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17 mars 2023

Le bon moment pour enfin renverser…

Gilles La Carbona

D’abord le 47.1 pour empêcher le débat. Ensuite le 44.3 pour bloquer les votes. Enfin le 49.3 pour forcer le passage, un de plus. On est loin de la superbe affichée par Macron il y a quelques jours, assurant qu’il aurait une majorité à l’Assemblée nationale. Goguenard, il nous a servi sa soupe habituelle qui s’oxyde au contact de la réalité. C’est sa réforme, ses commanditaires, son affaire, même s’il envoie Borne au feu, qui se fait huer. Il était sûr de lui, sûr de pouvoir manœuvrer tout le monde et le voilà obligé de recourir à l’article le plus controversé de notre constitution, pour faire adopter en force une loi que seuls lui et ses commanditaires désirent. La Constitution a été écrite pour un honnête homme et elle est exploitée par un arriviste. Le peuple n’en veut pas et la représentation nationale non plus, mais l’autocrate assumé s’en tamponne. Voilà ce qu’il fait de l’opinion du peuple et de la volonté des députés. Seul contre tous, Macron persiste et signe et fait un nouveau bras d’honneur à la nation.

Que Ciotti, Retailleau et consorts soient aller négocier avec lui n’a pas compté et il les maltraite eux aussi, les tient pour faibles et imbéciles et décide dans leur dos. On se demande s’ils ont seulement compris ce message ? Ils risquent, ces traîtres à leurs électeurs, de laisser adopter un texte qui dans n’importe quelle autre démocratie aurait été, si ce n’est abandonné, du moins rejeté par les représentants du peuple. Ils signent aussi la disparition de l’Assemblée nationale comme lieu où se font les lois, où la parole des représentants du peuple s’exprime. Macron n’aura pas besoin de dissoudre une assemblée dont il sait pouvoir s’affranchir dès qu’il n’a pas de majorité sur un texte essentiel, soit, tout le temps. Les députés seront ainsi face à 80% d’un peuple mécontent qui, quoiqu’il arrive, leur fera payer cet épisode.

On va enfin savoir, entre la posture ahurissante qui consiste à ne pas voter comme le RN par pure idéologie, ou une écoute du peuple, ce qui prime dans la tête de ces députés devenus godillots et dont on sent bien que la préoccupation première est de ne pas perdre leur statut de privilégié, leurs émoluments et pour le coup, leur régime spécial de retraite.

Il ne s’agit même plus de savoir si cette loi est justifiée ou non, quand la méthode n’est plus en adéquation avec les règles de bases d’une démocratie, où l’on respecte le vote de ses députés, il n’y a qu’un choix : renverser ce gouvernement. Inutile de nous seriner avec un : « on n’avait pas le choix ». En utilisant le 49.3 sur un texte d’une importance si haute, c’est le palais Bourbon qu’il vient d’effacer de la constitution. En laissant en place un gouvernement aussi sourd que celui-ci aux avis des parlementaires, les députés vont cautionner la disparition de nos institutions et accessoirement trahir la confiance des Français.

Que vaut une république gouvernée dans ces conditions ? Où voit-on un chef d’État qui n’écoute pas son propre parlement ? Dans quel pays ? Les républiques bananières où notre intéressé va donner des leçon d’une démocratie, qu’il n’applique pas ici.

Votez la motion de censure, renversez enfin ce gouvernement autocrate, ou regardez mourir notre pays.


16 mars 2023

Glissement intellectuel

Jean Mizrahi

Il est intéressant de parler de géopolitique en France, parce que cela révèle toute la dérive intellectuelle de notre pays, et plus largement des pays européens. La guerre en Ukraine est exemplaire de cette dérive, car s’y cristallisent tous les beaux sentiments engendrés par les campagnes médiatiques – on ne parlera pas de propagande – sur le sujet.

Les relations internationales ne sont pas une affaire de morale ni de sentiments, uniquement de rapports de force. Les guerres peuvent certes être attisées par des sentiments, mais, in fine, c’est la force qui décide, froidement. Celui qui est faible et veut s’attaquer au fort est un fou, Thucydide l’a clairement exprimé dans sa relation du dialogue entre les Athéniens et les Méliens. C’est en quoi Zelensky est un fou. Les plus grands chefs d’Etat ou stratèges ont tout autant été clairs sur la question : « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », disait le général de Gaulle, paraphrasant ainsi Henry John Temple, Lord Parmerston, qui fut Premier Ministre du Royaume Uni au 19ème siècle : « We have no eternal allies, and we have no perpetual enemies. Our interests are eternal and perpetual, and those interests it is our duty to follow ». Dans les relations internationales, il n’y a pas de sentiments, il n’y a qu’un réalisme froid et calculateur.

Dans l’affaire ukrainienne, il est passionnant de relever les réactions aux tentatives de prendre du recul : ne pas adhérer religieusement à la doxa d’un soutien aveugle, passionné, larmoyant à l'Ukraine, c’est invariablement, pour beaucoup en Europe, être un suppôt de Poutine. Je m’amuse fréquemment à titiller les uns et les autres quand je vois leur exaltation, je suis systématiquement classifié en suppôt du diable poutinien. Il y a une passion qui s’est déclenchée à détester le dirigeant russe, comme si les décisions d’un pays de 150 millions d’âmes étaient prises par un seul homme dans sa salle de bain le matin en se rasant. Chacun se satisfait d’un manichéisme qui évite de penser et de se remettre en question. On le voit surtout avec des personnes avec un haut niveau d’instruction : la morale et les sentiments ont pris le pas sur la réflexion et la critique. Ils sont à l’image des Enthoven et BHL, ces combattants d’opérette qui déclament leur passion pour la guerre depuis le Café de Flore ou les Deux Magots. Pour tous les excités qui s’affichent avec des couleurs bleue et jaune, soit on est pour, soit on est contre, il n’y a pas d’autre position envisageable. Le conformisme règne sans partage. C’est aussi ce que l’on voit dans les grands médias, et il faut aller sur des médias plus pointus, spécialisés en géopolitique par exemple, pour découvrir des analyses plus nuancées, contradictoires, relevant les faits historiques qui ne vont pas dans le sens du discours dominant. Car les relations internationales sont compliquées. Les manipulations américaines en Ukraine depuis 2014 sont incontestables, mais ne sont pas dicibles. Les manipulations russes dans le Dombass sont tout autant incontestables. Les manoeuvres américaines pour attraire l’Ukraine à l’OTAN sont incontestables, l’agression russe aussi. La complaisance ukrainienne pour les nazis ukrainiens est évidente, les bombardements du Dombass pendant 8 ans aussi, l’utilisation de pauvres bougres pour servir de chair à canon des deux côtés aussi. Il n’y a pas de bons et de méchants, il y a juste un positionnement de puissances qui se joue sur le sol d’un pays martyrisé et manipulé.

Tout cela illustre la décadence intellectuelle de l’Occident. Nos pays ne réfléchissent plus en fonction de leurs intérêts égoïstes, mais selon des prétendus principes moraux, qui sont le plus souvent à géométrie variable : on le voit avec les grands silences sur l’Arménie ou le Yémen. Nos peuples sont acculturés et manipulés par des élites qui font la course au plus moralisateur, sans réaliser qu’elles sont en train de nous conduire au désastre. Il est temps de revenir aux racines du bon raisonnement géopolitique : quels sont nos intérêts, et rien que nos intérêts. C’est égoïste, cela ne semble pas généreux, mais c’est une question de survie. Rappelons ces mots du spécialiste américain d’origine allemande Hans Morgenthau : « le but de la politique est la domination : notre ennemi, tout comme nous, utilise sa moralité pour resserrer l'ouverture de sa conscience et ignorer son appétit de pouvoir ». Arrêtons avec cette bonne conscience idiote, et ne regardons qu’une seule chose : quels sont nos intérêts à long terme. Suivre aveuglement l'une des parties au conflit, vraiment ?
Pourquoi ce silence des syndicats subventionnés sur les soignants / personnels suspendus ? Entretien avec le syndicat GJ

https://www.youtube.com/watch?v=Tq5wA5zkSjE


Marc Amblard

UNE BELLE JOURNÉE PARLEMENTAIRE

Gabriel Nerciat

Joie.
Contrairement à ce que l'Élysée avait péremptoirement annoncé hier soir, Elisabeth Borne, dans l'impossibilité de réunir une majorité susceptible de voter à l'Assemblée nationale le texte sur la réforme des retraites négocié avec le Sénat, vient de recourir à l'article 49.3.
Une des crises politiques les plus intéressantes de la Ve République vient donc de commencer cet après-midi.
C'est évidemment un échec majeur pour le premier Ministre, et par voie de conséquence aussi pour le Banquier Président (lequel avait promis le vote rapide de cette loi à la Commission de Bruxelles en échange de l'adoption du plan de relance européen négocié lors de l'épidémie de covid).
Mais c'est surtout une défaite complète, terminale et salutaire pour tous ces caniches piteux du sarkozisme en déroute que sont Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix (sans oublier Laurent Wauquiez, le quatrième larron de la bande, qui se terre sans rien dire dans sa région lyonnaise).
L'énergie qu'ils ont mise depuis des semaines à permettre la victoire politique de Macron est réduite en cendres par la résistance de leurs propres troupes.
L'agonie de la droite chiraquienne, dont le cadavre faisait encore semblant de bouger depuis la défaite de Fillon, est maintenant enfin actée, et l'implosion du parti inéluctable.
Ce second quinquennat, qui ne durera peut-être même pas deux ans, me plaît décidément de plus en plus.


Ouragan politique sur la France ?

Yann Bizien

☐ Le général de Gaulle avait eu le panache de démissionner en perdant la confiance d'une majorité.
Minoritaire à l'Assemblée, minoritaire dans la rue, minoritaire dans les sondages, Emmanuel Macron fera tout pour s'accrocher au pouvoir sur le champ de ruines français.
Sa seule réforme est un échec sur le fond et sur la méthode. Mal élu, sans faire campagne, partant un coup à gauche, un coup à droite, incapable de rassembler les Français, brutalisant toute notre société, son second quinquennat est déjà brûlé.



☐ "Quoi qu'il arrive", vote ou rejet de la motion de censure, Emmanuel Macron doit avoir la fièvre ce soir en voyant de nouveau le peuple de France indigné dans la rue après l'usage ultime de l'article 49.3.
En pleine crise du pouvoir d'achat et d'emballement inflationniste, sans majorité absolue, face à un pays fracturé, le président sait que son pouvoir est fragilisé, que sa légitimité est contestée et que sa réputation est au plus bas. S'il s'estime inamovible, il a toutefois conscience du niveau exceptionnel de la gravité de la crise politique qu'il a lui-même générée.
Certes, son horizon politique se ferme. Mais son orgueil, pourtant, est intact. Car il n'a aucune empathie réelle pour le peuple. Il entend bien lui faire payer, avec ce projet de réforme des retraites, ses propres fautes de gouvernance et de gestion. On le sait, il n'est en réalité soumis qu'au pouvoir et aux lois froides et cyniques de l'argent.
Notre Président doit désormais compter les heures jusqu'au vote ou au rejet de la motion de censure. Il attend, sans panache.



☐ 14h45 : Terrible aveu de faiblesse, d'échec politique et nouveau déni de démocratie pour Emmanuel Macron et sa minorité présidentielle. Considérant que les conditions n'étaient pas réunies pour un vote de sa réforme des retraites, il fait subitement le choix de la force, de la brutalité et d'un braquage démocratique. Il mise sur la discorde entre les oppositions. Et il nous impose un psychodrame pour gagner du temps et du consentement.

Madame Borne, huée, évite le vote sur la réforme des retraites en faisant un nouvel usage de l'article 49.3. Elle engage la responsabilité de son gouvernement et prononce un discours clivant et très contesté, sous le chant de la Marseillaise.

Les députés ont 24 heures pour déposer une motion de censure contre le Gouvernement. Il ne pourrait y avoir de dissolution de l'Assemblée nationale qu'en cas de vote de cette motion.

Le Parlement aura été humilié et bafoué. Le peuple aura été une nouvelle fois ignoré, méprisé et piétiné.

Emmanuel Macron braque encore davantage les Français et les syndicats en cherchant à faire passer sa réforme impopulaire aux forceps constitutionnels et en bafouant la démocratie sociale. Son projet n'a plus du tout de légitimité. Il risque une censure d'ici ce lundi.

Les Français sont blessés. Ils n'ont plus confiance dans l'exécutif qui n'a aucune majorité sur ce texte et qui cherche aujourd'hui à contourner la volonté du peuple. Le Gouvernement peut être renversé.

L’Occident comme bulle spéculative

Anne-Sophie Chazaud

De plus en plus souvent, lorsque j’observe les Français et, de façon plus générale, les Européens, Occidentaux, j’ai le sentiment de vivre comme dans ces séquences-types qui marquent le début des films-catastrophes, vous savez, lorsque chacun vaque avec insouciance à ses occupations alors qu’un gigantesque ras-de-marée, une éruption volcanique, une météorite ou que sais-je, sont en train d’arriver et s’apprêtent à tout emporter sur leur passage.
Aussi, je veux bien me préoccuper des retraites (je suis tout à fait hostile à cette réforme) ou des poubelles parisiennes et de leurs rats, mais je me demande si, gavés d’informations de pure surface, de pur divertissement au sens quasi pascalien du terme, nos concitoyens ont bien conscience de ce qui est en train de se produire (outre que le viol désormais hebdomadaire de personnes âgées me dérange personnellement davantage pour ce qu’il révèle que quelques poubelles liées à une grève)…
Et j’ai beaucoup de mal, également, à ne pas relier ces différents phénomènes déferlants entre eux.
Une gigantesque crise bancaire, financière est en train de se dérouler, dans le silence quasi-total, pour le moment, des médias mainstream, dans le sillage de la chute de la Silicon Valley Bank, la banque des wokes, la banque des actifs financiers fondés sur rien, sur du vent, sur du néant, sur des fictions, mais attention hein, sur des fictions hyper inclusives.
Et c’est tout l’Occident actuel qui me semble être emporté par cette lame de fond qui n’est rien d’autre que le réel se rappelant au bon souvenir de l’édifice fictif et délirant qui a supplanté ce qui fut autrefois notre puissance.
Sans capacités réelles de production de richesses réelles, sans industries réelles, sans connexion avec le vrai monde, le nôtre a poursuivi malgré les précédentes crises, sa dérive au pays des fous et de la fiction spéculative, dans tous les domaines.
De la même façon, depuis un an, ce sont les mêmes qui envisageaient le plus sérieusement du monde de mettre l’économie russe à genoux et c’est tellement bien réussi qu’on en est à mettre des antivols sur les biftecks dans nos supermarchés, bravo les cadors. La guerre en Ukraine fut abordée, pareillement, comme une fiction, hélas pour ceux qui en sont morts et continueront d’en mourir. Des récits faux, des informations déconnectées du réel, des fake news à la pelle (la fable de l’auto-sabotage de NordStream par les Russes restera évidemment dans les annales de cette sinistre farce), dans l’aveuglement délibéré par rapport, comme je l’ai déjà dit, à ce qu’en pensait l’écrasante majorité du reste du monde (majorité, en termes, là encore, de démographie et de production).
Et, surtout, cette incapacité à comprendre que le reste du monde, c’est-à-dire la plus grande partie du monde, ne souhaite pas s’élaborer sur du vent et des ressources fantasmagoriques et qu’il est en quelque sorte en train de nous dire : vous êtes bien gentils les petits amis avec vos histoires d’extraterrestres, de toilettes non genrées et de morts transformés en compost mais nous on va s’organiser autrement et on va vous laisser vous suicider bien tranquillement parce que vous n’avez vraiment pas l’air d’aller très bien dans votre tête…
Je ne trouve pas cela anodin que le début de cette gigantesque crise financière, énième explosion de la bulle spéculative à laquelle l’Occident semble s’être résumé depuis quelques décennies, intervienne la même semaine que celle de l’énorme événement géopolitique que représentent les déclarations d’alliances conjointes (et ce n’est que le début) liant la Chine (et donc la Russie), l’Iran, l’Arabie Saoudite etc…
La fiction, la spéculation, le déni de réel, ce n’est pas suffisant pour entraîner le monde à sa suite de manière conquérante, sauf lorsqu’on a la force morale et matérielle de proposer aux individus des mythes fondateurs qui viendront donner du sens à leur action. Ce fut, par le passé, comme le rappelle Pierre Legendre, lui aussi mort cette même semaine, tout le rôle de l’édifice romano-canonique en Occident dont on mesure le degré d’effondrement.
Il est bien évident que la fiction générale en forme de farce cul par-dessus tête qui nous est proposée et qui nous fait quotidiennement honte, obsédée qu’elle est de questions sexuelles loufoques dignes de l’asile, de questions raciales hysterisées dont le reste du monde se contrefout, de questions nombrilistes parfaitement grotesques qui, toutes, ont la particularité désormais d’avoir quitté les rives du réel, cette fiction générale donc ne peut pas servir à autre chose qu’à nous enfoncer davantage.
Dans le fond, je ne vois guère qu’une toute petite différence de degré mais non de nature entre un édifice spéculatif financier systémique bâti sur du vent, des individus auxquels on laisse croire que le réel n’existe pas (un homme peut accoucher), et le mensonge permanent, là encore fictif et spéculatif, sur lequel est basé désormais le regard occidental porté sur le monde (et dont le système médiatique est le pathétique et burlesque reflet).
Une chose est certaine, pour l’heure, ça va tanguer et je ne suis pas sûre que tout le monde y soit bien préparé quant à ce que cela va impliquer comme bouleversements dans la durée. Au moins est-on tout à fait certain de ne pas s’ennuyer.
Je m’occuperai, pour ma part, dans la tourmente, de préserver le chant grégorien…


Pierre Duriot

Je me marre… j’étais dans le cortège de la manifestation, contre la réforme des retraites, parce que c’est un héritage gaulliste et que nous y tenons, à ce dispositif qui permet, normalement, à chacun de vivre dignement, arrivé à l’âge où le corps ne peut plus travailler. Et qu’on ne vienne pas nous dire que le système est en péril, puisque le COR et l’INSEE ont dit qu’il ne l’était pas. Même Attali, le liquidateur, estime que Macron n’a pas à aller chercher bien loin les 12 milliards qui ne manquent même pas. Non, le plus drôle, sont ces infâmes gauchistes, qui braillent contre celui qu’ils ont fait élire, pour éviter le chaos avec Marine Le Pen, paraît-il. Le chaos, ils l’ont, alors heureux ? Marine Le Pen aurait-elle fait pire ? Rien n’est moins sûr. Au moins, avec elle au pouvoir, ces braillards auraient voté une motion de censure pour faire tomber un gouvernement. Ils pourront toujours se consoler en pensant qu’avec Macron, ils ont eu une « forme moins grave » du chaos, ce qui, comme pour le vaccin, est tout à fait invérifiable. Si seulement, pour la prochaine élection, ça leur apprenait à rester dans leur boulot de syndicaliste et qu’à l’occasion du second tour, ils ferment leur grande g… ce serait déjà un sacré progrès.

Premières leçons du combat contre la réforme des retraites

Jacques COTTA

À l’heure où j’écris ces quelques lignes, le sort de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron n’est pas encore connu. Adoption à l’Assemblée nationale après le Sénat grâce au vote des députés LR, utilisation de l’article 49.3 par le gouvernement pour imposer sans vote la loi macronienne, dépôt d’une motion de censure ou de plusieurs au résultat incertain… Quoi qu’il en soit, on peut sans risque de se tromper tirer quelques leçons des semaines écoulées pour permettre entre autre de se projeter dans l’avenir qui de toutes les façons sera politiquement et socialement agité.

Les manifestations ont été massives dans toutes la France, s’inscrivant en province dans la continuité de l’irruption populaire connue lors du mouvement des Gilets jaunes. La volonté exprimée dans les sondages d’opinion – de 80 à 90% des Français pour le retrait de cette réforme – a tenu sans fléchir face à l’obstination de l’exécutif. Alors que les discours n’avaient pas manqué pour promettre la fin durable des mobilisations populaires après la répression subie par les Gilets jaunes il y a quatre ans, la lutte des classes a déjoué les prévisions des oiseaux de mauvais augure.

L’avenir risque fort d’être agité. Avec l’inflation, la hausse des prix des produits de première nécessité, la difficulté pour des millions de finir le mois, la hausse du coût de l’énergie, l’impossibilité de se chauffer, de se déplacer, de se soigner, la mise à mal des services publics les plus indispensables, avec les nouvelles initiatives gouvernementales sur le front de la protection sociale et du travail notamment, ce ne sont pas les débats idéologiques mais les conditions matérielles, la défense des intérêts vitaux de millions de citoyens mis à mal par la volonté d’une petite minorité aux ordres du capital et de l’union européenne qui préparent agitations, manifestations, révoltes, voire révolution…

Pourtant, l’appel au blocage du pays et à la grève a reçu une réponse mitigée. Les difficultés financières bien sûr ont pesé sur les capacités à cesser durablement le travail. Mais n’existe-t-il pas aussi une raison politique ?

Cette réforme, dite « réforme Macron », puis « réforme Macron-Ciotti », est au point de départ la réforme « Hollande-Touraine-Macron ». Il s’agit d’une réforme politique. La volonté de repousser l’âge de départ à la retraite incarne le combat acharné de toutes les forces par le passé pour frapper la classe ouvrière, les salariés, les jeunes ou retraités. Les renoncements, trahisons, capitulations de la gauche ne sont évidemment pas sans effet.

La responsabilité des chefs politiques et des partis traditionnels dans la perte de confiance et la division des travailleurs est aussi celle des responsables syndicaux. L’unité affichée par les leaders de la CGT, de la CFDT et autres à la tête des manifestations est l’apparence des choses.

La véritable unité qui pèse est celle qui rassemble les leaders syndicaux dans la confédération européenne des syndicats, bras armé de l’Union européenne dans le monde du travail. La classe ouvrière ne peut affirmer sa force qu’à travers des organisations indépendantes du capital et du gouvernement. L’indépendance de classe, voilà le problème…

La force de Macron, dont la faiblesse objective est évidente, réside dans l’absence totale de toute alternative politique. Le wokisme de la FI et de la NUPES un jour, son discours radical un autre, ne peuvent convaincre personne. Macron le sait et en joue. Pendant qu’il offre les retraites au groupe LR, le voilà qui propose l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution, cela pour satisfaire la FI qui en faisait une question identitaire, alors que nul ne se propose en fait de revenir sur ce droit fondamental et élémentaire.

Cette question mêle d’ailleurs le politique au syndical. Tous les responsables ont appelé hier à « voter Macron » contre le « danger fasciste incarné par Le Pen ». En réalité c’est à eux, les « chefs » de la gauche entre autre, que nous devons Macron et la réforme des retraites. Cela pèse dans une partie des couches populaires qui a le sentiment d’être tout de même prise pour le dindon de la farce.

Et la démocratie ?

La démocratie est battue en brèche. Le caractère totalement antidémocratique de la Vème République dont les institutions permettent, à coup d’articles que l’on découvre jour après jour, de faire passer contre la volonté populaire les lois du président Bonaparte, apparaît au grand jour.

La gestion de la réforme des retraites par l’exécutif ne sera pas sans conséquence dans l’avenir. La « violence » macronienne, permise par l’application des institutions, prépare la victoire de Marine Le Pen en 2027, et lui laissera un système avec un Élysée puissant, sans contrepouvoir.

Si la situation va jusque là, les mêmes qui se sont affirmés comme « le rempart à Le Pen », qualifiant le RN de parti fasciste alors qu’il s’agit d’un parti de la droite autoritaire comme il en existait à droite du RPR des années 1980, et qui ont ainsi justifié leur choix pour Macron, préparent simplement le lit de la responsable du Rassemblement National.

Mais rien ne dit que la situation ira jusque là.

La Vème République est flageolante, les forces sociales sont en mouvement, et la situation, quelle que soit l’issue sur les retraites, demeure bien imprévisible… 15/3/2023

Tiephaine Soter

Pendant qu'Euronews explique que finalement c'est bon, la crise bancaire est passée et qu'il n'y aura pas de conséquences parce que le système est solide, Crédit Suisse explique qu'en fait, sa façon de rapporter ses opérations "avait des failles et des lacunes", et explique dans le même temps qu'ils n'ont pas encore réussi à "contenir les retraits des clients".
 
Dans le même temps, la Fed explique qu'elle va imprimer autant de billets qu'il faudra pour garantir que le système ne va pas s'effondrer, une manière détournée de dire qu'ils vont préférer l'hyperinflation pour sauver le système, sans nettoyer celui-ci des mécanismes qui créent des problèmes de plus en plus énormes à chaque fois depuis les années 1980.
 
La crise n'est pas passée. Ce qui s'est passé hier n'est qu'un petit hoquet, le prélude à quelque chose de beaucoup plus gros qu'on sent venir depuis au moins 5 ans. On est typiquement dans le même type d'événement que la crise provoquée par Bear Sterns en juin-juillet 2007.
 
Là ce qui se passe, c'est que tout le monde financier se rue sur les obligations, en particulier sur les bons du trésor américain, parce qu'ils ont (AVAIENT) des taux intéressants. La mécanique du truc c'est que plus il y a de demande sur le bon (plus il y a d'acheteurs), plus le taux, et donc le rendement, baisse. Or, les positions des organismes financiers, notamment dans les produits dérivés, sont basées sur le taux attendu à une date précise.
 
Si le taux baisse trop avant cette date, l'organisme financier perd de l'argent, et doit donc s'en débarrasser rapidement pour prendre une meilleure position. Là, comme le taux des bons à 10 ans a baissé de 0,5% rien que sur la journée d'hier, il y a des dizaines de milliards de dollars qui se sont évanouis sur le marché des produits dérivés (non comptabilisé dans les comptabilités, ce sont des opérations "sous le comptoir").
 
Cette crise bancaire est, à très court terme, une excellente nouvelle pour l'État américain, puisque sa dette souveraine est financée grâce aux bons du trésor. Le problème c'est que si pour le moment c'est très bon signe, il va y avoir un contrecoup lorsque les banques auront eu leur cash de la part de la Fed : les bons du trésor vont voir leurs taux remonter d'un coup, ce qui devrait plomber la dette. Il se trouve justement que d'ici juin 2023, il y a un risque que les USA fassent défaut sur leur dette (c'est-à-dire qu'ils ne puissent pas rembourser les bons du trésor émis il y a 10 ans).
 
Il y a des bruissements en ce sens depuis le début de l'année, et beaucoup de monde en coulisse cherche des solutions, même de court terme. Ce risque ne cesse de s'accentuer à chaque fois qu'un État accepte de passer ses opérations commerciales bilatérales dans les monnaies nationales, sans passer par le dollar, qui est devenu incontournable en 1945 avec les accords de Bretton Woods (il fallait impérativement acheter des dollars pour acheter de l'or, donc toutes les monnaies dépendaient du dollar, ce n'est plus le cas depuis 1973, mais le système est resté, à la fois par habitude et parce que les USA ont largement fait en sorte de maintenir le dollar comme monnaie de référence, quitte à dégommer les dirigeants qui voulaient revenir à un "standard or"). Dernièrement, l'Inde, la Chine, la Russie, l'Iran, l'Arabie Saoudite et quelques autres pays importants, ont passé une série d'accords bilatéraux pour se passer du dollar et commercer dans leurs monnaies respectives.
 
En gros, ce que ça veut dire, tout ce que je viens d'écrire, c'est qu'il y a un risque, encore faible mais qui commence à se préciser de façon assez sérieuse, pour que le dollar s'effondre d'ici cet été, ou en tout cas dans les années qui viennent. 14/3/2023