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4 septembre 2022

Jusqu’à quand, jusqu’où ?

Serge Halimi - Le Monde diplomatique

Six mois après avoir envahi l’Ukraine, la Russie envisage d’annexer une partie du territoire qu’elle occupe. De leur côté, les pays occidentaux fournissent au pays agressé des armes toujours plus sophistiquées en même temps qu’ils y envoient des escouades de « conseillers militaires ». Moscou ne veut plus seulement soumettre l’Ukraine, mais la dépecer ; Washington ne veut plus seulement contenir la Russie, mais la vaincre. Rien ne paraît enrayer cet engrenage où chacun des camps, de plus en plus dominé par des partisans de la guerre, pense avoir les coudées franches parce qu’il parie que son adversaire, même acculé, ne commettra jamais l’irréparable pour se dégager. Or des erreurs de pronostic de ce genre peuplent les cimetières.

L’Union européenne et les États-Unis ont promis au président ukrainien Volodymyr Zelensky qu’ils l’aideraient à récupérer militairement le terrain conquis par l’ennemi. Ils lui ont délégué la définition des missions et la médiatisation des opérations destinées à mobiliser l’opinion (lire « Un voluptueux bourrage de crâne »). Si, comme on peut le craindre, la Russie annexe cet automne tout ou partie du Donbass, ou les régions de Kherson et de Zaporijia un peu plus au sud, les Occidentaux aideront-ils Kiev à les reconquérir, en prenant alors le risque d’une confrontation encore plus directe et plus périlleuse avec Moscou, susceptible d’appliquer à ces territoires la protection nucléaire qu’il réserve au sien (1) ?

La question des sanctions doit être abordée avec le même réalisme, car il ne s’agit pas, là non plus, de prendre la pose. Les États qui ont voulu « punir la Russie » l’ont incontestablement atteinte (elle ne peut plus acquérir des pièces détachées et des technologies sensibles), mais sans approcher — et de très loin ! — les objectifs escomptés il y a six mois. Le 1er mars dernier, le ministre de l’économie français Bruno Le Maire fanfaronnait : « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe. (…) L’Union européenne est en train de découvrir sa puissance. » Las, le Fonds monétaire international, qui n’est pas un repaire antioccidental, vient de conclure que « la contraction de l’économie russe au deuxième trimestre a été moindre que prévu » alors que « les effets de la guerre sur les principaux pays européens ont été plus négatifs qu’anticipé » (2). Bien que réduites, les exportations russes d’énergie rapportent davantage à Moscou en raison des prix qui ont bondi. Le financement de la « machine de guerre russe » n’a donc pas souffert, contrairement au pouvoir d’achat des Européens, percuté par la décision irréfléchie de leurs dirigeants. La politique commune de l’énergie dont ces sanctions devaient être le couronnement débouche ainsi sur un désastre sans partage. En particulier pour les catégories populaires, dont le revenu disponible affleure déjà à peine la ligne de flottaison.

On se récrie à juste titre que des décisions porteuses de guerre et de misère ont pu être prises à Moscou par un homme seul ou presque. La situation est-elle à ce point différente ailleurs ? Et pendant combien de temps encore ?

(1) Cf. John J. Mearsheimer, « Playing with fire in Ukraine. The underappreciated risks of catastrophic escalation », Foreign Affairs, New York, 17 août 2022.

(2) « Perspectives de l’économie mondiale » (PDF), Fonds monétaire international, Washington, DC, juillet 2022.


Le rêve américain !

- 4/9/2022 -

https://www.facebook.com/ANONYBG/videos/350257030304205



2 watts moins le quart avant l’effondrement

Gilles La Carbona & Pierre Duriot

L’effondrement de l’économie arrive à grands pas et l’insouciance, comme le déni, sont les dénominateurs communs que se partagent citoyens et dirigeants politiques. Quelques voix s’élèvent pourtant, noyées par l’idéologie otanienne et la ligne de conduite de Davos, dont la principale occupation est d’étouffer la vérité et le bon sens, pour ne pas avoir à avouer qu’ils se sont trompés.
Outre-Rhin, le ministre de l’Économie sonne l’alarme et s’évertue à expliquer que l’économie allemande s’écroule. Les entreprises ferment en cascade et personne ne l’écoute. Il prêche dans le désert, il a beau expliquer que la disponibilité ne conditionne pas le prix, personne ne retient la leçon. Le prix de l’énergie, en explosant, entraîne la ruine de nos économies. Si le coût répercuté sur le produit final rend le produit trop cher, donc invendable, l’entreprise ferme. Comme Duralex chez nous. Nos élites ont souscrit à l’idée qu’il y avait trop de PME et qu’il fallait en éliminer une bonne part, au profit des grands groupes en place. Mais avec le doublement, voire plus, du prix de l’électricité, petites entreprises comme grands groupes mettront la clé sous la porte. Le boulanger local qui allumera son four, sera touché autant que l’aciérie transnationale. En Grande-Bretagne, deux grandes sociétés d’engrais azotés ont fermé leurs portes. Ces faillites vont se multiplier, sous le regard ahuri de nos dirigeants qui pensaient, et on se demande bien pourquoi, que seules les PME seraient emportées. Les Français ne semblent pas avoir encore compris qu’une explosion du prix de l’électricité impactera toute notre vie dans tous ses aspects. Tous les appareils, dans un hôpital, marchent avec de l’électricité, les chaînes de montage auto, les verreries, internet, les distributeurs de billets, les caisses enregistreuses, les rayons réfrigérés des supermarchés, les systèmes d’alarme et de surveillance, etc… toutes les coupures impacteront et rendront la production compliquée, ou les condamnera à une disparition certaine, faute de trouver assez de consommateurs solvables.
Les Français ont l’air persuadés qu’on va passer à travers les gouttes, l’insouciance de l’été est encore là. La baisse du prix sur les carburants est l’emplâtre qui les rassure. En face nous avons nos députés, mis en vacances par Macron et visiblement très satisfaits de ce repos forcé, contre lequel ils ne se rebellent pas. Ils laissent le monarque continuer sa politique, démembrer notre pays et son économie, à grands coups de mesures aussi stupides qu’inutiles. Le Maire, inconditionnel disciple de la politique européenne, a voulu mettre la Russie à genoux, mais c’est notre économie qui s’effondre. L’Allemagne sombre dans l’indifférence du nouveau chancelier, trop préoccupé à suivre l’idéologie américaine et soudainement incapable de voir l’intérêt de son peuple. L’Allemagne nous avait pourtant habitués, ces dernières années, à plus de nationalisme. Les nôtres ayant depuis longtemps abdiqué, préférant le sacrifice de notre nation sur l’autel du mondialisme et de l’immigration africaine, chances pour l’Europe. Nous voyons le mur s’avancer, mais nos parlementaires sont en vacances… quand tout se sera écroulé, quand l’effondrement de l’économie aura emporté les dernières illusions de grandeur de l’Europe et de la France, en particulier et avec elles, les institutions qui seront devenues obsolètes, qui récupérera le pouvoir abandonné par l’opposition ? L’opposition a choisi de rester spectatrice du carnage, approuvant de fait les gesticulations de Macron et regarde l’Europe se suicider, sous la seule volonté d’une poignée d’irresponsables. Qui, sur les débris de nos économies, de nos propres existences, prendra le pouvoir devenu vacant ? Certainement pas cette opposition déjà moribonde, qui ne songe déjà plus à contester le système qui l’a placée là où elle est. Dans ces navigations troubles qui précèdent les grands naufrages, il va falloir que rapidement, naissent de grands capitaines.

3 septembre 2022

Censure

Marc Alpozzo

C’est désormais au tour de Ségolène Royal d’être dans la tourmente, après avoir dénoncé « une propagande de guerre par la peur » de la part du président ukrainien, #Zelensky. Ayant mis en doute, jeudi 1er septembre, les crimes de guerre en #Ukraine, voilà qu’elle est elle-même dénoncée par le « politiquement correct », qui fascise toute pensée, tout questionnement qui vient remette en cause son discours officiel. Quel simplisme ! Ce n’est pas à la hauteur de ce pays, pays de Voltaire, pays des Lumières, pays de la liberté d’expression. On ne le redira jamais assez !

Islamophobie

Yann Bizien

À force de reculer, et de céder à la rhétorique islamique, l'exécutif a laissé l'islamisme progresser dans son action offensive de conquête de notre pays.
La critique de l'islamisme doit rester libre en France. L'islamophobie est un concept habilement utilisé pour tenter de nous culpabiliser et pour utiliser les failles de notre droit.
L'État français n'a rien contre les musulmans assimilés, respectueux de la laïcité, de notre droit et de nos valeurs.
En revanche, son devoir est de lutter contre la volonté communautariste et séparatiste des fanatiques de l'islam politique et fondamentaliste. Car nous ne voulons pas d'une contre-société qui aurait pour but d'effacer progressivement l'identité française.

2 septembre 2022

Penser par soi-même

Yann Thibaud

Il existe deux manières de comprendre et d'appréhender la série d'événements effrayants, stressants, déprimants voire apocalyptiques, que nous traversons aujourd'hui.
Si l'on croit naïvement et crédulement au message des médias, qui ne font que traduire, au final, la volonté du pouvoir en place, alors l'on percevra, nécessairement et obligatoirement, la situation présente comme une succession sans fin de calamités injustes et incompréhensibles, s'abattant cruellement et impitoyablement, sur notre pauvre humanité, victime permanente et impuissante, d'une sorte de malchance ou malédiction, que nul ne pourrait ou saurait définitivement arrêter.
Mais si l'on entreprend de penser par soi-même et si l'on mène ses propres recherches, on se rendra compte assez rapidement qu'il est possible de voir la situation d'une manière radicalement différente, comme un combat entre d'une part des forces d'exploitation et d'asservissement de l'humanité, qui sont en train de perdre partout le pouvoir, et qui tentent, une fois encore, de conserver leur main-mise et leur hégémonie, et d'autre part cette même humanité qui n'en peut plus de subir leur joug et qui, partout sur la planète, se réveille et se rebelle, de multiples manières, et entend désormais reprendre et manifester sa souveraineté, afin de créer enfin le monde de ses rêves.
Cette différence fondamentale de lecture de la situation présente génère, dès lors, deux états d'esprit tout à fait opposés.
Si l'on est un adepte de la religion des médias et du pouvoir en place, on sera fatalement de plus en plus déprimé, anxieux, voire même suicidaire, et en tout cas bien malade !
Mais si l'on est un alternatif, un authentique écologiste ou un penseur critique (c'est-à-dire un véritable penseur), capable de décrypter la bulle de mensonge et de manipulation systématique, le bombardement permanent d'illusions diverses, auquel nous sommes désormais quotidiennement soumis, alors on percevra l'époque actuelle comme une occasion fascinante et unique de changer le cours de l'histoire humaine, de rectifier enfin le tir, de redresser la barre et d'être parmi les pionniers et précurseurs d'un nouveau monde, authentiquement harmonieux et satisfaisant pleinement ses aspirations profondes et ses idéaux véritables !
Détresse, angoisse et désespoir, donc, dans le premier cas ; excitation, enthousiasme et ferveur dans le second.
À chacun de décider et de faire ses choix, le libre arbitre étant la condition même et la clé essentielle de l'époque actuelle et du test qu'elle constitue pour chacune ou chacun d'entre nous !

Éric DENÉCÉ

Éditorial n° 60 / Août 2022

GUERRE DE L’INFORMATION ET FORMATAGE DE L’OPINION À L’OCCASION DE LA GUERRE EN UKRAINE

Le conflit ukrainien est de moins en moins lisible en raison du manichéisme qui caractérise les positions des deux camps. Si nombreux sont ceux qui s’attachent à détecter et à dénoncer la propagande russe – si nul ne la conteste, elle est finalement difficilement mesurable pour l’opinion en raison de l’impossibilité d’accéder à ses médias et aux messages qu’ils véhiculent –, personne ne s’intéresse à celle pratiquée par les Ukrainiens et reprise aveuglément par les médias occidentaux que les populations subissent quotidiennement depuis cinq mois.

Aussi, il est important de mettre en lumière les techniques utilisées par les Spin Doctors de Kiev, leurs conseillers américains et leurs relais médiatiques pour conditionner l’opinion et imposer leur seule version de faits, faire porter l’entière responsabilité de ce conflit à Moscou et neutraliser tout point de vue divergent.

30 août 2022

“l’Occident a une propagande beaucoup plus efficace que la Russie”


Éric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, a bien voulu nous donner une interview sur la propagande occidentale et son efficacité dans le conflit ukrainien. Son constat rejoint la ligne présentée par le Courrier des Stratèges depuis plusieurs semaines : la propagande occidentale est redoutable pour "embarquer" l'opinion publique dans une guerre qui n'est pas la sienne et dont le principal danger réside dans l'appauvrissement durable de l'Occident.


1 septembre 2022

Propagande de guerre

Professeure honoraire à l’ULB et historienne, Anne Morelli est une figure emblématique et reconnue du monde académique belge.
En 2001, elle publie “Principes élémentaires de propagande de guerre”, dont la diffusion a largement dépassé nos frontières.

Connue pour son franc-parler et ses analyses qui bousculent la pensée unique, elle nous invite à la vigilance et rappelle au passage quelques principes fondamentaux du libre examen que certains de ses ex-collègues semblent avoir oubliés.


Messieurs-dames les députés : bougez !

Gilles La Carbona

On ne peut tolérer que l’avenir de notre pays se réduise à la seule volonté d’un homme, fut-il élu au suffrage universel. Il y a des orientations qui ne peuvent être prises qu’après consultation, si ce n’est du peuple, au moins de ses représentants. Ainsi, il est anormal de laisser à Macron le soin de décréter des sanctions à mettre en place contre un pays, dès lors que les conséquences qui en découleront, toucheront gravement l’ensemble des citoyens et de l’économie du pays. En réalité, c’est bien la liquidation quasi-totale de ce qui reste de notre industrie qui s’annonce, avec un prix du courant électrique qui rendra impossible à rentabiliser toute forme de production.
Il ne saurait être tolérable de laisser à un seul personnage, entouré d’un conseil secret, non démocratique, le soin de décider des coupures de courant, sachant que la pénurie électrique est directement imputable à la décision d’arrêter la moitié des réacteurs nucléaires qui nous assuraient l’indépendance énergétique. Il y a de la folie dans ses décisions, il y en aura tout autant en le laissant faire comme bon lui semble. Lui et son gouvernement sabotent au préalable pour pouvoir crier au loup. Si nous manquons d’énergie cet hiver, c’est uniquement parce que Macron et ses affidés ont pris des décisions qui conduisent à cette catastrophe en devenir.
Il est temps qu’un vrai débat national soit engagé sur l’opportunité de poursuivre des sanctions qui nous mènent à la ruine, sur la dépendance énergétique qu’entraîne une posture écologique violemment tenue par des groupuscules enragés, qui nous ont fait presque abandonner le nucléaire. Rester en dehors de ce débat et de ces décisions, c’est admettre que Macron est en droit de gouverner seul, c’est accepter d’être une opposition vassalisée entérinant ses décisions. Il est de votre devoir de siéger, même contre son avis, vous devez montrer à l’exécutif qu’il ne pourra plus décider en catimini. Et si le palais Bourbon vous est interdit, réunissez vous ailleurs, montrez au reste du monde qu’en France, on ne bâillonne pas les représentants du peuple, faites vaciller enfin ce pouvoir hautain. Comme en leur temps, vos prédécesseurs investirent le Jeu de Paume. Les Français vous regardent et pour le moment, ils ne constatent qu’une apathie, qui n’est pas pour les rassurer sur l’avenir incertain qui avance et dont ils devront, si vous ne vous faites pas le travail d’élus, assumer seuls les conséquences.

Éditorial de Jean-François Revel sur la féminisation des mots

Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.
Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.
La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins.
Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.
Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.
De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?
Absurde !
Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.
Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit : « Madame de Sévigné est un grand écrivain » et « Rémy de Goumont est une plume brillante ». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.
Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme.
L’usage est le maître suprême.
Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale.
Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques.
L’État n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire.
Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.
J’ai entendu objecter: « Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ? ». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.
Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants.
La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique.
Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.
Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique : faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.

Source Recueil d'éditoriaux de JF Revel, 1999, édité chez Fayard