Jean Mizrahi
L’année dernière, j’avais émis 10 prévisions, dont deux fantaisistes. Trois des plus sérieuses se sont à peu près réalisées : la fin de la crise psychiatrique covidienne, la montée de l’inflation et l’effondrement des valeurs spéculatives notamment les cryptomonnaies, et l’émergence de l’Afrique comme nouveau terrain de dispute entre les États-Unis et la Chine. J’ai été trop précoce dans mes autres prévisions dont je pense qu’elle surviendront, et je fais amende honorable sur le fait de ne pas avoir vu venir la crise ukrainienne, mais je n’étais pas le seul…
À l'image de l’année dernière, cette fois 12 prévisions pour 2023, et pas de prévisions fantaisistes :
1. De très nombreux pays vont être traversés par des troubles sociaux. Première région touchée : l’Europe qui doit faire face à des matières premières plus chères et une inflation difficile à maîtriser. Les populations engourdies par le crise sanitaire vont se réveiller brutalement avec les difficultés économiques. Le manque d’armature idéologique conduira à des mouvements désordonnés qui pourraient être plus ou moins violents. La Turquie sera fortement déstabilisée par sa dette et la crise de sa monnaie, ce qui pourrait mettre Erdogan en difficulté pour les élections de juin, seule son habileté et ses techniques dictatoriales pouvant lui garantir un maintien au pouvoir.
2. L’armée russe pourrait entreprendre une action d’ampleur en janvier-février 2023 en profitant de l’hiver et de l’effondrement des infrastructures ukrainiennes suite aux bombardements opérés en 2022. Une conférence pour la paix en Ukraine se tiendra dans le courant de l’année parce que les États-Unis lâcheront leur « allié » ukrainien pour se concentrer sur la région Asie-Pacifique, et la Russie obtiendra ce qu’elle cherchait : la neutralisation de l’Ukraine, la protection des populations russophones, et le maintien d’une présence, d’une façon ou d’une autre, le long de la mer d’Azov afin de protéger la Crimée et les accès à la Caspienne. Zelensky pourrait être victime d’un attentat de la part de l’extrême-droite ukrainienne, à moins d’être exfiltré par les USA.
3. La situation en Ukraine étant « réglée », les tensions vont se déplacer vers la mer de Chine et Taiwan, et plus généralement l’Asie où les États-Unis ne veulent pas que la Chine établisse sa domination, qui signerait la fin de la super-domination américaine. Les États-Unis tenteront différentes provocations mais la Chine restera prudente car sa force militaire n’est pas encore suffisante pour l’emporter dans la région, il lui faut en particulier plus de porte-avions pour rééquilibrer ses moyens et beaucoup sont encore en construction. L’action de la Chine se portera ailleurs, sur le terrain économique et financier.
4. L’Occident fera face à une récession dure accompagnée d’une crise financière causée par un excès d’endettement et la hausse des taux d’intérêt. Le graphique joint donne une idée de l'ampleur de la crise qui est devant nous, chaque période de hausse de taux d'intérêt s'accompagnant presque toujours d'une crise financière qui vient "purger" les égarements financiers résultant de moments trop euphoriques dus à l'argent facile. Les marchés qui ont commencé à flancher en 2022 avec la forte baisse des valeurs spéculatives (secteur de la tech, cryptos), connaîtront une chute prolongée en 2023. L’immobilier ne sera pas en reste avec la remontée des taux longs dont on rappelle qu’il ont pris près de 3,5% en France en un peu plus d’un an, ce qui est très important. Une chute des prix de l’immobilier de 20 à 30% est tout à fait envisageable pour 2023. L’immobilier s’effondrera aux États-Unis où les taux sont également devenus élevés et où les ménages pourraient se retrouver en difficulté pour payer leurs mortgages.
5. Les liens entre pays excédés par les méthodes américaines vont se renforcer, et les BRICS accueilleront de nouveaux membres. Les travaux pour déterminer une monnaie alternative au dollar progresseront sans que des résultats tangibles soient achevés dans l’année, du moins en termes de poids dans les échanges commerciaux. Il se pourrait que l’or joue un rôle dans la mise en place de cette nouvelle monnaie. Le doute commencera à s’installer sur le dollar qui pourrait connaître une grave crise de confiance, mettant en péril tout l’équilibre économique et financier des États-Unis, qui repose sur un endettement auprès du reste du monde. Les pays alliés des USA, qui détiennent beaucoup (trop) de dollars pourraient réviser leurs position afin de ne pas totalement se ruiner, ils seront en tout état de cause face à un dilemme.
6. La France sera confrontée à sa première crise de la dette publique, en raison de besoins de refinancement trop importants en 2023. Les tensions sur les marchés des capitaux pourraient alors contraindre le gouvernement français à réviser en profondeur sa politique économique et se voir forcé de revenir à une politique d’équilibre budgétaire - fini l’argent magique. La crise économique n’en sera que renforcée et la crise sociale aussi.
7. Les technologies d’intelligence artificielle, bien que décriées par certains, feront une entrée généralisée dans beaucoup de secteurs de l’économie, initiant une nouvelle révolution industrielle dont il n’est cependant pas certain qu’elle se traduise par de la croissance économique, la raréfaction - et le renchérissement associé - des matières premières, surtout les hydrocarbures, limitant toute possibilité de croissance significative de la production. Cette évolution contribuera donc à accentuer les crises sociales.
8. On pourrait assister aux premiers conflits entre nations pour sécuriser l’accès à certaines matières premières. Les nations les plus faibles pourraient se voir privées d’approvisionnement car la rareté ne pénalisera pas les plus forts. C’est à ce moment que le monde va réaliser à quel point la Chine est devenue puissante, avec une Inde qui commence également à émerger comme nouvelle puissance potentielle. L’Europe risque de regarder les trains passer car elle ne fait plus rêver les pays producteurs.
9. La multipolarité va se renforcer, avec la croissance des nations émergentes et le déclin des pays développés criblés de dettes et affectés par le vieillissement de leur population. La situation internationale continuera donc de se déstabiliser un peu plus, ce qui ouvre la porte à de nouveaux conflits armés.
10. La zone Euro sera sous pression avec la possibilité d’une explosion de la monnaie unique, dont on verra en tout état de cause les prémisses dès 2023 du fait de la crise financière. Les élites françaises seront désarmées face aux bouleversements qui s’annoncent, ce qui finalement ne nous changera pas beaucoup. Macron regrettera de s’être représenté pour un second mandat, car il ne sera pas de taille à affronter le tsunami.
11. Le monde continuera de beaucoup parler d’environnement, on continuera de promouvoir beaucoup de projets stupides et dispendieux pour faire plus vert, et on émettra encore plus de gaz à effet de serre, ce qui est bien malheureux.
12. Je publierai un manifeste politique cette année.
Bonne année quand même !