Semblablement à la nuit de Noël, je m’étais dit que le changement d’année serait peut-être l’occasion d’un miracle et que soudain tout changerait. J’ai donc attendu que celui-ci se révèle à nous et vienne inverser la course à la fois grotesque et folle dans laquelle notre société semblait résolument engagée, avant que de vous adresser mes vœux circonstanciés. Las ! C’est reparti de plus belle et cette attente-là aura été vaine.
À peine avons-nous eu le temps d’éponger notre Champagne et nos libations que le maire (socialiste, faut-il le préciser) de Pantin change le nom de sa ville (son vil ?) en Pantine, ce qui permettra très sûrement de lutter pour l’égalité hommes-femmes et surtout de réduire avec efficacité l’explosion des violences faites à celles-ci. Tremble Poutine, Pantine veille ! Après tout, certaines petites-bourgeoises oisives proposaient bien d’élargir les trottoirs quand les clownesques édiles lyonnais (de la bonne ville de Lyonne) s’engageaient avec entrain pour des pistes cyclables non genrées alors même qu’il n’était plus trop possible de traverser la Guillotière sans risquer de s’y faire qui égorger, qui dépouiller, qui violer, qui harceler dans le meilleur des cas… Chacun ses petites priorités.
Je m’étais hier soir, à la vue de cette information, félicitée que le maire de Pantin ne le fût point de la Tour du Pin, puis les réseaux ont regorgé de propositions salaces de la même veine, étant entendu qu’il vaut mieux en rire…
Il m'a semblé que cet énième épisode témoignant de l'ineptie gauchiste (dont je répète à travers le désert qu’elle ne fait que nuire continuellement aux causes qu’elle prétend défendre et auxquelles, pour la plupart, je souscris) pouvait finalement servir de bon appui et de parfait symptôme de la déliquescence de notre monde et que l’on me pardonne cette sémantique décliniste parfaitement assumée, alors même que j’aborde pourtant cette nouvelle année dans la plus grande joie.
Si je ne fais plus beaucoup d’articles dans la presse fustigeant lesdites stupidités gauchistes c’est qu’il me semble que nous avons en réalité tout dit sur le sujet et que l’on est souvent contraint d’y jouer une sorte de comédie dans un jeu de rôles pathétique et caricatural opposant de pseudo-réacs à de pseudo-progressistes. Je pense avoir suffisamment fustigé toutes les formes du gauchisme culturel pour ne pas souhaiter poursuivre indéfiniment dans cet exercice (autrement que sous la forme toujours appréciée de l’humour).
Par ailleurs, bien que le réservoir à stupidités du wokisme soit inépuisable sous de multiples formes possibles, sur le fond, nous savons très bien, tous, ce qu’il faut en penser, nous savons que la bêtise, l’inculture, le désœuvrement et la paresse de cette petite-bourgeoise métropolitaine encore sur-représentée (par accident et plus pour très longtemps) dans les sphères de « fabrique de l’opinion » sont la forme la plus visible et la plus ridicule d’un effondrement occidental beaucoup plus profond et d’une importance autrement moins anecdotique.
Nous avons tout dit, les gens savent ce qu’il faut en penser, et pourtant, nombre d'entre eux élisent ce genre d’individus.
De la même manière, 2022 restera à mes yeux, avec la réélection d’Emmanuel Macron en dépit de son bilan calamiteux dans à peu près tous les domaines, la preuve que les gens SAVENT, connaissent le réel, et que, pourtant celui-ci n’a plus aucune importance ni aucune prise sur l’action publique et sur les décisions des uns et des autres.
Je m’amuse bien sûr de ce que certains qui ont réélu Macron soient à présent les premiers à couiner contre sa néfaste réforme des retraites, laquelle était pourtant parfaitement annoncée dans son programme de campagne. Il est vrai que les idiots utiles de la Macronie pensaient pouvoir élire (sic) Mélenchon Premier ministre… On leur suggère de garder leurs nez de clowns jusqu’à Mardi Gras, ce qui permettra de faire quelques économies de déguisement.
Les gens savent, donc, sur tous les sujets, et cela ne change rien. Il s’est même trouvé des Gilets Jaunes éborgnés pour revoter Macron (la piste du sadomasochisme n’est pas à exclure…).
Le Président à la houppette changeante peut bien ensuite aller raconter n’importe quoi pour ses vœux dans le CDI du Collège Georges Brassens de la Patte d’Oie d’Herblay ou de Triffouillis les Olivettes (chauffé, le CDI ?), cela ne changera de toute façon rien puisque rien ne change plus rien et que la connaissance du réel n’influe plus sur rien. Du reste, en vérité, qui l'écoute encore réellement?
C’est cela que je retiens de 2022 et très vraisemblablement d’une manière générale du moment de crise profonde dans lequel se trouve l’Occident : le réel n’a plus de prise, n’a plus d’importance et sa connaissance argumentée, réfléchie, dialectisée, contradictoire, n’est plus là pour venir éclairer ni le Prince ni le citoyen, le fameux "lecteur-électeur" cher au regretté philosophe Robert Damien. Les Lumières se sont éteintes, aux sens propre comme figuré. Toute personne qui s’efforcera de procéder de manière rationnelle à l’examen contradictoire des faits sera qualifiée de « complotiste », de « poutiniste » ou du bon vieux « fasciste », ce qui n’a aucune autre valeur intellectuelle que d’empêcher le débat éclairé d’avoir lieu sur quelque sujet que ce soit. Vous pouvez bien écrire des essais, vous échiner à faire des thèses, chroniquer l’actualité du matin au soir, hanter les plateaux télé, saturer les réseaux sociaux, tenter d'éclairer les citoyens par des analyses étayées autant que vous voulez : j’ai acquis la certitude qu’en l’état actuel de la pensée occidentale effondrée (déconstruite) cela ne sert strictement plus à rien, d’autant que nous avons déjà tout dit et qu’il n’y a juste plus qu’à agir, pour le moment chacun dans sa sphère propre et avec ses proches en attendant le big crunch qui ne sera du reste peut-être pas spectaculaire mais plutôt en forme de grotesque chose bouillie et progressivement informe.
Il est impossible et vain de dresser ici le catalogue exhaustif de toutes les folies qui témoignent de cet état de fait, de cet abolissement du réel, mais je retiendrai toutefois quelques exemples emblématiques.
Quoi que l’on pense du régime poutinien (et je suis suffisamment critique à l’égard des malfrats de Wagner pour me permettre cette observation), ne pas être en capacité de comprendre la redistribution des rapports de force mondiaux (marginalisation de l’Occident) qui est en train de s’opérer et dans lesquels l’affaire ukrainienne n’aura été qu’un épisode mineur sur lequel l’Europe se sera focalisée et par lequel elle se sera méthodiquement suicidée dans un sens en permanence contraire à ses intérêts les plus évidents et les plus élémentaires, est un premier exemple de cette cécité au réel. La crise énergétique que nous subissons du fait de la bêtise et de la crapulerie de nos dirigeants n’est elle aussi qu’une conséquence logique de cette incapacité à simplement voir et comprendre le réel sur lequel nous avions pourtant prévenus : comprenez bien que si nous en sommes là c’est également parce que nous sommes dirigés par des personnes qui ont pensé intelligent de donner des gages et de conditionner l’avenir des Français à des semi-cerveaux capables de rebaptiser leur ville Pantine. C’est cela la réalité. Nous le savons, et pourtant cela n’a rien changé.
Un autre exemple de cette bascule de notre société dont j’ai eu l’occasion de dire qu’elle était de l’ordre de la « post-vérité » est l’absence quasi-totale d’effets des gigantesques scandales révélés par les
#TwitterFiles.
Tout ce que nous expliquions quant à la manipulation savamment orchestrée des scrutins par ce que nous appellerons un peu grossièrement et par commodité le « camp du Bien », absolument tout y est confirmé et prouvé. Qu’il s’agisse des processus électoraux, de la manipulation de l’opinion publique, de la censure parfois la plus grossière, de l’agenda woke savamment encouragé, de la désinformation au sujet du covid et j’en passe sur des dizaines et des dizaines de sujets : absolument tout est désormais prouvé et confirmé et pourtant cela ne change rien alors que dans n’importe quelle autre époque cela aurait entraîné une révolution.
L’Occident est sorti du régime politique et épistémique qui le liait à la vérité.
Non pas que le mensonge n’existât pas, bien sûr, auparavant. Mais le mensonge lui-même suppose la vérité et sa connaissance et c’est par rapport à ces dernières qu’il s’élabore. Là, à présent, nous sommes dans un moment de moisissement intellectuel et théorique de l’Occident tel qu’il n’est finalement plus besoin de mentir puisque, même révélée, la vérité, l’appréhension du réel, n’ont plus d’importance ni dans la décision publique, ni dans les décisions de vote.
Dans ce contexte sinistré, il m’apparaît que ce que nous avons de mieux à faire est de nous préparer pour la suite à titre personnel et au regard des gens qui nous entourent. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de Français ont d’ores et déjà commencé à mettre en place.
L’effondrement total des missions régaliennes de l’État, là encore, est connu, et pourtant cela ne change rien : établissements scolaires qui ne peuvent plus se chauffer, établissements sportifs en berne, professeurs sous-qualifiés, élèves désinstruits, artisans contraints de mettre la clé sous la porte, insécurité devenue simplement délirante, personnes âgées violées, agressées désormais de façon hebdomadaire, agressions, hyper-violence tous azimuts, églises qui continuent d’être saccagées, brûlées (à propos, où en sommes-nous de l’enquête sur l’incendie de Notre-Dame de Paris ?). L’hôpital et le secteur de la santé qui étaient l’un de nos plus beaux fleurons sont au bord du précipice et, comme tout le reste, dans un état de tiers-mondisation impensable il y a encore 20 ans. L’État ne contrôle tout simplement plus rien si bien que l’on se demande par quel miracle les choses parviennent encore à tenir un tout petit peu et jusqu’à quand…
Beaucoup savent cela, les constats sont clairs, et pourtant cela ne change rien. Ce réel, là encore, ne change rien, n’a plus de valeur.
L’effondrement du sens se répercute sur l’appauvrissement préoccupant des formes symboliques (esthétiques et dialectiques) de notre civilisation. La consécration du style inexistant d’Annie Ernaux en est une des illustrations (et même pas la plus nulle).
Sur cette base, il est difficile de se souhaiter vraiment une bonne année.
On devrait surtout se souhaiter du courage, s’organiser dans nos propres environnements.
À titre personnel, comme vous avez dû l’observer, je vois de moins en moins souvent l’intérêt de continuer de commenter et analyser l’effondrement de façon frontale, comme je le faisais depuis longtemps, sachant que nous avons tout dit déjà. C’est une des raisons de la raréfaction de mes interventions publiques : je ne vois pas d’intérêt à ce que nous soyons condamnés au radotage et à la rumination stérile. Aussi bien, sinon, pourrions-nous passer encore toutes les années qui viennent à commenter chaque gogolerie wokiste ou à fustiger la désinformation ambiante et l’on aurait tôt fait, centenaires, de se retrouver à compter nos likes avec nos doigts osseux en redisant ce que l’on avait déjà dit un demi-siècle plus tôt, étant entendu qu’on serait alors méthodiquement passés à côté de nos vies pour rien. Ou alors, juste pour satisfaire une forme de narcissisme résiduel et illusoire. J'ai sur ce plan assez donné et assez reçu.
Alors je vous souhaite de la vertu (au sens de la puissance), de l’effort physique et sportif, de la santé, une vie spirituelle riche, pour ceux qui le peuvent une foi ardente et dynamique, qui donne de la force, le courage d’aimer, surtout, plutôt que le fatalisme dépressif, car c’est particulièrement courageux d’aimer, par les temps qui courent et c’est une forme de lâcheté que de s’y dérober. Avoir, bien sûr, la lucidité minimale d’organiser notre sécurité et notre défense (certes par les moyens légaux…) car nous savons bien que la Justice, elle aussi, quand par miracle la police est parvenue à remplir sa mission, n’a plus ni l’envie ni les moyens d’accomplir la sienne (protéger les citoyens). Bref, vivre, et survivre.
Je vous souhaite donc une année d’action et de méditation et je pense que le moins nous serons présents sur les réseaux, le plus cela aura, lorsque nous y serons, du sens, tandis que le reste de notre vie doit s’employer à commencer à infléchir un réel que nous devons nous efforcer de regarder en face, dans l’action. Je pense aussi que les formes symboliques un peu décalées en lieu et place des bonnes vieilles chroniques frontales seront probablement, par la métaphore, par l’ironie, par le travail de l’écriture, les plus à mêmes capables de nous donner un levier sur ledit réel et, au moins, de l’apercevoir révélé en anamorphose là où le brouhaha d’une parole publique devenue inaudible ne permet plus de rien comprendre (d’où mon choix d’illustration par les fameux Ambassadeurs de Holbein).
Je me suis battue, beaucoup, à un moment de ma vie pour aider à faire sauter les digues qui pesaient sur la liberté d’expression depuis plusieurs décennies de totalitarisme gauchiste. Je pense à présent non pas qu’il faille revenir à une quelconque forme de censure, bien sûr, mais que plus nos paroles seront rares, pesées au trébuchet et nourries spirituellement, poétiquement et intellectuellement, plus elles retrouveront de la vigueur et du sens.
C’est en tout cas l’objectif que je me suis fixé cette année, en votre compagnie bien sûr, chers lecteurs auxquels je suis très attachée.
Amicalement
ASC