Gilles La CarbonaBRICS est un acronyme pour désigner un groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Avant l’ajout de l’Afrique du Sud en 2011, le groupe était appelé BRIC, terme initial inventé en 2001 et qui a conduit à l’organisation des premiers sommets à quatre pays en 2009.
Vu depuis ses débuts, par les observateurs occidentaux, comme un assemblage hétéroclite, incapable de trouver une gouvernance commune, voire une direction, ils apparaissaient au mieux comme une suppléance au G20. Force est de constater que depuis la guerre en Ukraine, l’association suscite les convoitises, tant l’Ancien Monde, le nôtre, se trouve mis en difficulté, incapable de prouver sur le terrain, la domination qu’il impose économiquement depuis 80 ans. Bien entendu les Échos n’ont pas manqué de souligner que l’isolement de Poutine affaiblissait la structure et que les classiques institutions, inamovibles, dominées par les US et dans une moindre mesure, par l’UE, avaient de beaux jours devant eux, voire l’éternité. Certes la propagande est rodée et la marteler permet de s’en convaincre, autant que d’éviter de regarder la réalité en face. Mais affirmer que la Russie est isolée, n’est-ce pas de la même veine que prétendre que l’armée ukrainienne vole de succès en succès et que les Russes reculent partout ? Il y a fort à parier que les mêmes visionnaires officient pour parler des BRICS, pour les rabaisser à une réunion de seconde zone, sans admettre qu’ils sont bien plus que cela.
En attendant, ces acteurs, qui font sourire nos caciques experts, ont, en 2015, mis en place la Nouvelle Banque de développement, pour permettre aux pays membres de trouver des financements plus justes que ceux proposés par le FMI. Financements qui respectent la souveraineté des États et qui ne sont assujettis à aucune contrepartie de mise en place de politiques publiques. Voilà la grande différence et la nouveauté : à l’inverse du FMI, il n’y a pas de chantage et c’est ce qui séduit les pays émergents. Bien entendu, on peut concevoir que la longue coutume impérialiste occidentale ne supporte pas ce vent de liberté et de justice, qui se met à souffler sur les pratiques d’échanges internationaux. Autre force, c’est le retour à un étalon or, ou à un métal précieux, pour garantir la valeur de la monnaie. Le souhait commun de l’adosser à une vraie contrepartie et non à de la dette, comme le dollar ou l’euro, pour renvoyer une image de sécurité et de stabilité. Une telle vision ne peut que convaincre du bien-fondé de cette organisation. Ce qui semblait impossible, tant les US dominent agressivement le monde depuis 1945, se réalise aujourd’hui grâce aux mesures contre la Russie. Ainsi, tous les partenaires commerciaux des pays membres des BRICS, ont à présent la possibilité de régler leurs transactions dans la monnaie du pays et non en Dollar. Là encore, les propagandistes effrénés d’un isolement de la Russie, presque les mêmes qui voyaient déjà la Russie à genoux économiquement, en sont pour leurs frais. La Russie continue à commercer, à gagner beaucoup d’argent, tandis que les génies occidentaux vont eux, compter les faillites et voir l’inflation ravager le peu qui reste du pouvoir d’achat des citoyens. Rappelons qu’en économie, l’inflation ce n’est pas le prix qui augmente mais la monnaie qui perd de sa valeur. Poutine, l’isolé, s’est même permis d’aller faire sa star au sommet Asie-Pacifique.
Conscient qu’il faut donner une nouvelle impulsion pour faire définitivement basculer les règles du jeu international en faveur d’un monde multipolaire, respectueux des états souverains, la Chine a invité le Kazakhstan, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, l’Indonésie, le Nigeria, le Sénégal, les Émirats arabes unis et la Thaïlande, à rejoindre le dialogue des BRICS, tandis que L’Arabie saoudite, le Mexique, le Nigeria, le Venezuela, l’Algérie et l’Iran, ont fait part de leurs intentions d’intégrer les BRICS. Une économiste, spécialiste Asie, du Crédit Agricole, se base sur la valeur du PIB des membres pour affirmer la faiblesse du groupe et donc la fragilité de l’organisation, puisque la Chine vaut plus, à elle seule, que l’ensemble des autres. Ce constat ressemble étrangement à la brillante analyse de notre Mozart de l’économie, Le Maire, qui comparait le PIB de la Russie, avec celui de l’Espagne et qui concluait péremptoirement que l’économie russe était cuite. On voit le résultat et on peut être surpris que l’on se permette de mettre en parallèle des chiffres de PIB sans prendre en considération la valeur des richesses détenues dans le sous-sol, et les réelles capacités de productions. C’est une autre grande leçon de la guerre en Ukraine, de nous avoir révélé que celui qui possède les ressources, est mieux placé pour garantir son indépendance et sa suprématie, que celui qui doit les acheter à autrui.
Voilà la seule force que les économistes, défenseurs acharnés de l’Ancien Monde, oublient volontairement ou par aveuglement. En revanche, tous les pays qui veulent intégrer les BRICS ne s’y sont pas trompés. Ils ont tous en commun de détenir des richesses, ou d’avoir une capacité de développement, qui en feront des partenaires précieux. Que peut bien offrir une Europe ruinée, autoritaire avec une monnaie qui n’inspire aucune confiance, et des institutions capables de confisquer des avoirs sur un simple coup de tête ? Une Europe qui abuse de son autorité pour imposer le plus odieux des chantages pour ses membres, ou ceux qui souhaiteraient la rejoindre. Von der Leyen vient de demander à la Serbie d’appliquer les sanctions aux Russes en préalable à son entrée dans l’UE ? Est-ce raisonnable et digne ? Voilà la grande différence entre la philosophie des BRICS et celle d’un Occident corrompu, avide de pouvoir. D’un côté le respect et la liberté, de l’autre la contrainte et la soumission. Pouvons-nous encore imaginer que les demandes d’adhésion ne soient qu’une pression sur les pays « riches », sans la réelle volonté de supplanter le G20, comme le concluait l’experte Asie du Crédit Agricole ?
Au vu de ce qui vient de se passer dans cette instance, on peut légitimement en douter. Les BRICS sont effectivement une chance de retrouver de la cohérence dans l’organisation des échanges mondiaux, et dans l’approche des problèmes globaux, dans le respect des États souverains, sans l’hégémonie guerrière et insane, qui a dirigé le monde depuis 1945. Il est donc à souhaiter que les BRICS se développent rapidement et se structurent davantage, pour concurrencer ce vieux monde devenu obsolète, qui ne représente plus rien, si ce n’est 13% de la population mondiale, et qui entend dicter sa conduite et sa façon de penser aux 87% restant. On ne peut que désirer sa fin, et à brève échéance. Les BRICS, sont-ils une réelle porte ouverte sur la justice et l’équité ?