Gérard Boyadjian
Des choses qu'on se doit soit de cacher, soit de partager collectivement. Des joies inénarrables qui s'accompagnent d'un sentiment de plénitude coupable et inavouable.
Toutes "cellezéceux" qui ont courageusement fait barrage à l'extrême gauche et l'extrême droite, en votant pour le centre Républicain, sont aujourd'hui dignement et amplement récompensés.
J'en vois certains qui rouspètent à cause de l'inflation, d'autres qui râlent à cause de la crise sociale, d'autres qui chialent sur l'envolée des prix, quelques-uns qui tirent la langue pour les augmentations d'impôts, beaucoup qui se plaignent de l'immigration massive, des viols, du chaos, de cette guerre civile latente... Et même des individus qui protestent contre la guerre en cours en Europe.
Mais le véritable délice, la cerise sur le caviar, le feu d'artifice sur la tête de veau marinée... c'est de se retrouver face à la miaulerie de celui qui te disait il y a moins d'un an :
« Je vais revoter pour lui parce qu'on a pas le choix. » [...]
Oui, il y a une partie de moi qui aime secrètement et cyniquement ce qui est train de se dérouler au royaume de France. Une infime partie de mon être qui jubile face à la chute vertigineuse de ceux qui s'accrochaient à leurs certitudes confortables « et ce monde d'avant ».
Ceux qui sont capables de se faire piquer par un vaccin (qui ne marche pas), juste pour aller prendre un café en terrasse.
Ceux à qui on demande d'applaudir les soignants au balcon, comme des couillons. Ceux qui mettent un genou à terre, un brassard sur le bras, une icône sur la photo de profil en soutien à je ne sais qui, je ne sais quoi...
J'aime contempler l'agonie lente et cruelle de mes contemporains. De leur crédulité hagarde qui s'appuie sur l'arrogance de leur niaiserie, jusqu'à leur servilité maladive qui repose sur leurs étouffantes impuissances.
On est passé de Philippe Seguin à Marlène Schiappa.
De Bernard Pivot à Cyril Hanouna.
D'Alain Delon à Kad Merad.
Il n'y a aucune raison qu'on ne puisse passer de :
« Liberté Égalité Fraternité » à « Je baisse, j'éteins, je décale ».
J'aime notre mise à mort, car elle semble posséder tous les ingrédients de la tragédie classique et moderne. Sincèrement, j'crois même que s'il fallait y contribuer, j'me porterais volontaire pour infliger un coup de poignard à terre.
Aujourd'hui, contre toute attente, j'ai appris patiemment à aimer mon bourreau et calmement haïr mes semblables.
Mes semblables n'ont fait que démontrer leur incapacité pendant que mon maître a imposé sa force et sa volonté.
Parfois, je fantasme même que mon Président accélère et cogne davantage. Qu'il ordonne les coupures d'électricité en plein hiver.
Qu'il exige les réquisitions arbitraires de biens privés. Qu'il élimine les opposants et réduise à néant leurs critiques.
Car je sais déjà et pleinement « qu'il n'aura jamais leur haine ». Ainsi, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il commence sérieusement à bénéficier de mon inavouable admiration.
Après le nain à talon qui gesticule et le gros boutonneux qui ergote, je n'aurais imaginé une seule seconde que ce simple banquier de chez Rothschild puisse arriver à prendre le destin de la France en main/otage... Puis les années se sont écoulées et j'en suis arrivé à désirer qu'il vous fasse davantage souffrir, sadiquement, et jusqu'à faire chavirer complètement votre navire.
Dans « Voyage au bout de la nuit », Louis-Ferdinand Céline écrivait : « C'est des hommes et d'eux seulement qu'il faut avoir peur, toujours. »