Gabriel Nerciat
Il y a exactement huit ans, jour pour jour, ont eu lieu les sanglants attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, perpétrés par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly au nom d'Al Qaïda, en représailles contre la publication de caricatures jugées blasphématoires du prophète Mahomet.
À l'époque, je n'ai pas participé aux manifestations parisiennes qui ont suivi l'évènement, ni repris à mon compte le slogan "Je suis Charlie", inventé par le graphiste et publicitaire Joachim Roncin et devenu en quelques heures l'emblème de tout le petit Paris faussement bohème et rebelle des milieux cultureux progressistes (arboré de Clémentine Autain à Renaud en passant par Jean-Jacques Goldman et Jean-Luc Mélenchon, qui prononça l'oraison funèbre de Charb).
J'ai expliqué assez longuement ici pourquoi (si d'aventure cela intéresse encore quelqu'un), mais pour résumer l'affaire en deux mots je jugeais que ce mot d'ordre, proféré au nom de la défense de la liberté d'expression contre l'interdit du blasphème religieux, était surtout là pour occulter la vraie question que posaient de façon cinglante ces exécutions sommaires : celle de l'implantation d'un islam salafiste, révolutionnaire, sécessionniste, meurtrier et de moins en moins marginal au coeur même de la nation (les trois assassins étaient tous de nationalité française, nés et éduqués en Ile-de-France, sans aucun contact direct avec le monde arabe ou l'Afghanistan).
Huit ans après, je n'ai toujours pas changé d'avis, et ce n'est certes pas l'attitude ultérieure des actuels dirigeants du journal libertaire qui aurait pu y contribuer.
Comme prévu, on commémore chaque année en grande pompe les attentats (la République française est très forte en commémorations), mais rien de sérieux n'a été fait pour en combattre les causes.
Non seulement le salafisme et le frérisme sont devenus de plus en plus influents dans un nombre grandissant de villes et de banlieues françaises, dans l'indifférence générale ou au contraire avec la complicité active des pouvoirs publics et des élites assermentées (exemple entre mille : le 31 décembre dernier au soir, c'est avec l'aide affichée des imams de la commune que l'ancien député-maire chiraquien de Mantes-la-Jolie, Pierre Bédier, a entrepris de garantir la sécurité des biens et des personnes dans sa ville), mais même la décapitation ultérieure de Samuel Paty – qui n'aurait pas eu lieu sans les attentats de 2015 – a été très vite passée par pertes et profits.
Certes, les pouvoirs publics ne détruisent pas encore, comme les Woke anglo-américains, les statues de Voltaire, de Diderot, de Dante ou de Jules Ferry, mais on se contente de les mettre au grenier une fois qu'elles ont été nuitamment et régulièrement dégradées (cf. la pétition de Causeur).
À cela, la raison est simple : les deux grands courants de l'opinion éclairée favorables à la mondialisation (la libérale-européiste et la gauchiste-post-marxiste) savent très bien que celle-ci ne peut pas se poursuivre sans ou contre l'islam.
Donc, pour tout ce qui se flatte de défendre la liberté d'expression à géométrie variable (personne n'a manifesté ou pétitionné pour protester contre la censure de Russia Today, de Richard Millet ou de Gabriel Matzneff, entre autres exemples), les assassins de Charlie resteront à jamais là où, à leurs yeux, ils doivent être : dans l'ombre élargie et multiséculaire de Torquemada, Savonarole, Simon de Montfort ou saint Bernard de Clairvaux prêchant la croisade.
Argument sans cesse ressassé : le christianisme s'est assagi au bout du compte ; il en ira de même avec l'islam régénéré par son exil européen – dans quelques siècles.
La fin de l'Histoire reconnaîtra les siens, et d'ici quelques années les cadavres des uns et des autres ne se distingueront même plus.
Sous nos cieux, tout est bien qui finit bien, toujours.
Parce que comme disait Churchill au début de la guerre froide, il convient d'aller d'échec en désastre et de désastre en échec avec le maximum d'énergie possible.