H16
24/5/2024 - Pendant que la France hésite entre fermer ses centrales nucléaires et les relancer dans un « En Même Temps » foutraque très macronien, des sociétés se lancent dans la production de petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR pour “small modular reactor”), notamment aux États-Unis.
Au-delà des géants du secteur (comme Westinghouse, General Electric Hitachi Nuclear, General Atomics), on peut évoquer
NuScale,
TerraPower (financé par Bill Gates, au passage) ou encore
Kairos Power…
Cependant, le petit dernier (arrivé il y a quelques années seulement) qui nous intéresse est
Aalo Atomics.
Cette startup s’est lancée dans le pari de produire, d’ici 2026, des SMR en… 60 jours entre la commande et la fin de fabrication, pour un coût de 3 cents du kWh. Pour cela, elle développe un microréacteur de 10 MW refroidi par du sodium liquide, utilisant l’hydrure d’uranium et de zirconium (UZrH) comme combustible.
Ce type de refroidissement et de combustible apporte les avantages suivants :Économie, sûreté, compacité : ces réacteurs fonctionnent à la pression atmosphérique, ce qui réduit la complexité et le coût des systèmes de sécurité.
Plus le combustible est chaud, moins il est réactif ce qui évite l’emballement. C’est cet aspect qui explique pourquoi il est même utilisé dans les réacteurs de recherche (sur les campus universitaires).
On pourra écouter une intéressante interview de son fondateur
ici, et voir la présentation du concept
là.
Aalo Atomic promet donc, en industrialisant massivement son processus de fabrication, de fournir en temps record une source d’énergie très dense, très sûre, très peu polluante. Et ces dernières qualités ne sont pas une exagération.
Ainsi, selon le Ministère américain de l’énergie (DOE) – on pourra se référer
à ce rapport page 390, la construction de réacteurs nucléaires est la source d’énergie la moins gourmande en matériaux, après le gaz naturel.
Une unique pastille de combustible de dioxyde d’uranium pèse environ 7 grammes (6,2 grammes d’uranium, 0,8 d’oxygène), mais génère environ 3,5 MWh d’énergie. Cette énergie générée équivaut à 318 litres de pétrole, soit une tonne de charbon et environ 337 m³ de gaz naturel. Sa densité énergétique élevée lui confère une grande efficacité.
Ainsi, pour 1000 MW électriques :Un réacteur électronucléaire (rendement 33%) consomme 27 tonnes d’uranium enrichi à 3,2% par an.
Une centrale thermique (rendement 38%) consomme 170 tonnes de fuel ou 260 tonnes de charbon par heure.
Un barrage hydroélectrique de 100 m de haut nécessite 1200 tonnes d’eau par seconde.
Ces pastilles sont assemblées en colonnes de 300 (appelées crayons), elles-mêmes groupées par 250. Un tel assemblage permet de fournir de l’énergie à 10.000 foyers pendant trois ans jour et nuit sans arrêt, même quand il n’y a pas de soleil et même quand il n’y a pas de vent (dommage pour Sandrine Rousseau et ses moulins à vent).
Question sûreté, si l’on considère le nombre de décès par térawattheure (TWh) (ici :
OurWordInData), l’énergie nucléaire est bien meilleure que l’énergie éolienne et l’énergie hydraulique. Le nucléaire fait 1 000 fois moins de morts que le charbon, ~614 fois moins de morts que le pétrole, ~154 fois moins de morts que la biomasse et 94 fois moins de morts que le gaz naturel. En fait, par rapport à l’hydroélectricité, le nucléaire fait 43 fois moins de morts. L’énergie solaire photovoltaïque lui est comparable.
Oh, oui, certes, mais ce serait aller un peu vite en besogne : quid des accidents ?
Sur les plus de 400 réacteurs nucléaires civils en production actuellement, les accidents sont peu nombreux : en 18.000 années × réacteurs d’expérience nucléaire dans le monde, on compte 16 accidents en tout, sur 65 ans d’exploitation, et 13 sont très limités et 3 seulement sont majeurs, en 1979 (Three Miles Island), 1986 (Tchernobyl) et 2011 (Fukushima).
Ni l’accident de 1979, ni celui de 2011 ne firent de victimes. Celui de Tchernobyl fit (selon le rapport de l’UNSCEAR, p64-65) 43 morts directement attribuables à l’événement et environ 4000 de façon indirecte, sachant que pour ces derniers, l’aspect multifactoriel des maladies est très important. On pourra consulter les rapports suivants pour se faire une idée :
ONU UNSCEAR ,
rapport UNSCEAR,
CiteseerX
Les conclusions des nombreux rapports sont claires (même si elles ne sont pas médiatiquement entendues) : l’accident fut spectaculaire mais le nombre de morts limité.
Et alors qu’
Aalo arrive à sa phase commerciale,
DeepFission (
https://deepfission.com) commence tout juste le travail sur ses petits réacteurs à eau pressurisés… insérés dans des puits de plus d’un km de profondeur.
La société vient de déposer il y a deux mois son projet auprès de la Commissions de régulation nucléaire américaine (la Nuclear Regulatory Commission, NRC) :
DeepFission project.
Le procédé profite de la pression de 160 atm due à la colonne d’eau (plus d’un kilomètre de haut), mais n’a pas besoin des enceintes de pression des installations PWR actuelles.
Même dans le pire des cas (emballement du cœur), une telle installation permet d’éviter toute conséquence pour l’environnement en surface, et s’affranchit de supporter les aléas environnementaux (tsunamis, tornades, et même les tremblements de terre).
Et en pratique, un tel emballement est impossible : un accident de perte de réfrigérant ne peut pas se produire à la suite d’une fuite dans une conduite, car le réacteur n’est pas entouré d’air mais immergé dans de l’eau à haute pression.
Quant au réacteur, relié par câbles pendant son fonctionnement, il peut être récupéré en fin de vie.
DeepFission espère pouvoir se lancer dans 4 ou 5 ans.
Ces éléments promettent un nouvel âge d’or nucléaire. En tout cas, pour des raisons économiques autant qu’écologiques, on devrait le souhaiter : qu’on soit écolo ou non, le nucléaire est effectivement la solution la plus adaptée, et de loin. Dans ce tableau et compte tenu de son prestigieux passé, espérons que la France tire son épingle du jeu.
https://h16free.com/2024/05/24/77681-un-nouvel-age-dor-du-nucleaire