Denis COLLINLes unes après les autres, les enquêtes statistiques sur le niveau des élèves français confirment l’effroyable dégradation de l’instruction dans notre pays. Que l’on compare les élèves français d’aujourd’hui à ceux d’hier (comme la dernière enquête sur l’orthographe en CM2) ou qu’on les compare aux élèves d’autres pays, comme dans les statistiques PISA, par exemple, tous les chiffres vont dans le même sens. Les conséquences en sont connues : la majorité des étudiants dans l’enseignement supérieur sont incapables d’écrire dans un français correct. Même dans le sanctuaire de l’enseignement qu’est l’École normale supérieure, on voit se multiplier les fautes de grammaire, de syntaxe et simplement de vocabulaire. Le niveau en mathématiques ne vaut pas mieux. Les professeurs des classes préparatoires qui le savent ont dû sérieusement revoir à la baisse leurs ambitions, ce qui se répercute sur les écoles d’ingénieurs.
Cette situation calamiteuse résulte de la conjonction de très nombreuses causes qui toutes vont dans le même sens. La première de ces causes est une orientation politique déjà ancienne, mais rarement avouée, camouflée sous les expressions trompeuses d’école de la réussite et d’économie de la connaissance et autres calembredaines de la même farine. On a décidé de parquer les jeunes dans des études longues dont on sait par ailleurs qu’elles sont parfaitement inutiles. Les rapports de l’OCDE de la fin des années 1990 le disaient déjà. Dans le Manifeste de la Sociale, publié en 2016, nous écrivions :
Les réformes successives qui ont été imposées à l’école, au collège pour arriver au lycée, les réformes de l’enseignement supérieur vont à l’opposé des objectifs que nous dégageons ici. Un grand nettoyage s’impose qui remette en cause tous les effets nocifs de ces réformes successives. Toutes s’inscrivent en effet dans la trajectoire indiquée par l’OCDE à la fin des années 90 et au début des années 2000, ou encore par l’Union européenne ou la Commission : modifier l’école et l’enseignement pour le plus grand nombre destiné à des « petits boulots » (que les experts de l’OCDE sur la base d’un rapport issu des USA listent sans vergogne, « vendeurs », « gardiennage », « agents d’entretien », « assistants sanitaires », « conducteurs de camions », « remplisseurs de distributeurs de boissons ou d’aliments »), prôner « l’adaptation au marché de l’emploi et à sa précarité », promouvoir « la formation sur le tas » ou encore « l’adaptabilité de la main-d’œuvre », faire ainsi des économies substantielles et développer les compétences du petit nombre (notamment dans des formations privées) qui sera chargé d’encadrer et de faire marcher au pas les plus nombreux ! Cela est aussi écrit clairement dans Centre de développement de l’OCDE – cahier de politique économique n° 13-1996 :
« Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement. »
Ce programme se réalise graduellement à travers toutes les réformes de l’éducation. »
Rien ne s’est arrangé au cours des six dernières années. Bien au contraire. De Blanquer en N’Diaye, des discours idéologiquement différents conduisent aux mêmes résultats. Toujours pire ! Ce qui s’est ajouté au constat que l’on pouvait faire voici quelques années, c’est la pénétration de l’idéologie « woke » et l’invasion dès l’école primaire du discours pro-trans.
Il y a là une affaire d’une extrême importance puisqu’il s’agit de rien moins que l’avenir de la nation. On devrait voir les principaux partis politique s’en saisir. Mais il n’en est rien. De LFI aux LR, tous ont participé, lors que leur passage « aux affaires » à cette entreprise de démolition de l’école et tous participent peu ou prou de l’idéologie délétère qui inspire les « réformes » qui se succèdent à un rythme infernal. Voici donc quelques propositions pour restaurer l’école.
1. Avoir le courage de regarder la réalité en face. Pas un jour qui n’apporte de nouvelles preuves de cette dégradation. Donc le dire, le redire, sonner le tocsin sans relâche !
2. Quand on s’est trompé de voie, il est souvent bon de faire marche arrière pour en emprunter une autre. Toutes les réformes depuis 1968 (pour fixer les idées) ont été de mauvaises réformes. Y compris le fameux collège unique de M. Haby et la loi Jospin de 1989.
3. Il faut bâtir une école de l’exigence pour tous ! Définir les priorités : lire et écrire. L’enseignement de l’histoire par exemple est une bonne occasion de lire (pas seulement regarder des images !) et d’écrire (la leçon que le maître dicte, par exemple). Les mathématiques sont aussi une occasion de faire du français (voir les livres déjà anciens de Stella Baruk). Etc. Revaloriser aussi la mémorisation : récitation, règles de grammaire, etc. L’école n’a qu’une tâche : instruire, en transmettant des savoirs objectifs, en transmettant les règles de la grammaire ou des mathématiques.
4. Cesser de faire des maîtres des professeurs de morale « bienveillante », de phobie des phobies ; de théorie du genre et d’accueil des trans, des petits animaux et des robots. La morale à l’école est rudimentaire : honnêteté, rigueur, travail, respect. Le reste, ça regarde les parents. Nettoyer les programmes de toutes les prétendues heures d’éveil à ceci ou cela pour en revenir aux fondamentaux : la langue maternelle, celle de la république, et des langues étrangères à partir du collège, les mathématiques, l’histoire, la géographie (forcément rudimentaire à l’école élémentaire) et les « sciences naturelles (avant de saouler les élèves avec la défense de l’environnement, apprendre à reconnaître les choses de la nature).
5. Pour que tout cela marche, il faut changer un certain nombre de mauvaises habitudes : virer les gadgets (tablettes, calculettes, etc.) de l’école. Tant pis pour les marchands de quincaillerie. Rétablir la distance élèves/maîtres. La maîtresse s’appelle « madame » ou « maîtresse » mais pas « Carole » ou « Léa » comme la copine. On vouvoie les maîtres. Il faudrait aussi, sinon un uniforme, du moins un code vestimentaire, même si c’est surtout à partir du collège que les problèmes se posent : pas de ventre à l’air, pas de jeans dépenaillés et fort coûteux cependant, pas de tennis (sauf pour sport), pas de survêtement (sauf pour le sport, l’hiver), pas de claquettes ou de tongs (on n’est pas à la plage)...
Un mot d’ordre : restauration de l’école de la république.
Si on ne veut pas de tout cela parce que ce n’est pas « cool », alors il ne faudra pas se plaindre. Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes, disait à peu près Bossuet.