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29 avril 2024

Marc Amblard

On a tous oublié qu'en France, il y avait très très peu de résistants en 39/40, une infime minorité. Idem pour le corps médical ces dernières années. La conformité lâche au discours des puissants est tellement plus confortable...

Total et la tiers-mondisation de la France

H16

29/4/2024 - Alors que la France se prépare à accueillir prochainement les épreuves des Jeux Olympiques en distribuant de plus en plus largement l’argent gratuit des autres, notamment à ceux qui lui font des clés de bras, on apprend que Total, le groupe pétrolier français, envisage de déplacer sa cotation principale de la Bourse de Paris à celle de Wall Street, à New York.

Il apparaît en effet que Patrick Pouyanné, l’actuel patron du groupe, a récemment confié à Bloomberg que la question d’un changement du lieu principal de la cotation était légitime : les investisseurs anglo-saxons étant majoritaires au capital de TotalEnergies, il semblerait en effet “légitime” (selon les mots du dirigeant) de déplacer cette cotation à la bourse de New York.


Pour l’instant, le siège social resterait à Paris mais on comprend que l’étape suivante à cet hypothétique déplacement de la cotation serait justement de déplacer aussi le siège du géant français. Bien sûr, tout ceci n’est pour le moment qu’une réflexion lancée, probablement comme un ballon d’essai pour tâter le terrain. Il n’en reste pas moins qu’elle a manifestement germé dans l’esprit des dirigeants et que cette formulation n’est que le résultat d’un processus qui est probablement lancé depuis plusieurs années.

Bien évidemment, un tel déplacement constituerait une véritable catastrophe pour l’État français et tout ce que le pays compte de militants anti-Total, et ils sont nombreux : difficile, une fois ce groupe parti, d’aller tenter l’une ou l’autre super-taxe sur leurs super-profits de méchants super-riches pétroliers qui brûlent des ours polaires à coup de gasoil.

Et même sans parler d’une expatriation complète de cette société vers des cieux plus cléments ou, pour le dire sans euphémisme, vers des pays qui n’ont plus complètement perdu leur bon sens et notamment un minimum de réalisme capitaliste et financier, il va sans dire que le risque d’évoquer aussi publiquement un changement de cotation serait de donner la même idée à d’autres groupes français, qui pourraient étudier avec attention les coûts et les implications d’un tel déplacement pour voir si cela peut être reproduit pour eux-mêmes…

De fil en aiguille, on pourrait avoir un CAC40 qui ne serait plus composé que des entreprises réellement captives en France, comme les banques, les assurances, les constructeurs automobiles par exemple. Riante perspective.

Mais de façon plus profonde, on comprend l’envie de Total de quitter un pays qui, très pragmatiquement, n’offre plus la possibilité à ses propres citoyens de participer à la vie financière de la nation, qui conspue ouvertement le capitalisme, l’épargne active, les fonds de placement et l’enrichissement au travers des mécanismes vertueux de l’investissement à moyen et long terme sur des technologies solides et éprouvées.


Entre la doxa gauchiste largement répandue, répétée voire professée doctement partout qui estime que chaque sou gagné par les uns l’est obligatoirement au détriment des autres, et la giboulée maintenant continue de taxes, ponctions et autres impôts sur tout ce qui constitue un revenu, une épargne et un investissement, il est assez normal que les Français, du reste assez globalement incultes en économie, n’investissent pas en bourse (et donc pas chez Total).

S’y ajoute l’actuelle guerre ouverte, physique et idéologique, contre tout ce que représente Total en matière d’énergie.

Comme il faut, pour chaque Français tympanisé non-stop par les médias et les politiciens, afficher clairement son positionnement contre les énergies fossiles et pour la lutte acharnée contre le climat qui varie et la météo capricieuse, il devient vite complètement inconcevable d’aller mettre de l’argent dans une société aussi ouvertement en butte contre cette lutte et ce positionnement. Dès lors, il apparaît logique que le groupe pétrolier se rapproche de ses clients et de ses investisseurs potentiels… Qui ne sont donc plus en France.

Enfin, il y a peut-être d’autres raisons, moins pragmatiques, qui pourraient tenir à une certaine lassitude d’essayer de réussir dans un pays qui fait absolument tout pour vous planter. Pour les gens à la tête de ce genre de groupes internationaux, et qui connaissent donc la situation économique globale du reste du monde, il y a peut-être aussi le constat entêtant que la France n’offre plus un avenir suffisamment solide et prévisible pour le groupe qu’ils entendent diriger.

Peut-on leur donner tort ?


Si ces individus se déplacent un peu à Paris et ses alentours, par exemple, il ne peut leur échapper le véritable effondrement visible de la capitale française, devenue en quelques années un dangereux dépotoir à ciel ouvert dans certains quartiers. Capitale qui peut en outre s’enorgueillir d’un impressionnant kilométrage de bouchons dont une partie est directement provoqué par la décrépitude des infrastructures autoroutières.

Quant au reste du pays, il est maintenant à la merci des mafias de différents parfums dont certaines abusent clairement de leur pouvoir de nuisance à l’approche de Jeux Olympiques qu’on pressent déjà épiques. Devant ce genre de braquage pur et simple du contribuable et de l’usager français, comment ne pas voir qu’il s’agit d’un véritable état d’esprit qui gangrène une bonne partie de la société française ?

Comment ne pas comprendre que tout le pays se tiers-mondise à grande vitesse, depuis l’observation des salaires effectifs riquiquis (on est riche à partir de 3860€ par mois en France) en passant par son infrastructure qu’un nombre de plus en plus restreints d’individus est réellement capable d’entretenir, jusqu’aux facultés et aux entreprises publiques en monopole qui cultivent les pratiques gauchistes et le poing levé pour un oui ou pour un non, comme les pires dictatures gauchistes d’Amérique du Sud sombrant d’une révolution à l’autre ?

Comment ne pas voir que les réflexions de Total sur son devenir boursier ne sont que l’admission, discrète mais têtue, que ceux qui firent la grandeur et la puissance de la France se sont maintenant exfiltrés un peu partout ailleurs et que le pays ne compte plus que les prisonniers d’un système qu’ils ne peuvent plus quitter, entourés par des profiteurs et des jaloux qui s’acharnent sur eux ?

Comment ne pas saisir que cette situation ne peut conduire qu’à la ruine de tous, et que l’actuelle équipe au pouvoir n’a non seulement absolument pas compris ce constat – pourtant simple – mais qu’elle semble même obstinément décidée à en aggraver les causes ?


https://h16free.com/2024/04/29/77460-total-et-la-tiers-mondisation-de-la-france

26 avril 2024

Une impensable démocratie sans démos ni kratos

Natalia Routkevitch


26/4/2024 - Le terme démocratie n’a de sens qu’au pluriel. Il y a des démocraties parce qu’il y a des peuples, des nations, des communautés politiques. C’est peut-être le prix à payer pour la préservation d’une dimension essentielle de la diversité humaine, mais c’est ainsi : l’idée d’une démocratie unique est une abstraction vide ou bien l’expression d’une dangereuse utopie impériale fondée sur le rêve d’un empire planétaire gouverné par des super-oligarques, caste d’imposteurs suprêmes célébrant le culte de la démocratie. Après en avoir confisqué le nom et interdit la pratique réelle.

La prétendue « démocratie » sans frontières des individus n’a plus rien de commun que le nom avec la démocratie incarnée par une communauté (toujours particulière) de citoyens actifs, une démocratie de participation où l’identité civique prime à la fois de l’identité ethnique et l’identité consumériste. La vision médiatique dominante de « la démocratie » … c’est le pouvoir du peuple sans pouvoir ni peuple. Une impensable démocratie sans « démos ni kratos.

L’étrange néo-démocratie qui se profile est dénuée de peuple souverain, s’imagine sans principe d’autorité ni instance de pouvoir, se veut sans histoire ni mémoire, elle prend la figure d’une pseudo-démocratie de consommateurs et actionnaires frénétiques, d’ethniques fanatiques, d’administrés et d’électeurs apathiques. A l’acratie des gouvernants répond l’apathie des gouvernés.

Ces paroles écrites il y a plus de 20 ans par l’un des courageux signataires de cette tribune me reviennent en mémoire à la lecture de leur texte, à l’heure où l’imposture démocratique – celle de la démocratie virtuelle, planétaire, trans-étatique et post-nationale - a nettement progressé et où les défenseurs de la démocratie originelle – de la démocratie dont l'élément de base n’est pas un individu insulaire mais une communauté autonome – sont régulièrement discrédités et diffamés.

Je joins le texte de la tribune en entier. A lire, méditer et partager.

Le texte de l’introduction est tiré de « Résister au bougisme » (2001) de P.-A. Taguieff

L'appel de 50 personnalités pour un référendum sur « le tour de vis fédéraliste » de l'Union européenne

En novembre 2023, une résolution du Parlement européen a proposé de modifier les traités pour généraliser la règle de la majorité qualifiée, puis une résolution semblable a été adoptée à l'Assemblée nationale. Cinquante personnalités*, dont Arnaud Montebourg et Marcel Gauchet, appellent à organiser un référendum sur ce sujet qui engage la souveraineté de la France.

Collective, Tribune

L'Union européenne n'en finit plus de dériver vers une supranationalité écrasante. D'année en année, la devise « Unis dans la diversité » a cédé sous une centralisation uniformisatrice effaçant les identités et les souverainetés nationales. Tournant le dos à ce qui la fonde, l'Union devient un carcan normatif où l'État de droit n'est brandi que pour justifier l'extension sans limites d'un système autoritaire. Imaginée comme un espace de prospérité où le « doux commerce » et la coopération renforceraient la paix entre les nations, elle est devenue une « prison des peuples » reposant sur des dogmes aveugles qu'il est interdit d'interroger malgré leurs évidents et dramatiques échecs économiques, sociaux et géopolitiques.
Cette dérive est servie par les deux dynamiques sans frein de l'élargissement et de l'approfondissement, le second étant toujours présenté comme indispensable au premier, lui-même inéluctable.

L'extension illimitée du territoire de l'Union européenne, sans stratégie ni délibération démocratique, semble échapper à la raison et ne plus obéir qu'à un automatisme incontrôlé. Entre 2004 et 2007, l'Union a déjà accueilli des États qui n'adhéraient pas à l'idée d'une autonomie stratégique. Il en est résulté une soumission accrue à l'hégémonie américaine tandis que les travailleurs de l'Ouest étaient livrés à la concurrence de ceux de l'Est. L'entrée irréfléchie, récemment promise, de l'Ukraine et de la Moldavie risque encore de ruiner des pans entiers de l'économie française, sans parler des conflits avec la fédération de Russie ni des distorsions culturelles et sociologiques que l'on feint d'ignorer.

L'approfondissement consiste ensuite, au nom de l'efficacité décisionnelle menacée par les élargissements, à accentuer le tour de vis fédéraliste en confisquant toujours davantage la souveraineté des peuples au profit des institutions supranationales. Cette captation continue passe depuis l'origine par l'interprétation extensive des compétences de l'Union, toujours défendue par la Commission et systématiquement validée et accentuée par la Cour de justice de l'Union européenne qui a imposé brutalement d'elle-même, en marge des traités et même contre leur lettre, la primauté inconditionnelle du droit européen, y compris sur les constitutions nationales. L'augmentation considérable du budget de l'Union, soustrait au contrôle des peuples et même parfois utilisée contre eux pour sanctionner leurs choix électoraux, révèle un déficit démocratique considérable, particulièrement injuste pour les pays contributeurs nets comme la France. Enfin, l'abandon du vote à l'unanimité au Conseil de l'Union, remplacé progressivement par le vote à la majorité qualifiée, a déjà ôté aux États membres leur droit de veto sur des domaines essentiels. Le projet de réforme des traités en préparation propose de généraliser définitivement, en toutes matières, y compris la défense et la politique extérieure commune, la règle de la majorité, actant ainsi officiellement la disparition du droit de veto des États membres et donc de ce qu'il leur reste encore de souveraineté. C'est ainsi la fédéralisation complète d'une Union élargie à trente-sept qui se prépare à l'insu des Français.

Depuis des décennies déjà, une grande partie des lois nationales n'est plus que la transposition servile de directives communautaires, tandis que la Cour de justice étend l'empire de sa jurisprudence et de son interprétation abusive des traités. Jusqu'ici, grâce au droit de veto résiduel, chaque pays membre pouvait encore, en théorie, refuser de consentir à une politique qui lui serait préjudiciable. Mais depuis la Conférence « citoyenne » sur l'avenir de l'Europe, organisée en 2022 de façon parfaitement opaque et pseudo-démocratique, la suppression de ce droit est programmée.

En mai 2023, des dirigeants français et allemands élus mais non mandatés pour cela ont déclaré vouloir réformer l'UE dans ce sens. En septembre 2023, des experts franco-allemands ont déposé leur rapport. Le 22 novembre 2023, une résolution du Parlement européen a proposé de modifier les traités pour généraliser la règle de la majorité qualifiée à tous les domaines sans exception et prévoir davantage de sanctions contre les États membres récalcitrants. Le 29 novembre suivant ce fut le tour de l'Assemblée nationale française de voter une résolution en faveur d'un projet de traité reléguant notre souveraineté et prévoyant explicitement que les frontières extérieures, la protection civile, les affaires étrangères, la sécurité commune, la défense, l'industrie et l'éducation deviennent des « compétences partagées » de l'Union européenne, c'est-à-dire que les États n'y disposeront plus que d'une compétence résiduelle.

L'adoption de cette réforme, qui transférera à l'Union les derniers éléments de ce que le Conseil constitutionnel français appelle les « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » , réalisera le rêve de quelques-uns d'une Europe fédérale, dirigée par une commission portant officiellement le titre d' « Exécutif » , coiffé d'un « Président de l'Union européenne ». La fin des souverainetés nationales, et donc de nos démocraties, est ainsi clairement projetée.

Le peuple français pressent depuis longtemps cette dépossession. Elle dissout la souveraineté nationale et populaire. Elle sape la République. Il s'est opposé en 2005 à une première tentative de fédéralisation qui scellait sa disparition politique et culturelle, mais ses réticences ont été balayées par des dirigeants convertis à l'idéologie de la « société ouverte ». Le verdict populaire a été bafoué et contourné par la ratification parlementaire du traité de Lisbonne, simple copier-coller du traité rejeté par les Français.

C'est la poursuite de ce processus qui est actuellement à l'œuvre. Nos dirigeants s'apprêtent à prendre, au nom du peuple français, une décision majeure engageant le destin de notre pays, son indépendance et son existence même en tant que nation. Exploitant l'angoisse suscitée par la guerre, ils précipitent la fédéralisation sans jamais la nommer et sans que les populations européennes puissent prendre la mesure de leur dépossession.

Pour ce qui nous concerne, nous refusons cette dérive. Nous pensons, dans le sillage du général de Gaulle, qu'un système fédéral post-démocratique est contraire au génie de l'Europe et de la France et à l'imaginaire collectif qui, depuis mare nostrum, produit du commun à partir de la diversité de ses nations et de leur culture propre. La déconnexion définitive entre les peuples et la machinerie européenne achèvera la déresponsabilisation des dirigeants nationaux et décuplera les réactions nationalistes, au risque de nous conduire au chaos.

Quelle que soit notre vision de la France et de l'Europe, et l'avis que l'on porte sur la réforme et les élargissements en préparation, nous devons exiger qu'un pareil saut qualitatif dans l'inconnu d'un système supranational, qui minore l'identité des peuples, l'existence des nations et l'expérience des États d'Europe, soit soumis au référendum.

Il est urgent d'ouvrir le débat sur ce qui se prépare. Les élections de juin 2024 doivent être l'occasion de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de fédéralisation en cours ainsi que sur les élargissements en vue.

Les signataires de cet appel et les citoyens qui s'y associent demandent aux candidats de chaque liste aux élections européennes de prendre clairement position sur ces projets et de s'engager à les faire soumettre à la ratification populaire.

* Signataires : Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la « Revue politique et parlementaire » ; Stéphane Rozès, politologue ; Arnaud Montebourg, ancien ministre et entrepreneur ; Marcel Gauchet, philosophe et historien ; Michel Onfray, philosophe ; Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel ; Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel ; Marie-Françoise Bechtel, ancienne députée ; Anne-Marie Le Pourhiet, professeur émérite de droit public ; Xavier Driencourt, ancien ambassadeur ; Benjamin Morel, maître de conférences en droit public ; Pierre-André Taguieff, philosophe et historien des idées, CNRS ; Éric Anceau, historien... Retrouvez la liste complète des signataires sur FigaroVox Premium.
Radu Portocala

25/4/2024 - Il y a eu, pour commencer, les photos de lui bronzé et rieur, faisant du jet ski - représentation parfaite du playboy des plages, censée peut-être flatter les clients des Restos du cœur.
Il y a eu, ensuite, dans le registre « je suis le chef, je gère le monde », les photos le montrant en tricot militaire, avec une barbe de trois jours, dans son bureau, là où il rectifie notre destin.
Il y a eu, voilà peu de temps, les photos le montrant avec des bras qui ne sont pas les siens, avec un rictus de gladiateur qui assène le coup fatal, cognant dans un sac de frappe qui symbolisait probablement le président russe.
Et il y a maintenant les images du match de football où il a joué dans l’équipe « Variété Club » (mais quel aveu extraordinaire !), avec le maillot couvert de réclames sous lequel les bras étaient plus modestes qu’il y a quelques semaines.
La pente de la démagogie grotesque étant glissante, celui qui assiste à cette mascarade trop souvent renouvelée est en droit de se demander quelle sera la prochaine étape dans cette course à l’abaissement de la France.

L’intelligence artificielle pour tous ?

H16

26/4/2024 - Malgré une géopolitique internationale toujours plus tendue, malgré les odeurs de crise économique et financière toujours plus fortes, le monde de l’intelligence artificielle continue d’avancer et le précédent billet relatif à ce domaine, pourtant vieux de quelques semaines seulement, semble déjà fort lointain tant les nouveautés se sont accumulées depuis.

Ainsi, les questions posées sur le droit d’auteur pour les IA génératrices d’images (comme MidJourney ou Dall-E par exemple) que ces colonnes évoquaient à la fin de l’année 2022 – et qui n’avaient que très partiellement trouvé de réponses – risquent de se poser à nouveau avec encore plus d’insistance alors que viennent de sortir de grosses nouveautés en matière de musique cette fois-ci.

En effet, en l’espace de quelques semaines sont apparus deux nouveaux moteurs de générations de musique qui permettent de créer différents types de productions musicales, avec ou sans paroles, sur différents styles extrêmement variés depuis la musique “classique” jusqu’au rap en passant par le rock, le blues, la pop ou les musiques électroniques. Ainsi, à partir d’une simple invite de l’utilisateur, l’un et l’autre de moteurs permettent de créer une musique ou une chanson dans le style de son choix ou au hasard de la machine.


Le premier à se faire connaître est Suno dont la production est maintenant assez copieuse. Le moteur d’IA permet des mélanges de genre assez hétéroclites, depuis “l’acoustic acid rock” jusqu’au “swing samba” en passant par le “celtic boogie”. Sans mal, les résultats sont surprenants : la qualité n’est pas différente de ce qu’on entend tous les jours à la radio et les textes ne sont pas tous mauvais, loin s’en faut (et certaines “références” françaises souffrent mal la comparaison avec ces productions mécaniques)… Bref : si on ne tient pas encore le prochain Mozart dans ce moteur d’intelligence artificielle, on se place, en terme de production musicale, dans la moyenne de ce qu’on trouve déjà un peu partout.

Le second, apparu quelques semaines seulement après, offre une qualité de création encore supérieure : Udio répond globalement aux mêmes principes et permet, avec quelques instructions simples concernant le style et l’organisation du morceau que l’on souhaite créer d’obtenir en quelques minutes un résultat tout à fait comparable avec la production musicale courante.

Dans ce contexte, on se demande exactement ce qui va empêcher certaines radios de diffuser en continu les productions choisies de ces moteurs, et on commence à entrevoir un monde où la musique d’ambiance (dans les magasins par exemple) ne sera plus produite par des artistes, enregistrée puis distribuée, mais produite à la volée en fonction du lieu, de l’ambiance choisie par le propriétaire ou de critères du moment. Dans ce cadre, on s’amuse déjà des excitations qui s’empareront (en vain) des personnels chargés des inspections de la SACEM… La collecte des droits d’auteur promet d’être un tantinet plus complexe.

Le marché de la musique commerciale et d’ambiance promet donc d’être abondamment bouleversé par l’arrivée de ces nouveaux moteurs, au même titre que celui des applications de rencontres sur internet : la possibilité, bien réelle, de créer des “copines virtuelles” crédibles – aussi bien du côté visuel que du côté des éventuelles conversations – ouvre depuis peu un marché que certains évaluent à plus d’un milliard de dollars.


Pendant ce temps, les moteurs larges de langage (“LLM”) continuent leur course à la performance, en tentant chaque jour de résoudre des problèmes de plus en plus complexes et abstraits que leur soumettent leurs utilisateurs. Il est fini le temps où les moteurs proposaient très sérieusement des recettes pour cuire les œufs de vache et si les règles communes et les lois les plus basiques de la physique qui nous entoure échappent encore parfois à ces intelligences artificielles, c’est de moins en moins fréquent.

La version 5 de ChatGPT d’OpenAI n’est toujours pas sortie, mais depuis ChatGPT 4, des moteurs concurrents ont affiché des résultats et des métriques particulièrement enthousiasmants. Ainsi, Claude (de la société Anthropic) montre des capacités proches ou supérieures à celle du dernier moteur d’OpenAI.

Mais récemment, c’est Meta, la firme de Mark Zuckerberg, qui a surpris le milieu en publiant Llama3, leur dernier moteur dont il existe à présent deux versions, l’une à 8 milliards de paramètres et l’autre à 70 milliards. Cette dernière affiche des performances comparables ou meilleures que Claude et ChatGPT4… tout en étant intégralement “open source”, c’est-à-dire que l’intégralité du code est disponible pour tous, ce qui permet à des millions de développeurs et de curieux de tester le moteur, de le modifier ou de participer à son évolution.

Ce dernier rebondissement montre plusieurs choses intéressantes.

D’une part, cette course qui s’est établie entre les différentes entreprises pour produire le modèle le plus affûté confirme à quel point le “phénomène” ChatGPT, survenu en novembre 2022, n’était pas qu’une intéressante curiosité.

D’autre part, la présence extrêmement modeste de l’Europe dans les sociétés qui se sont lancées dans cette course – seule Mistral, française, semble pouvoir participer – montre une fois encore que les gesticulations européennes, essentiellement à base de régulation, n’ont absolument pas permis l’émergence d’un véritable terreau fertile aux développements de nombreuses entreprises dans le domaine.


Mais surtout, cette compétition montre une fois encore les bienfaits d’une concurrence qui impose une amélioration constante des moteurs et des performances, et l’accélération de la tendance générale à la puissance des modèles proposés. Si, fin 2022, OpenAi semblait disposer d’une véritable suprématie dans le domaine, ce n’est plus le cas à présent.

En somme, les moteurs d’intelligence artificielle sont en train de grignoter le fondement même de certaines professions, depuis les artistes (dans le graphisme et maintenant la musique) jusqu’aux professions littéraires (journalistes ou traducteurs pour ne citer que celles-là), et de plus en plus rapidement, avec une qualité de production, de raisonnement ou de déduction toujours meilleure.

Ce constat peut légitimement inquiéter à peu près tout le monde, d’autant plus que ces moteurs alimenteront les “cerveaux” électroniques de robots humanoïdes dont le développement connaît, lui aussi, de belles avancées.

Cependant, l’arrivée de Llama3 marque deux points très importants dans ces développements.

Le premier est que ce modèle “open source” marche très bien, mieux que prévu même : avec un modèle sensiblement plus petit que la concurrence, on obtient des résultats égaux ou supérieurs à ceux de Chatgpt qui, pour rappel, comporte 1500 milliards de paramètres contre 70 pour le plus gros des Llama3. En fait, ce dernier a beaucoup bénéficié de temps d’entraînement supérieurs et d’une grande qualité des données sources ainsi qu’un meilleur raffinement de l’apprentissage. Au passage, cela peut signifier que les modèles actuels seraient plutôt sous-entraînés et qu’à nombre égal de paramètres, on pourrait espérer avoir des résultats encore bien meilleurs moyennant un entraînement plus long et plus fin.

Du reste, Meta travaille sur le prochain modèle (à 405 milliards de paramètres !) qui pourrait dépasser les modèles actuels, et qui sera lui aussi open source.

Le fait d’être en modèle ouvert évite les dérives de certains moteurs : si Google pouvait tenter de proposer une IA complètement woke, ou si ChatGPT se retrouve châtré avec l’impossibilité de remettre en question certains dogmes du moment (changement climatique anthropique, théorie du genre et autres folies progressistes du même acabit, etc.), le moteur open source peut, lui, tourner sur un environnement complètement indépendant et donc hors des limitations imposées aux précédents.

Oui, nous nous acheminons vraisemblablement vers un monde où chacun pourra disposer de son propre modèle d’IA, entraîné de façon généraliste et spécialisé pour son propre usage, et dont le fonctionnement ne sera limité ni par le fabricant, ni par le politiquement correct. Il est sans doute assez proche le moment où vous pourrez faire fonctionner un agent “open source” sur votre téléphone, sans que cet agent fuite vos données vers des services commerciaux ou gouvernementaux, sans qu’il ait été contraint par l’une ou l’autre agence, l’une ou l’autre société.

Et ceci est une excellente nouvelle.


https://h16free.com/2024/04/26/77430-lintelligence-artificielle-pour-tous

SUCCES POPULAIRE

Gabriel Nerciat

26/4/2024 - C'est simple, en fait, de devenir un artiste "populaire" en ces années 20. Plus simple qu'à l'époque de Joséphine Baker et de Panama Al Brown, en tout cas.
Il suffit d'avoir quelques ancêtres africains et/ou musulmans et que le RN ou une dizaine de militants identitaires aient dit du mal de vous pour être quasiment assuré de finir propulsé en moins d'un an aux portes de l'Académie française.
Comme je suis sûrement un artiste moi aussi en dépit de la blancheur de mon teint, j'ai décidé d'en faire une chanson, que la femme-hippopotame des prochains Jeux Olympiques ne jugera peut-être pas indigne de son répertoire si unanimement apprécié :
Tu me veux quoi Marina
T'es pas plus cool que moi
Tu viens me relooker
Mais j'suis déjà overbooké
Bamako c'est loin
Gaza j'm'en fous
Avec tout ton tintouin
J'ai un succès fou
La Bretagne ça craint
Montretout c'est dead
Je vais te casser les reins
Te niquer bien raide
Tu gis dans la muerte
Tu pourras pas m'arrêter
Tes filles bosseront pour moi
Comme ton peuple pour les Chinois
Je vais pas me prendre la tête pour ça
Tu me veux quoi Marina
T'es pas plus cool que moi
Maintenant lâche-moi
Hasta la vista peccamina ↴

25 avril 2024

Vincent Verschoore

L'Otan poursuit actuellement l'un des plus grands exercices de son histoire post guerre froide, l'exercice Steadfast Defender 24, simulant une attaque russe vers les pays Baltes. 90 000 soldats de plusieurs nations jouent ainsi à la guerre, consommant des quantités astronomiques de carburant afin d'estimer leur vitesse et capacité de réponse.
Moi-même soldat en 1986, j'avais participé à ce genre d'exercice dans le Nord de ce qui était alors l'Allemagne de l'Ouest, en réponse à une imaginaire attaque soviétique. Débauche de matériels, interactions entre unités militaires aux cultures très différentes, et propagande permanente prévenant d'une possible attaque des Soviets.
On sait, depuis lors, que lesdits Soviets n'avaient ni les moyens ni l'intention d'envahir l'Europe de l'Ouest, et que leur propre propagande prévenait d'une attaque imminente par l'Otan.
Ce qui se jouait alors se rejoue exactement aujourd'hui, mais avec une technologie militaire nettement plus sophistiquée, notamment les drones. La propagande au service du complexe militaro-industriel et d'une gouvernance militarisée, avec le méchant Russe d'un côté et le saint Occidental de l'autre, utilise les mêmes ficelles et pue de la même hypocrisie.
La triste réalité est que le Russe a plus de raisons d'avoir peur de l'Otan, dont la nature et la justification sont de lui faire la guerre, que l'inverse. Les dix ans de manipulation US en Ukraine, depuis 2014, le démontre clairement : la guerre est enfin là, et les milliards pleuvent dans les coffres du complexe militaro-industriel.
Ceci ne veut pas dire que le Russe est une victime, la Russie joue son rôle de grande puissance et ce n'est pas toujours joli, mais elle n'est en rien l'ennemi ontologique inventé par l'Otan et les psychopathes aujourd'hui au pouvoir en Occident. De Gaulle l'avait d'ailleurs parfaitement compris.
Au bout du compte, les euro-atlantistes s'amusent, beaucoup s'enrichissent, pendant que des centaines de milliers de braves types meurent pour eux. Jusqu'au dernier Ukrainien, ils ont dit. – 25/4/2024

Radu Portocala

Confessions sur l’écrit (V)

En juillet 1977, je quittai précipitamment la Roumanie. Suivaient cinq années en Grèce, et une double peine : ne pas parler la langue, au début ; la parler assez mal, ensuite, pour ne pas pouvoir dire tout ce que je voulais dire. Analphabète, en plus, incapable d’écrire plus que mon nom.
L’arrivée en France, en 1982, fut donc, avant tout, la libération de la parole. Né dans une famille francophile et francophone, je parlais le français depuis l’enfance. J’étais chez moi.
Il m’a fallu, cependant, attendre deux ans avant d’oser écrire une poésie en français. Le changement de langue est une chose, un bouleversement, une renaissance – je ne sais pas quel est le mot juste – incroyable. Vous devenez, soudain, un autre. Votre pensée change. Les mots que vous employez ne sont pas de simples traductions. Vous avez du mal à vous reconnaître. J’ai compris alors que nous sommes faits par la langue que nous utilisons, et qu’en passant à une autre, nous subissons une métamorphose profonde. C’est un enracinement – et le plus fort qui soit.
Pendant longtemps, j’ai écrit en roumain et en français, peut-être en fonction de ce que je voulais dire. Mais, avec le temps, écrire en roumain a cessé d’être un plaisir. J’ai donc abandonné la langue avec laquelle je suis né. Les vieux manuscrits, je vais les traduire – car on n’est jamais aussi bien trahi que par soi-même. Il y a encore deux ou trois projets politiques et historiques, trop avancés pour qu’ils soient abandonnés, et qui seront un jour publiés en roumain, mais à mon compte.
En 1989, heureux de ma mue linguistique, j’ai voulu publier un recueil de poésie. Je demandai conseil à Cioran (pour qui toute idée de publication était à bannir). Il me conseilla néanmoins deux éditeurs. J’envoyai mon manuscrit et, trois mois plus tard, faute de réponse, j’accomplis l’acte héroïque d’appeler. L’un avait fait faillite depuis un bon moment ; l’autre me dit que tout ce qu’il recevait par la poste allait directement à la poubelle. Seul, il n’avait pas le temps de lire tout ce que des inconnus lui envoyaient. Comment ne pas le comprendre ?
Je n’ai plus rien tenté depuis ce temps lointain. Maintenant, ce silence prendra peut-être fin. Mes mots arriveront peut-être à trouver refuge entre des couvertures. Un peu plus de cinquante ans que j’attends cela.
(Fin)

L'APPEL DU 23 AVRIL

Gabriel Nerciat

Parue dans le Figaro il y a deux jours, cette tribune - relayée par Jean-Pierre Chevènement et signée entre autres par Marcel Gauchet, Pierre Mazeaud, Arnaud Montebourg, Nicolas Dupont-Aignan, Michel Onfray, Stéphane Rozès, Jérôme Sainte-Marie, Guillaume Bigot, Arnaud Benedetti ou encore Georges Kuzmanovic, Bertrand Renouvin et Julien Aubert - est la plus intelligente et la plus pertinente qu'on ait consacrée à la question européenne depuis longtemps.
On peut même la considérer comme prémonitoire après avoir entendu la longue apologie de la "dictature humaniste supranationale" dont le Banquier Président Emmanuel Macron s'est fait le chantre ce matin à la Sorbonne en développant sa vision de ce que doit devenir l'UE lors de la prochaine décennie.
Il n'y aura pas de salut possible en France tant que tous ceux qui ne partagent pas le contenu de ce texte ne trouveront pas le courage et les moyens nécessaires pour se liguer à l'intérieur d'un même bloc partitaire et électoral, quelles que soient les différences idéologiques qui peuvent les opposer par ailleurs.

Radu Portocala

Confessions sur l’écrit (IV)

Une nouvelle expérience avec la censure, deux ou trois ans plus tard, aussi mauvaise que la première, me donna la certitude que je n’allais jamais pouvoir passer à travers ces barreaux. Je me trompais.
En 1973, je m’adressai à la nouvellement créée Cartea Romaneasca (Le Livre roumain – nom qui avait été, avant-guerre, celui de la plus grande maison d’édition de Roumanie). Je retrouvai Mircea Ciobanu, muté entre-temps dans ce nouveau sanctuaire du livre, il accepta le manuscrit que je lui proposais et lui fit prendre la voie habituelle.
L’attente fut longue, comme d’habitude, mais j’appris, au bout du compte, que la censure n’avait émis, cette fois, aucune protestation. Je pouvais être publié.
Je fus invité dans le bureau du rédacteur-en-chef, qui me félicita très cordialement. Il s’appelait Mihai Gafita. Eu roumain, son nom de famille est le diminutif de « gaffe », et parmi les gens qui le détestaient, on disait qu’il était à ce point minable qu’il n’avait même pas pu être une gaffe entière.
Nous étions là, de part et d’autre de sa table de travail, tous les deux debout, et il me souriait aimablement.
« Il reste un petit détail », me dit-il. « Monsieur le directeur vous demande de prendre un pseudonyme. »
Le directeur de la maison d’édition, l’écrivain Marin Preda, passait pour un grand dissident pour avoir publié un roman qui contenait quelques allusions que d’aucuns avaient considérées comme très virulentes, mais qui, pourtant, avaient reçu la bénédiction d’une censure qui ne fermait jamais les yeux.
« Je sais que mon nom est ridicule. Mais c’est mon nom. Et c’est tout ce que j’ai. »
« Mais il ne s’agit pas de cela », me rassura immédiatement Gafita. « C’est, voyez-vous, la connotation historique qui est gênante. »
Cette « connotation historique », c’était mon grand-père qu’ils avaient tué en prison. Porter son nom n’était pas une bonne chose. Cela pouvait salir la réputation de la maison d’édition, de son héroïque directeur et du lamentable rédacteur-en-chef.
Je lui dis d’aller se faire pendre. (En fait, c’était beaucoup plus imagé que cela, la langue roumaine offrant de très vastes possibilités dans le domaine de l’injure.) Je pris mon dossier, qui se trouvait sur la table, entre nous, et me dirigeai vers la porte.
« Vous n’avez pas le droit d’emporter le manuscrit ! » cria Gafita.
En effet, une fois passés par la censure, qui apposait sur chaque page un tampon appelé « visa T », il était rigoureusement interdit de sortir les manuscrits d’entre les murs des rédactions. J’accélérai le pas, avec le résultat ridicule que Gafita courut après moi jusque dans la rue, vociférant : « Camarde Portocala, rendez-moi le dossier ! » Il ne réussit pas à m’attraper.
La question de la publication ne se posait plus. J’en étais définitivement dégoûté. J’ai, d’ailleurs, et pendant plusieurs années après cette triste mésaventure, très peu écrit. Avec, chaque fois, un désagréable sentiment d’inutilité.