous savez s’il y a des survivants ?

⬦ Alors cet hiver ça sera papi et mamie dans la cuisine et en plus dans le noir.

⬦ En cas d’urgences médicales, le ministre de la Santé met en place un jeu de piste.

⬦ Si vous pensez que l'aventure est dangereuse, je vous propose d'essayer la routine... Elle est mortelle !
Paulo Coelho

Les conseils secrets doivent cesser

Gilles La Carbona

Après les conseils de défense COVID, dont on sait aujourd’hui qu’ils ne furent qu’une vaste mascarade, voilà ceux sur l’énergie. Ne pouvant se défaire de l’envie de nous nuire et n’ayant plus de grain à moudre avec la fausse pandémie, il se rabat sur l’énergie. L’homme aime l’emphase, il a besoin de frapper les esprits pour se grandir faute de porter, dans son action, l’excellence qu’il s’attribue. Quoi de plus martial qu’un conseil de défense ? Mais défense de quoi ? Où est l’ennemi qui frapperait à notre porte et justifierait ces alcôves furtives et ténébreuses ? Il faut bien, par un jeu savamment orchestré, justifier l’injustifiable. Restriction, pénurie, démolition de la France et de son économie, seront au menu concocté « pour notre bien ».
Il organise lui-même son petit cénacle et dirige les débats dans l’obscurantisme le plus complet. Il ne règle pas les problèmes, il les créés. C’est uniquement sa faute, si nous devons subir une hausse du prix du gaz de l’électricité et des produits alimentaires, pour suivre aveuglément et sans discernement les délires, ou les plans, de Van Der Leyen et de Biden. Il nous annonce un cataclysme et se fera un plaisir de nous dire qu’il a évité le pire grâce aux décisions prises en dehors de tout contrôle parlementaire. Cet homme se fiche de la démocratie qu’il considère comme un frein. La liberté est pour lui une plaie et il use de tous les stratagèmes pour la contourner tout en martelant qu’il agit pour notre bien.
L’opposition, qui commence à regimber, doit arrêter cette mascarade et interdire que ces conseils se réunissent en catimini, sous la seule volonté du Président. Nous ne sommes pas en régime Présidentiel pur, il est donc urgent de faire cesser cette pratique. S’empressera-t-il de classer secret défense tout ce qui va s’y dire ? S’il veut vraiment aider notre pays, la solution est simple, pour éviter une crise énergétique et sociale : cesser d’alimenter la guerre en Ukraine. Qui a protesté quand les Américains ont démantelé la Yougoslavie ? Quand les Français ne pourront plus ni se chauffer, ni se nourrir, que croit-il qu’il se passera ? Borne, après s’être félicitée de la fermeture des réacteurs de Fessenheim comme étant la panacée de l’écologie, vient aujourd’hui nous expliquer qu’il faut des restrictions dans toutes les entreprises, pour pallier la pénurie d’énergie qu’elle a elle-même organisée. La planification de nos malheurs apparaît maintenant de plus en plus clairement aux yeux des observateurs. Il est nécessaire de mettre cet homme et ce gouvernement hors d’état de nuire, par la voie légale de la destitution : on ne peut rien construire avec un président qui est devenu l’ennemi intérieur du pays.
Gilles La Carbona, secrétaire national du Rassemblement du Peuple Français, chargé du suivi de la vie parlementaire.

Travailler moins pour vivre mieux


Céline Marty, philosophe : "Il y a énormément de secteurs, de services notamment, qui brassent de l’air"

Interview par SIMON BRUNFAUT
27 août 2022


©Thomas Decamps


Pourquoi le travail occupe-t-il une place si importante dans nos existences ? La philosophe, Céline Marty publie un ouvrage* dans lequel elle montre que "le travail dévore nos vies". Selon elle, le travail est "mystifié", investi d’une idéologie qui doit être, à l'heure de la crise écologique, remise en question afin de "s'émanciper du productivisme". Et si travailler moins était la solution ?

Pourquoi avons-nous tendance à "mystifier" le travail dans nos sociétés, selon vous ?

C’est le résultat de l’accumulation de plusieurs phénomènes. Suite à la révolution industrielle, nos gouvernements ont organisé une société de l’emploi. Pour acquérir des droits sociaux et des ressources économiques, le travail déclaré et rémunéré est devenu central. On a considéré qu’il était nécessaire que tout le monde ait un emploi à plein temps pendant quarante ans. À cette exigence de travailler s’est ensuite greffé un discours sur la valeur. On a ainsi donné progressivement une valeur existentielle et morale au travail. Il y a deux siècles, ce discours n’existait pas.

Si le travail est bien un enjeu économique, vous estimez cependant qu’il n’est pas un véritable sujet politique. Comment "politiser" le travail ?

L'omniprésence du travail n’est pas remise en question, car la mise au travail est une manière de discipliner les populations : plus les gens ont du temps libre, plus ils sont en mesure de remettre en cause le système. Plus on laisse du temps libre aux gens, plus ils vont revendiquer des choses. Les gens les plus contestataires sont d’ailleurs ceux qui ont le plus de temps libres...

D’autre part, nous avons une culture politique particulière en Europe. À droite, on défend le travail, car il est le symbole de l'émancipation de l'individu. À gauche, on observe une défense du travail bien fait, par exemple, et il n'y a pas de consensus pour critiquer le travail. La critique du travail vient en réalité des milieux anarchistes et écologiques, qui posent cette question: que faut-il vraiment produire ? Comment éviter les rapports de force qui se jouent au travail ? Cette question est peu abordée à gauche, car on maintient l'espoir dans le progrès technique et l'on se limite à discuter des conditions de travail.

Quel a été l’impact de la séquence covid sur notre conception du travail ?

À l’échelle individuelle, les gens ont beaucoup réfléchi. On a parlé du travail, il y a eu un débat autour des métiers essentiels. Mais le problème, c'est qu’il n’y a eu aucune traduction politique de ces questionnements. On a pris quelques mesures de revalorisation salariale ici et là, c’est tout. Quand on écoute actuellement le discours de Macron, on a l’impression d’entendre Thatcher dans les années 80 : atteindre le plein emploi, réduire l’assurance chômage, faire en sorte que tout le monde ait un job, etc. Les conséquences du covid n’ont absolument pas été prises en compte. C’était pourtant le moment de se poser des questions, étant donné l’urgence climatique notamment...
Le secteur de la publicité et de la communication pourrait disparaître puisqu'il ne sert qu’à stimuler la consommation.

Comment adapter notre conception du travail aux enjeux écologiques? Des métiers sont appelés à disparaitre, selon vous ?

Le travail est une activité polluante et destructrice de ressources. Donc, il faut choisir ce qu’il faut produire en priorité. Le secteur de la publicité et de la communication pourrait disparaître puisqu'il ne sert qu’à stimuler la consommation. Le secteur aérien doit lui aussi être totalement repensé. Cet été, étant donné la sécheresse et les canicules, on a pu voir émerger un questionnement public au sujet de l’arrosage des golfs. C'est la preuve qu'il est possible de politiser certaines activités et de questionner leur légitimité en sachant que nous sommes appelés à repenser entièrement l’organisation de la production.
Il y a toujours eu des emplois qui ont été supprimés dans l’histoire du travail, et on l’a fait souvent sans beaucoup d’états d’âme.

Mais vous savez ce que l’on va vous opposer: il faut sauvegarder les emplois...

Il y a toujours eu des emplois qui ont été supprimés dans l’histoire du travail, et on l’a fait souvent sans beaucoup d’états d’âme. D’ailleurs, si on s’intéresse à l’histoire du travail, on voit que, très souvent, on a choisi de supprimer les emplois des travailleurs les plus revendicatifs, dans les secteurs les mieux organisés syndicalement. En réalité, quand ça arrange le politique, on supprime facilement les emplois.
Les temps libres sont tout aussi légitimes que les temps de travail.

Où devrait commencer et où devrait s’arrêter le travail, selon vous ?

Aujourd’hui, nous avons tendance à considérer que tout est travail : on va à la salle de sport pour "travailler" sa musculation, la vie de couple est un "travail", on doit "travailler sur soi", etc. En disant "tout est travail", on rend les choses extrêmement confuses. Nous avons besoin d’activités normées qui satisfont des besoins collectifs, mais le citoyen pourrait participer à normer ces activités et à réfléchir les conditions de travail. À côté de ça, il faut revendiquer du temps et de l’énergie pour les temps libres. Les temps libres sont tout aussi légitimes que les temps de travail. Les conséquences sociales et écologiques de l’hyperproductivisme sont payées par l’ensemble de la société.
L'enjeu est de construire une protection sociale qui ne dépende pas de l’emploi.

Moins travailler est donc une manière de répondre très concrètement à l'urgence climatique ?

Oui, c’est une manière de revoir notre manière de consommer et de produire. On ne cesse de nous dire qu’il faut travailler plus, mais quelles sont les conséquences concrètes de cet hyperproductivisme? Un tiers de la production agricole part à la poubelle avant même d’arriver dans nos assiettes. C’est donc un tiers des efforts, du travail humain et des ressources naturelles, qui partent en fumée. Il y a énormément de secteurs, de services notamment, qui détruisent des ressources pour brasser de l’air. On peut penser au démarchage téléphonique, par exemple. Le problème, c'est que l'on répète à longueur de journée aux gens qu’ils ont besoin d’avoir un emploi, et donc ils choisissent n’importe quoi. Tout l’enjeu est de construire une protection sociale qui ne dépende pas de l’emploi. Nous n’avons pas adapté notre système de protection sociale aux gains de productivité et au chômage de masse.
L’automatisation et la révolution numérique ont fait disparaitre beaucoup d’emplois. Mais nous n’en avons pas profité pour réduire le temps de travail.

À quel point la révolution numérique et l’automatisation ont-elles bouleversé notre conception du travail, selon vous ?

L’automatisation et la révolution numérique ont fait disparaitre beaucoup d’emplois. Mais nous n’en avons pas profité pour réduire le temps de travail. À l'heure de l'automatisation et du numérique, nous restons fondamentalement dans une société de l’emploi. Nous avons donc créé une série d’emplois artificiels pour compenser la perte d'autres emplois. On peut penser au livreur Uber qui vous apporte vos sushis, par exemple.
La course à la productivité et à la croissance n’obsède pas le monde entier.

La question du travail est liée également à l'enjeu de la mondialisation. L’argument consiste bien souvent à dire qu’il faut s’adapter à cette course effrénée, et donc travailler plus... Comment échapper à cette exigence ?

L’argument de la course à la mondialisation ne convainc pas individuellement qu’il faut travailler plus. On nous fait croire que la situation aux États-Unis, par exemple, serait désirable. Mais ce modèle social ne fait pas rêver. C’est la même chose pour la Chine. Nous ferions mieux de regarder du côté européen. En Norvège, personne ne travaille après 17h. Le modèle du surengagement est en fait très localisé et parait absurde aux yeux de certains pays. Cette course à la productivité et à la croissance n’obsède pas le monde entier.
Nous devons penser une organisation du travail plus respectueuse des humains et des conditions environnementales.

Vous plaidez pour une "société frugale". Comment la mettre en place ?

Il est nécessaire de convaincre au niveau local d’abord, au niveau des opinions publiques. Nous allons droit dans le mur, d’un point de vue humain et écologique. Nous n’avons pas le choix. En situation de crise, il faut organiser les choses autrement et le politique peut le faire très vite. Et il est possible de proposer une autre organisation du travail. En Angleterre, on vient de mettre en place la semaine de 4 jours. Nous devons penser une organisation du travail plus respectueuse des humains et des conditions environnementales.


*Travailler moins pour vivre mieux. Guide pour une philosophie antiproductiviste, Céline Marty, Dunod, 184 p., 17,90 €

https://www.lecho.be/opinions/general/Celine-Marty-philosophe-Il-y-a-enormement-de-secteurs-de-services-notamment-qui-brassent-de-l-air/10409653?