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4 février 2023

Ukraine : négociations en vue ?

Michel Rosenzweig

Après avoir élaboré pendant des années une stratégie d'affaiblissement de la Russie en faisant tout pour faire tomber l'Ukraine dans l'escarcelle de l'OTAN et de l'UE et en coupant la Russie de ses attaches historiques et économiques avec l'Europe de l'Ouest, et en particulier avec l'Allemagne, le dernier rapport de la Rand Corporation fait donc du rétropédalage en conseillant à l'administration américaine une issue négociée pour minimiser l'escalade.
Traduction : Oups, ça ne marche pas comme prévu, trop risqué, trop cher.
Résultat : il se pourrait bien que d'ici la fin de l'année, les USA contraignent l'Ukraine à négocier sur base des territoires conquis et perdus de part et d'autre en excluant la Crimée (non négociable), ce qui reviendrait à une défaite pour l'Ukraine et à une victoire pour la Russie qui serait parvenue à ses fins en neutralisant l'Ukraine militairement et territorialement (Donbass au minimum).
Au prix d'immenses destructions et de plusieurs centaines de milliers de morts.
Comme quoi, la guerre est bien la continuation de la politique par d'autres moyens (Clausevitz).
Ce que la Russie n'a pas pu obtenir par la diplomatie et la négociation, elle pourrait bien l'obtenir par les armes.
Tout ça pour ça...
D'ici là, beaucoup de choses peuvent se produire...

3 février 2023

« Allié » de l'Ukraine ?

Radu Portocala

Parlant des membres de l’OTAN et de l’Union européenne, nombre d’analystes et commentateurs dont la parole est influente les désignent comme « alliés de l’Ukraine ». Pas « amis », pas « fournisseurs d’armes », pas « zélateurs », mais « alliés ».
Que dit le dictionnaire ? « Allié [en droit international en parlant de pays, d’États] : uni par un accord, un traité d’alliance (en particulier en temps de guerre) ».
Avons-nous un traité d’alliance nous liant à l’Ukraine ? Non. Le fait de vendre et de donner des armes à un pays, fût-il en guerre, n’est pas une alliance. Et de tenir des discours enflammés en sa faveur, tout en aspergeant d’injures son adversaire et cherchant vainement à le punir, ne l’est pas non plus.
Personne, cependant, dans les hautes sphères du pouvoir, ne semble gêné par l’utilisation de ce mot, ni ne cherche à le bannir. Or, se définir comme « allié de l’Ukraine » c’est reconnaître notre rôle de co-belligérants – un rôle que nous ne pouvons pas tenir.
Certes, la ministre allemande des Affaires étrangère, disait l’autre jour, dans un moment d’égarement, que « nous sommes en guerre contre la Russie ». Son gouvernement a dû faire ensuite des efforts ridicules pour la contredire.
Cette guerre contre la Russie est voulue, sans aucun doute, mais nul n’ose, à part les washingtoniens les plus excités, avouer ce désir. Et nul n’ose, bien entendu, se lancer dans une telle aventure – surtout après les échecs américains et occidentaux de ces 70 dernières années. On se contente de rêver d’une Russie vaincue, mais vaincue par d’autres.
Pour l’instant, l’Occident se contente de mots que, belliqueux et craintif à la fois, il se garderait bien de coucher sur le papier. Et, finalement, nous réussissons l’exploit d’être en guerre contre nous-mêmes.

Conflit ukrainien : l'indifférence générale à la paix

Yann Bizien

Le régime ukrainien insiste. Il exige que les occidentaux lui fournissent les « ailes de la victoire ». Ce même régime prétend ne pas avoir débuté cette guerre et vouloir la terminer.
L’Ukraine a d’abord essuyé le refus des occidentaux de fournir des armes défensives. Aujourd’hui, le régime de Kiev a franchi le tabou des armes offensives. À présent, les occidentaux réfléchissent à l’idée de livrer à Monsieur Zelenski des avions de combats et des missiles longue portée.
L’OTAN est sur le seuil d’un nouveau palier dans la conduite par procuration de cette guerre.
Le Président ukrainien estime que la seule issue possible de cette guerre dépend de la livraison des armes de l’OTAN et de la reprise de tous les territoires perdus. Il fait le pari d’un engagement plus massif de l’Occident, au service de sa cause, pour défaire complètement la Russie.
Au nom de son obsession de défense collective, l’OTAN, s’est étendue à l’est, sans jamais s’arrêter depuis les années 90. Au fur et à mesure de son expansion, cette alliance politico-militaire, multi-domaines, multi-champs, prête à articuler tous les combats, sur terre, en mer, en l’air, dans le cyberespace, et dans l’espace, n’a cessé d’augmenter sa puissance militaire et de menacer, sans vraiment s'en rendre compte, les intérêts vitaux de la Russie encerclée et frustrée.
Sur injonction de son secrétaire général, l’OTAN aura dans quelques mois 300 000 militaires, soldats, marins, aviateurs, en très haut niveau d’alerte. L’alliance s’active pour constituer et structurer cette masse militaire. Elle a une longue culture de la guerre. Elle sait planifier des opérations, générer des forces, définir ses règles opérationnelles d’engagement, mettre en place la logistique associée et les chaînes de commandement dédiées.
L’OTAN veut aujourd’hui « plus de forces, prêtes plus vite, à une échelle plus grande ».
Nous vivons en direct ce qu’il y a de plus naturel dans la guerre : la montée aux extrêmes.
J’oubliais : dans la « coalition » occidentale – je sais que cette notion peut blesser les esprits partisans et bellicistes –, il y a un pays membre de l’Union européenne qui ne semble pas enfermé dans le consensus antirusse. C’est la Hongrie. Son président est convaincu que l’Ukraine ne pourra jamais vaincre la Russie ni reprendre les territoires perdus. Il déplore même l’entraînement de l’Occident dans cette guerre, « jusqu’au cou ».
La Hongrie est aujourd’hui le seul pays membre de l’UE à ne pas livrer d’armes à l’Ukraine, à ne pas se priver du gaz russe et à vouloir un cessez-le-feu et des négociations pour la paix.
Pas sûr que tous les Français se rendent vraiment compte des dangers de la montée aux extrêmes. Ils voient cela de très loin. Ce processus les inquiète, sans doute, mais il les effleure, aussi.
Avec les bellicistes de salon, qui ne mesurent pas les conséquences potentiellement gravissimes de l’escalade, l’indifférence générale à la paix a encore de beaux jours devant elle.

Photo : « Attente », une œuvre de l’artiste ukrainien Irenaeus Yurchuk, qui vit aux États-Unis.


La discrète et coûteuse quasi-nationalisation d’Orpea

H16

La nouvelle ne surprendra que les plus naïfs : la Caisse des Dépôts et Consignations va devenir l’actionnaire majoritaire du groupe Orpea, qui s’occupe de maisons de retraite et connaît d’importantes difficultés financières depuis plus d’un an. Sapristi ! Une quasi-nationalisation discrète, et personne ne semble ni s’en émouvoir, ni s’en féliciter…

Pourtant, les montants qu’on évoque ne sont pas anodins : une dette de 9,5 milliards d’euros, un effacement de 3,5 milliards et une injection de capitaux à hauteur de 1,55 milliards, voilà qui commence à faire des montants dodus qui pourraient faire jazzer.


Malgré cela, l’opération semble n’intéresser personne et le sort final du leader mondial des EHPAD (72.000 salariés, 255.000 patients et résidents dans ses établissements) ne déclenche guère que quelques articles dans une presse tournée vers d’autres préoccupations, depuis les mésaventures des cyclopathes français jusqu’aux prix des péages inévitablement en hausse (la guerre contre les automobilistes continuant de faire rage).

Orpea, c’est ce groupe qui avait fait parler de lui il y a tout juste un an, à la sortie du livre “Les Fossoyeurs” de Victor Castanet, consacré à la gestion de ce groupe et aux traitements légèrement sous-optimaux des résidents : les révélations qu’on pouvait y lire avaient mis en avant de gros problèmes institutionnels qui avaient entraînés des procédures judiciaires de l’État. Le groupe est maintenant en pleine restructuration et s’approche dangereusement d’une faillite retentissante, alors que la hausse des coûts alimentaires et énergétiques pousse un manque de liquidités au premier trimestre 2023.

L’annonce de l’intervention massive de la CDC permet ici de sauver les meubles, au moins dans l’immédiat. La nouvelle équipe dirigeante se félicite au passage de l’arrivée de la “puissance publique” dans ce groupe, ce qui “réduira les exigences de rentabilité du groupe”. Réduire la rentabilité du groupe, voilà qui laisse augurer du meilleur pour la dette restante.


Autrement dit, tout se passe comme d’habitude au pays du miel en retraite et du lait pensionné : en lieu et place d’une solide faillite avec à la clé quelques incarcérations de dirigeants incompétents qui auraient rappelé à tous les concernés leur responsabilité dans cette déroute, l’exfiltration des responsables s’est faite dans la plus grande discrétion et l’État intervient pour corriger tout cela dans la dentelle et le silence ouaté des folliculaires officiels… Et avec le pognon du contribuable, ne l’oublions pas.

Chose intéressante : les Français vont donc payer pour rétablir la bonne santé financière de ces établissements dans lesquels la plupart d’entre eux ne pourront même pas aller une fois leur heure venue, l’actuelle retraite étant destinée au même type de déroute que ces établissements. Sauf que l’État n’y pourra plus rien faire à ce moment.

De façon plus symptomatique, ces établissements profitent directement des retraites versées à leur pensionnaires, qui ne suffisent semble-t-il pas à couvrir leurs frais (d’où l’hippopodette accumulée). Or, coquin de sort, c’est le même État, sauveur du groupe, qui est aussi responsable de la gestion de ces retraites, de plus en plus compliquées à verser sans faire pleurer les cotisants. Intéressante perspective qui n’est pas prête de s’améliorer quand on voit le monde dans la rue pour conserver le système tel quel, aussi pourri soit-il.

Autrement dit, les mêmes causes produisant résolument les mêmes effets, il est raisonnable d’imaginer que la situation d’Orpea va suivre celle des retraites par répartition en France, pour des raisons globalement similaire de gestion à la Va Comme Je Te Pousse Mémé Dans Les Orties, C’est Là Qu’elle Coûte Le Moins Cher.

L’état général de ces établissements, les frémissements sociaux actuels et les gesticulations grotesques du gouvernement se rejoignent admirablement à ce sujet pour nous garantir une fin misérable à base d’Inspecteur Derrick en boucle, de nouilles froides au dîner à 18h30 et d’extinction des feux obligatoire à 20h45 après l’homélie de Claire Chazal.

Eh oui : les Français, abrutis par des années de socialisme et de syndicalisme marxiste, d’éducation au rabais qui ne permet plus au citoyen lambda de faire une règle de trois (et encore moins de comprendre le principe pourtant fondamental des intérêts composés), ne saisissent pas toute l’arnaque que constitue l’actuel schéma de Ponzi des retraites par répartition et s’accrochent donc à ce système en refusant d’envisager la capitalisation, pourtant seul moyen réellement fiable d’assurer de vieux jours confortables, quel que soit le profil socio-professionnel.

Tentant obstinément de faire rentrer de gros parallélépipèdes collectivistes dans de petits trous circulaires de l’âpre réalité, ils ne comprennent donc pas comment triturer taille et durée des cotisations, âge de départ et montant des pensions versées pour parvenir à distribuer à tous des retraites vaguement décentes dans un avenir proche.


Et ce, alors même que la base de ceux qui payent s’amenuise d’année en année.

Manque de bol, les gains de productivité – sur lesquels les néo-communistes et autres turbo-socialistes d’opérette harpent à longueur de débat – ont été largement engloutis dans les fromages de la République, toujours plus nombreux et dans l’arrosage massif d’argent public dans l’aide sociale, mais pas dans les retraites.

À la question « Où sont parties les cotisations ? », peu de Français comprennent que la réponse est à chercher dans la multiplication des strates administratives, des personnels bureaucratiques, des errements de l’État dans tous ses milliers de plans grotesques (vous reprendrez bien une éolienne ou deux, non ?) et autres subventions directes, indirectes et cachées, dans le sauvetage de tous les canards boiteux dans lesquels copains et coquins se sont vautrés, ainsi que dans le maintien d’une paix sociale de plus en plus exorbitante.

Paix sociale tellement exorbitante que le différentiel (colossal) avec ces gains de productivité alimente une dette de 3000 milliards d’euros maintenant. Le moindre incident de parcours, et – pouf ! – cette paix va voler en éclats petits et pointus…

Or, vu la conjoncture, la démographie, les cadors au pouvoir et dans les “oppositions” en carton, le problème n’ira qu’en augmentant.

Avec des Français qui passent déjà 25 années à la retraite, l’avalanche de mauvaises nouvelles (augmentation des cotisations ET rallongement du temps de cotisation ET baisse des retraites) n’a pas fini.

À côté, rappelons que grâce à la puissance des intérêts composés, une capitalisation de 300€ par mois pendant 42 ans à 5% (ce qui est peu quand on se rappelle des volumes dont il est question ici sur les marchés financiers mondiaux), cela permet d’aboutir à 500.000€ en fin de carrière qui peuvent ensuite en rapporter 25.000 par an (soit 2000€/mois) sans toucher au capital.

Et comme le prouvent de nombreuses études (et ce livre, par exemple, où les auteurs montrent comment et pourquoi un travailleur moyen peut, par la capitalisation, disposer pendant sa retraite d’une pension supérieure à son dernier salaire), non, les aléas de la bourse n’y changent rien : même en cas de grosses crises, même en cas de guerres, la capitalisation reste un bien meilleur système que la répartition, vol pur et simple sur le dos des générations futures.

Mais voilà : il n’y aura pas de remise en question, ni des principes de la retraite, ni de ceux qui permettent à des établissements, en toute intégration avec le système actuel, de profiter sans vergogne de ces pensions, ni même du fait que l’État puisse devenir ainsi actionnaire d’un groupe en quasi-faillite.

Depuis ceux qui sortent dans la rue jusqu’à ceux qui gesticulent dans les couloirs républicains, tout le monde réclame que tout ceci perdure.

Ceci perdurera donc.



Abracadabra… plein emploi…

Pierre Duriot

On a du mal, ce n’est pas la première fois, à croire Macron, quand il se présente comme le président du plein emploi, soit un taux de chômage incompressible de 5%, ce qui justifierait la poursuite de sa politique. Surtout, quelque chose ne cadre pas. Nous sortons de confinements, sommes en période de guerre, les prix des énergies explosent, le porte-parole du gouvernement, Véran, se fait littéralement faire la leçon en direct, par un entrepreneur au bout du rouleau, les boulangeries ferment, des PME ferment, de grandes enseignes sont en liquidation, les géants du numérique licencient à tour de bras et nous serions au plein emploi ? Cela tient du cocasse.

Macron ment, utilise ce vieux slogan, maintes fois répété pour justifier la vaccination, avec des chiffres faux sur les morts et les hospitalisations et la chute : « On peut discuter de tout, sauf des chiffres ». Ses chiffres à lui, évidemment, qu’il tire de son chapeau, tel le prestidigitateur qu’il est constamment. Il ne prend plus son lapin blanc à Pôle-Emploi, mais à l’INSEE, qui ne compte pas, mais sonde et pose des questions orientées, qui donnent 7,3% de taux de chômage et 2,2 millions de chômeurs : quel type de chômeurs ? On ne sait pas. Mais à Pôle-Emploi, ils ont 3 millions d’inscrits en catégorie A et 6 millions, si on regroupe toutes les catégories, y compris, ceux qui sont, fort à propos, envoyés en formation et les apprentis, payés avec l’argent des contribuables. Pour Macron, près de 4 millions de gens qui pointent ne sont pas des chômeurs. Comme on dirait en météo : chômeurs officiels : 2,2 millions, ressentis : 6 millions. Cela ne cadre déjà plus avec la réalité d’un pays qui ne produit presque plus de richesses. Si on compte, 30 millions de population active et 6 millions de chômeurs toutes catégories, plus des dizaines de milliers de migrants et réfugiés, dont on ne sait pas trop où ils sont comptés, plus des allocataires du RSA, pas forcément inscrits, plus une myriade d’auto-entrepreneurs qui tirent le diable par la queue, on arrive entre 20 et 25% de la population active au chômage, ou presque, ce qui semble plus conforme à la réalité perceptible.

Dans ce cas, la retraite à 64 ans, la baisse du niveau des allocations chômage pour les précaires, la diminution de 25% de la durée de l’allocation chômage, la baisse à six mois du taux plein d’allocation chômage pour les cadres, n’ont strictement aucun sens et la priorité est à donner à la mise au travail des oisifs, occasionnels comme professionnels et ce dès l’âge de 18/19 ans, pour ceux qui ont quitté le système scolaire. Faire trimer 75% des actifs jusqu’à la mort, pour entretenir le système, en basant le tout sur des chiffres mensongers, a tout de l’arnaque économique et sémantique.

D’autant plus une arnaque que le PIB stagne et qu’on ne voit pas trop comment une situation de plein emploi, pourrait le faire stagner. À mettre en perspective avec une très probable baisse de la productivité, pour la première fois depuis des décennies. Et n’oublions pas que la vraie vague de licenciements est devant nous, à cause du coût de l’énergie. Les plus fragiles ont déjà, très médiatiquement, mis la clé sous la porte, mais les autres vont suivre d’ici peu. La réalité est que nous commençons à ressembler à des pays en voie de développement, avec quelques vitrines médiatiques, comme Airbus et une masse imposante de pauvres, en débrouille pour survivre.

Macron fait avec le chômage, comme avec le reste, il gesticule, traficote et embobine. Nous réclamons, au RPF, un audit des finances publiques, pour savoir où passe l’argent, parce que non seulement la taxation d’à peu près tout est devenue exorbitante, mais comme les services publics ne se résument souvent plus qu’à des applications web, on se demande où passe l’argent. En France, de mars 2020 à octobre 2021, la fortune des milliardaires français a augmenté de 86%, cela donne déjà une bonne piste.

Vous aussi avez ce sentiment que nous sommes tous sur un fil qui va craquer ?

Eric Vial

Bien sûr, qui suis-je pour donner des conseils ? Mais tout de même, en adoptant des positions inflexibles concernant les personnels soignants suspendus, en voulant notoirement les « em-mer-der » comme l’a dit le président de la République ; en refusant toute négociation avec les partenaires sociaux concernant la réforme des retraites ; en étant belliqueux et obséquieux dans le conflit ukrainien ; en stigmatisant les Gilets jaunes et les classes sociales défavorisées ; en rejetant tout débat contradictoire avec l’opposition ; en imposant ses idées et en dictant ses éléments de langage à des éditorialistes parisiens comme un roi à sa cour ; en ayant une réflexion manichéenne dans son approche politico-économique ; en traitant tous ceux qui ne sont pas d’accord de « complotistes » afin de fermer la porte à toute discussion ; en faisant de la solidarité nationale la variable d’ajustement d’une économie libérale particulièrement injuste pour les plus fragiles et les plus précaires ; en n’étant absolument pas rassurant concernant la hausse des prix, notamment ceux de l’énergie... le gouvernement donne le sentiment d’une grande et étonnante radicalité qui sied mal à la culture française, comme s’il ne voulait pas s’encombrer d’être au service de tous les Français.
J’ai beau chercher, cela faisait très longtemps qu’on n'avait vu autant de mépris pour le corps social. Quand viendra le retour de la négociation si chère à nos anciens présidents de droite comme de gauche ?
Surtout, le gouvernement donne l’impression d’être tellement radical que les partis d’extrême droite ou d’extrême gauche passent pour des enfants sages. Ils n’ont plus besoin de rien dire : les excès viennent du pouvoir. Pourtant faire reculer les extrêmes n’était-il pas l’objectif cardinal de ces centristes qui n’en sont apparemment pas.
Le gouvernement et les partis de gouvernement feraient bien de recouvrer le chemin de la conciliation, de la nuance et de l’écoute.
C’est l’avenir des Français qui se dessine actuellement. Et il vaut mieux ne pas jouer avec.

2 février 2023

Motion référendaire : il faut la voter sans tergiverser

René Chiche

Je découvre que des députés qui se drapent régulièrement dans un antifascisme de bon aloi totalement anachronique pour se donner un air de gauche, refusent de voter une motion qui demande de renvoyer le projet de réforme des retraites devant le peuple sous prétexte que c'est celle du RN qui a été tirée au sort et non la leur. Honte à ces gens !
Peu importe qui dépose cette motion référendaire, il faut la voter sans tergiverser. Si ceux de la NUPES ne le font pas, c'est qu'ils préfèrent l'intérêt de leurs partis à celui des Français. Ce sont dès lors les idiots utiles du gouvernement. Et ceux qui prétendent que cette motion ne servira à rien parce que c'est le président qui décide en dernier ressort ont tort : une motion référendaire adoptée par le parlement à laquelle le président ne donnerait aucune suite ouvrirait une crise politique majeure nécessitant, au minimum, une dissolution de l'Assemblée nationale.
Et ceci explique hélas aussi peut-être cela...
Mais se moquer ainsi des gens qui font grève et manifestent serait lourd de conséquence.

Voyage à Kiev - mode d’emploi

Radu Portocala

Le sommet UE-Ukraine s’ouvre aujourd’hui à Kiev. Les pontes européens accourent pour recueillir les ordres d’achat de Zelensky et ses instructions. Mais, avant même de se mettre en route, le Secrétariat général de la Commission européenne, probablement sur recommandation de Kiev, leur a envoyé un certain nombre de directives.
Ainsi, nul ne portera du kaki ou même du vert, couleurs réservées au grand chef ukrainien et à ses hommes. Un commissaire européen ne saurait se déguiser en chef de guerre.
Il est recommandé, également, de « voyager léger », d’éviter les valises, leur préférant les sacs à dos. « Le temps exact du voyage étant impossible à prévoir, il est recommandé d’être prêts d’aller directement du train aux rencontres officielles. » Imaginer Macron & Comp. traversant Kiev au pas de course et affublés d’un sac à dos est assez plaisant. ll est également recommandé aux voyageurs de se munir de « chaussures confortables, de pantalons et de gilets. »
Des « boîtes contenant des repas froids » seront distribuées dans le train, mais il est recommandé aux voyageurs d’emporter des « provisions de base ». Difficile à deviner ce que cela veut dire, mais on peut penser qu’il s’agit de donner l’image d’un régime spartiate.
Enfin, les voyageurs sont prévenus qu’il y aura dans le train « des canapés individuels pour dormir, un WC commun et pas de salle de bains ». En somme, une sorte de pyjama party se déroulant dans des conditions déplorables. Ils se prendront tous pour des héros et se souviendront toute leur vie d’avoir fait la queue devant la porte des toilettes.
Lors des discussions avec les membres du gouvernement ukrainien, les pontes européens ne doivent intervenir que lorsqu’il est nécessaire. Ce qui veut probablement dire : pas de babillage inutile. Difficile pour nos manieurs de la langue de bois, maniaque des discours-fleuves.
Enfin, il a été dit à nos chefs que, mise en scène guerrière obligeant, les photos qui seront prises doivent prolonger et confirmer le message politique qu’il faut transmettre. Autrement dit qu’ils ne doivent pas être surpris en train de rigoler ou de faire les clowns.

Réforme des retraites : victoire dans la rue, et maintenant ?

Jacques COTTA

1, 2, 3 millions… La traditionnelle guerre des chiffres a peu d’importance. Dans chaque ville les manifestations du 31 janvier pour le retrait de la réforme des retraites ont battu tous les records, dépassant de loin les pronostics les plus optimistes.

Emmanuel Macron et son premier ministre Elisabeth Borne ont annoncé depuis plusieurs jours que "le recul de l’âge de la retraite à 64 ans et l’accélération de la réforme Touraine, c’est à dire l’augmentation du nombre d’années de cotisations nécessaires pour avoir une retraite complète, cela n’était pas négociable".

Macron et Borne obéissent à l’union européenne et au FMI qui poussent ouvertement à l’adoption de cette réforme. De toute évidence, cette réforme est « ni sociale, ni économique, mais politique ». Macron met la barre très haut. Du coup, dans les rues de France, rejet de la réforme va de pair avec Macron démission ! Syndicales, les manifestations sont chargées de fait d’un contenu politique.

Au passage, la gauche qui aux dernières élections présidentielles a appelé à élire Macron au prétexte que son opposante était Marine Le Pen porte une part de responsabilité essentielle dans la situation présente. Pour sa violence politique et physique, Macron n’a rien à envier à personne.

Macron et Borne sont détestés. Ils voudraient jouer les fauteurs de troubles, les provocateurs, les terroristes organisateurs de violence, ils ne feraient pas mieux. Quelle issue laissent-ils en effet aux millions qui descendent dans la rue et qui expriment sans ambiguïté leur refus de voir leur retraite ou celle de leurs enfants attaquée, et leur pension amputée.

Dés lors la seule question qui vaille est la suivante : et maintenant, que faire ?

Traditionnellement les journées d’action succèdent au journées d’action jusqu’à épuisement des troupes. De toute évidence cela ne saurait répondre à la situation. Dans cette éventualité, l’espoir réside dans la détermination de corporations qui comme les cheminots en 1995 casseraient le train-train établi en durcissant le mouvement sur la ligne du blocage.

Traditionnellement aussi, l’amorce de soi-disant négociations sur des points de détail sont censées faire avaler la pilule aux citoyens qui demandent eux le retrait pur et simple de la réforme. Mais une telle stratégie a pour le moment peu de chance de vaincre la mobilisation massive des Français, d’autant qu’une série de raisons viennent renforcer la détermination contre ce gouvernement, l’augmentation des tarifs d’électricité de 15% à compter du 1er février, l’augmentation du prix de l’essence, du gaz-oil, l’inflation, et autres joyeusetés qui rendent la vie impossible.

Les recettes traditionnelles qui permettent au gouvernement de trouver une porte de sortie ont aujourd’hui du plomb dans l’aile. Les manifestants sont déterminés. C’est le retrait qu’ils veulent, pur et simple, et non un aménagement synonyme d’attrape-couillons. Ils ont réalisé l’unité de leurs organisations sur le seul mot d’ordre « non au recul à 64 ans » et y sont attachés. Tous les discours sur une prétendue bataille d’amendements à l’assemblée ne dupent personne.

C’est donc aux organisations syndicales que le défi est posé. Il est de leur ressort de définir la voie, de donner les moyens aux millions de décider.

Macron veut l’épreuve de force, il faut donc définir la façon de relever le gant.

Pour mettre en échec Macron, Borne, l’Union européenne et le FMI qui indiquent leur attachement à la réforme, il n’y a d’autre solution que le blocage du pays. C’est cela que les syndicats devraient expliquer clairement, et pour cela, pour décider, des assemblées générales pourraient être organisées partout. La décision de la grève reconductible devrait être prise. Des brigades de soutien à la grève – soutien financier notamment – devraient être mises en place. La population dans son ensemble devrait trouver son champ d’action. Soutien aux grévistes dans les entreprises, soutien public en reprenant par exemple les ronds-points comme les Gilets jaunes ont su le faire…

Macron veut la guerre.
Il peut être défait !


Conflit ukrainien : il ne s’agit plus d’une "opération militaire spéciale" mais d’une véritable guerre

Caroline Galacteros
Présidente et membre fondatrice de Geopragma

Les objectifs en sont étendus et les moyens aussi. Considérablement. Moscou a pris le mors aux dents devant l’ampleur du soutien occidental au malheureux proxy ukrainien dont le Kremlin a aussi sous-estimé l’héroïsme des troupes et le nationalisme de la population au printemps dernier.
La leçon a été vite apprise, et l’armée russe a connu en quelques mois une véritable remontée en puissance et efficacité dans tous les domaines. Désormais, Vladimir Poutine, pragmatique fataliste exaspéré par les mensonges de « l’Occident collectif » n’a d’autre choix pour sauver la face que d’aller au bout de l’aventure. D’autant qu’il gagne sur le terrain. Les Américains le savent mais préfèrent sacrifier sans vergogne les Ukrainiens jusqu’au moment où ils pourront leur dire qu’ils ont tout essayé mais qu’il leur faut en rabattre et négocier. Plus on attend plus cette négociation sera douloureuse et l’amputation territoriale importante. On peut continuer à le nier, à s’en indigner, à trouver cela inadmissible, à préférer la fuite en avant mais c’est ainsi. Peut-être aurait-on dû, le 17 décembre 2021, lorsque Vladimir Poutine adressa à Washington, l’Otan et l’UE, des projets de traité sur la refondation de la sécurité en Europe, prendre la peine de les lire au lieu de les lui jeter à la figure.
Dans cette affaire, un an plus tard, ce n’est pas l’ours russe qui est blessé mais l’aigle américain et les moineaux européens. L’Ukraine a perdu depuis des mois déjà ce conflit et, à moins d’engager l’OTAN (avec tous les aléas politiques et militaires que cela comporte) dans un affrontement ouvert avec la Russie, Kiev ne pourra, pour de multiples raisons et d’abord pour des questions d’effectifs et d’armements, renverser le rapport de force.
Il faut donc sortir du mensonge irresponsable dans lequel nous entretenons, notamment en France, les peuples européens sur « la victoire ukrainienne » et « la débâcle russe » et commencer à traiter le drame à hauteur du réel et du possible. Les médias mainstream mais aussi des figures militaires il est vrai de second ordre, portent à cet égard dans notre pays une très lourde responsabilité. Ce n’est pas seulement de l’indigence informationnelle, c’est de la propagande pure et dure. Tout cela pour complaire, dans ce qu’ils s’imaginent être une unité nationale contre la barbarie russe, à des pouvoirs politiques eux-mêmes en plein déni de réalité et bien peu familiers de ce que signifie la guerre. Volontairement sourds et aveugles aussi, devant ce que la Russie et une bonne partie du monde pensent de l’impérialisme occidental à l’heure des nouveaux équilibres de puissance et d’influence : obsolète, illégitime et stupidement belliqueux face à la multipolarité du monde.
Au lieu de crier à « l’esprit de Munich », aux « réseaux du Kremlin en Europe », à « la Cinquième colonne complotiste », et même carrément d’appeler à une chasse aux sorcières de l’État digne du pire maccarthysme, quand des voix de tous bords politiques s’élèvent pour appeler à enrayer au plus vite cette escalade mortifère et inutile (et à imaginer des pourparlers sérieux sans préconditions à partir de l’état des forces sur le terrain avant qu’il ne s’aggrave davantage pour Kiev), j’ose leur donner un conseil : qu’ils prennent donc des cours accélérés d’anglais et se donnent la peine de s’informer ailleurs qu’auprès de l’état-major ukrainien. Qu’ils aillent écouter non seulement les informations officielles de Kiev, mais celles de Moscou, qu’ils s’intéressent aussi au contexte global de ce conflit en Europe, à ce qui se dit et se décide à Pékin, New Dehli, Téhéran, Ryad, Ankara, Bakou, le Caire, et même à Berlin ou Rome ! Qu’ils fassent des liens et changent le petit bout de leur lorgnette pour un grand angle. Surtout, qu’ils prennent enfin le temps de suivre sur… Utube, la bonne demi-douzaine d’anciens militaires presque tous américains ou britanniques, tous anciens du renseignement, qui chaque jour expliquent par le menu ce qui se passe véritablement sur le terrain mais aussi au plan diplomatique mondial.
La Russie a préféré la réprobation occidentale au risque de voir son existence même mise en danger par l’installation de base OTAN à sa frontière directe. Cela fait plus de 15 ans qu’elle a exprimé à d’innombrables reprises et dans toutes les enceintes, ses préoccupations sécuritaires. Les stratèges américains le savent parfaitement et s’en sont servi pour la poursuite de leurs objectifs propres que j’ai déjà à maintes reprises expliqués, bien moins bien qu’un H. Kissinger ou même qu’un G. Friedman.
L’escalade en cours rend chaque jour moins improbable un ultime avertissement russe touchant directement un pays de l’OTAN et donnant le signal d’une curée généralisée à l’issue aléatoire ou apocalyptique, considérant la supériorité technologique russe en matière d’armes hypersoniques. Qu’attend-on pour se réveiller et dire stop ?
Il est une autre supercherie sur laquelle je souhaite revenir, car elle est gravissime du point de vue européen. Elle se situe au plan des valeurs de liberté, de tolérance, de démocratie et d’égalité qui forment le socle de l’Europe d’après-guerre et de son surplomb « moral » revendiqué. Le chœur des bellicistes enragés qui vocifèrent leur haine de la Russie le font au nom de ces mêmes « valeurs » que l’on a peine à associer au pouvoir ukrainien actuel, qui a interdit partis politiques et médias d’opposition sans parler de la langue russe. Pire, il a intégré depuis des années dans ses forces des milices ultranationalistes dont les discours, rituels et emblèmes témoignent de l’empreinte omniprésente d’une idéologie de sinistre mémoire aux filiations indicibles. Au nom des droits de l’homme et de la liberté, l’Europe qui se veut pacifiste et éclairée, arme et finance un pouvoir miné par un anti-slavisme forcené aux relents suprémacistes. Cette inversion des valeurs devient indéfendable mais est noyée par l’invasion du territoire ukrainien par les forces russes, aussi inexcusable qu’inévitable. De l’aveu même de plusieurs gouvernants occidentaux et ukrainiens, cette guerre a pourtant été voulue et préparée. Une guerre de l’Otan contre la Russie, de l’Occident contre une grande partie du reste du monde dont l’Ukraine n’est que le proxy volontaire et son peuple la victime sacrificielle.
C’est une guerre existentielle, mais pas seulement pour la Russie. C’est l’avenir du monde et des lignes de forces planétaires qui se jouent sur le sol de ce pays charnière pour la sécurité en Europe. Une sécurité que chaque palier de l’escalade ruine un peu plus. Il s‘agissait de couper la Russie de l’Europe une fois pour toutes. C’est fait. Il s’agissait de placer l’Europe sous dépendance gazière américaine. C’est fait. Aucun dirigeant européen n’a trouvé à redire au sabotage des gazoducs NS 1 et 2. Le socle de la puissance industrielle allemande n’est plus mais Berlin se tait. Cette attitude suicidaire de l’Europe est proprement délirante. Notre dogmatisme et notre servilité n’ont plus de limites. Nous sommes désormais en première ligne d’un affrontement que Moscou ne peut plus éviter et on y va, la fleur au fusil, tout en expliquant que nous ne sommes pas cobelligérants. Voyage en Absurdie.
Désormais, le pot aux roses vacille. Face à une réalité militaire trop longtemps tronquée, défigurée par les nécessités de la propagande, les comploteurs qui dénoncent depuis un an avec aplomb le complotisme des trolls du Kremlin paniquent devant l’imminence du dévoilement de la vérité. Il faut faire retomber la pression. Retrouver un semblant de dialogue. Mais la confiance est totalement partie du côté russe et nous faisons tout pour que Moscou ne le souhaite pas, d’autant que la Russie est actuellement en position favorable et donc va poursuivre au moins jusqu’à la sécurisation de ses gains officiels (les 4 oblasts) et l’assurance que Kiev ne pourra soutenir dans le temps sa guerre d’attrition.
L’Amérique ne peut l’emporter et a déjà perdu mais veut maintenir à tout prix l’illusion d’une victoire morale et politique possible. L’Europe suit en ordre dispersé et va tout perdre. La France n’a rien compris et encore moins rien voulu comprendre. Nous avons méprisé nos atouts relatifs, renoncé à faire un pas de côté. Comme d’habitude, c’est en suivant une route qui n’est pas la nôtre que nous avons perdu notre chemin.
La haine domine l’intelligence (de situation mais pas seulement) par l’intolérance et le mensonge. C’est l’Ukraine qui est en morceaux qui sera probablement de fait divisée. C’est son peuple qui souffre de la folie d’un gouvernement qui lui avait promis la paix avec la Russie et n’a fait que fomenter la guerre. C’est la jeunesse ukrainienne qui, quand elle n’a pu s’enfuir à temps, est sacrifiée et envoyée au front sans expérience dans des assauts désespérés qui veulent masquer au monde le rapport de force sans appel défavorable et pomper les milliards américains et européens pour remplir les poches d’une clique ultra corrompue aux relents d’idéologie fasciste. Ne comprenons-nous pas que c’est indéfendable, que l’anti-slavisme éructant et ultraviolent des milices versées dans les forces ukrainiennes entretenues depuis des décennies par les services occidentaux au cours de la guerre froide, puis réveillées, payées, formées, armées depuis 2015 par l’OTAN elle-même, ne sont pas là pour sauver l’Ukraine mais pour la sacrifier à la volonté américaine d’affaiblir la Russie, de la couper à jamais de l’Europe et, dans les plus fous fantasmes, de parvenir enfin à la mettre en coupe réglée et à la piller comme cela avait été si magistralement commencé dans les années 90 ? C’est un éléphant dans la pièce que nous faisons mine d’ignorer. Il peut nous écraser.