Jacques COTTA
La coupe du monde de foot, coupe du monde de la honte, se termine de façon bien morose. Sur le simple plan footballistique, la fête promise n’a pas eu lieu. Les vedettes du ballon rond, transformées en marchandises, apatrides millionnaires dispersés aux quatre coins de la planète, n’ont pas été capables de donner à leur équipe nationale, virées très vite de la compétition, le succès escompté. Sur le plan populaire, l’engouement appelé de toute leur force par les commentateurs de tout bord n’a pas été au rendez vous, les rassemblements notamment sur les champs-Elysées pour l’équipe de France n’ayant pas grand chose de commun avec ceux qui accompagnaient la victoire de 1998.
Point de vue sportif donc, et politique pour l’usage qui devait en être fait, cette coupe du monde n’est pas au rendez-vous.
Mais il y a plus !
Alors que le scénario écrit devait attirer tous les regards vers Doha, lieu soudain présenté comme "festif", "ouvert", "démocratique", c’est vers Bruxelles que les regards se sont dirigés.
Eva Kaili, député grecque, vice présidente du parlement européen, a été inculpées et écrouées, dimanche 11 décembre, dans une enquête portant sur des soupçons de corruption en lien avec le Qatar, pour « appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption ».
A l’issue d’une quinzaine de perquisitions à Bruxelles, six autres suspects ont été également interpellés dont l’ex-eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri et le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale Luca Visentini. Selon la presse belge, le propre père d’Eva Kaili a été inquiété dans l’enquête, surpris en train de transporter des paquets de billets « dans une valise ».
La séquence est digne des films de gangsters de série B.
Des centaines de milliers d’euros en liquide transportés dans des sacs ont été saisis. Députés européens d’une part, émirat du Qatar de l’autre sont donc les principaux protagonistes de cette aventure qui a éclaté à la veille des demi-finales de foot, venant donner un nouvel éclairage de la fête Qatarie.
Mais pourquoi donc une telle débauche d’énergie financière ?
Le Qatar désirait avec l’organisation de la coupe du monde afficher une image de respectabilité, de faste, de luxe, de pouvoir. Il voulait ainsi gommer ses relations incestueuses avec des groupes terroristes notamment. Il avait l’ambition d’étendre ses relations dans des buts politiques, mais également financiers, notamment avec l’Europe où l’Emir, sa famille et son entourage possèdent des parts de plus en plus importantes du patrimoine immobilier et industriel, comme cela est le cas en France où les avoirs Qataris se sont multipliés depuis la présidence Sarkozy.
Mais la coupe du monde ne suffisait pas.
Avec la corruption installée au sein des institutions européennes, le Qatar désirait s’assurer la bienveillance des élus européens, dont la vice présidente du parlement qui début novembre s’était rendue à Doha où elle avait salué en présence du ministre Qatari du Travail « les réformes de l’émirat dans ce secteur ».
« Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait ainsi affirmé Eva Kaili le 22 novembre à la tribune du Parlement européen, passant par pertes et profits la vie de plus de 6000 ouvriers morts dans la construction de stades réfrigérés en plein désert. Des paroles qui n’avaient pas suscité de levée particulière de boucliers.
Il s’agissait en réalité pour ces élus européens non seulement de camoufler les conditions d’esclavage dans lesquelles la coupe du monde a été montée avec l’assentiment général, mais d’affirmer que tout compte fait les relations sociales au Qatar pouvaient être un modèle. Ni plus, ni moins !
Des députés européens au plus haut niveau ont donc montrés qu’ils étaient corrompus. Certains sont donc incarcérés.
Mais qu’en est-il des corrupteurs ?
Ce sont les autorités Qataries qui en toute logique devraient être mises au ban de la société. À défaut, la réaction judiciaire risque de n’être qu’un leurre qui vise à éteindre l’incendie avant qu’il n’embrase l’ensemble de la communauté politique internationale.
Enfin, qui dit corrompus et corrupteur doit s’interroger sur les complicités qui permettent à un tel pacte de corruption de voir le jour…
Les complicités ?
La liste est sans doute longue, et en tout bien tout honneur. Il serait bon de balayer devant notre porte ...