Translate

24 juin 2024

UNE CRISE TRINITAIRE

Gabriel Nerciat

Dans tout ce qu'on écrit à propos de la dissolution et de la crise politique qu'elle révèle et engendre à la fois, il me semble qu'on rate le plus évident.
Pour qu'une démocratie parlementaire fonctionne, a fortiori dans la Ve République où le choix du Premier ministre relève autant de la décision du président de la République que du vote des parlementaires, il faut que le champ politique national soit rigoureusement divisé en deux, afin que puissent se constituer de façon claire au lendemain de chaque consultation électorale une majorité qui appuie le gouvernement et une opposition qui le combat.
Une démocratie parlementaire structurée à partir de trois blocs indépendants et concurrents ne peut pas fonctionner durablement, et à vrai dire dans ce contexte les qualités ou les défauts du chef de l'Etat ne jouent qu'à la marge (rejeter toute la responsabilité de la crise sur Macron est une erreur : battu aux législatives de 2022, ce dernier était contraint de dissoudre tôt ou tard, et il a seulement tenté de transformer une contrainte structurelle en opportunité tactique).
Il est probable que les Français sont en train de s'en rendre compte, et c'est pourquoi le Banquier Président dans une semaine va perdre son pari : ils ont intégré la nature anarchique de la période politique qui s'est ouverte en 2017 (en réalité, dès la ratification du traité de Maastricht en 1992 aggravée par l'adoption du quinquennat en 2000) et ils s'évertuent à jouer avec elle plutôt que de chercher à en sortir au bénéfice du bloc central technocratico-maastrichien.
Pour autant, il faudra bien tôt ou tard que l'un des trois blocs s'affaisse ou disparaisse au profit des deux autres, sans qu'on puisse pour autant revenir au traditionnel clivage droite-gauche du siècle précédent tué par l'effondrement de l'URSS et la mondialisation (ce fut l'erreur commise par Eric Zemmour et renouvelée par le tandem Ruffin-Glucksmann, qu'ils payent ou vont bientôt payer au prix fort, alors que Marine Le Pen et Bardella en recueillent au contraire les dividendes électoraux).
La vraie question est donc : est-ce que la transmutation finale du trois en deux se fera par l'épreuve de la rue ou bien par l'athanor des urnes, et au profit de qui exactement ?
Réponse bientôt.

23 juin 2024

Macron, le début de la fin ! (vidéo)

Jacques Cotta

Après le rejet exprimé aux élections européennes, Macron devrait s'en aller. Démocratiquement, il n'est pas légitime. L'immense majorité du peuple n'en veut plus. Il ne se maintient que par les institutions de la Vème République... La crise politique annonce une véritable crise de régime. 21/6/2024

Cliquer sur l'image ↴
Maxime Tandonnet

le phénoménal succès du lepénisme aux Européennes et dans les sondages des législatives désormais aux portes de Matignon, procède d’une formidable colère populaire envers le pouvoir macroniste. D’ailleurs, il en est de même, à gauche, côté NFP. Ces législatives n’ont qu’un véritable sens : au-delà de la sanction, une authentique vengeance populaire après sept années d’arrogance, de morgue, de mépris et d’autocratie narcissique impuissante. Un mouvement de révolte dans les urnes, une gifle démocratique.

PORTRAIT DE MÉLENCHON EN DUC D'OTRANTE

Gabriel Nerciat


22/6/2024 - Je crois que je commence à comprendre vraiment le rôle que Mélenchon, dans sa stratégie de domination du bloc de gauche parlementaire entamée en 2017, assigne aujourd'hui à l'antijudaïsme obsessionnel et à l'islamo-gauchisme décolonial.
Il ne s'agit pas seulement de mobiliser l'électorat musulman et allogène des banlieues proches des grandes métropoles du Nord et du Sud de la France en faveur de ses candidats et de son parti.
Même s'il s'agit évidemment là de l'aspect le plus visible et le plus directement utilitaire de l'opération, qu'on a cent fois commenté.
Car son attitude des dernières semaines, accentuée par la soudaineté de la dissolution, révèle, il me semble, un autre dessein - qui n'est évidemment pas contradictoire avec le premier.
Je le résumerais ainsi : se servir de la question juive (ou sioniste, comme on voudra), jadis fédératrice de toutes les gauches au moins depuis l'Affaire Dreyfus, pour rendre impossible une tactique de désistement réciproque au second tour des législatives entre ses concurrents du Nouveau Front Populaire, à lui imposé par son rival François Ruffin avec la complicité indirecte de François Hollande, et ce qui restera des candidats macroniens encore en mesure de se maintenir au soir du premier tour.
Car Mélenchon a peut-être tous les défauts du monde, mais il faut lui reconnaître au moins deux atouts incontestables : c'est un tacticien assez brillant pour tout ce qui regarde la science des combinaisons politiciennes (tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir comme initiateurs politiques Pierre Lambert et François Mitterrand), et c'est aussi l'un des derniers hommes politiques français détenteurs d'une réelle érudition historique.
Il sait très bien que la référence au Front populaire de 1936 n'est pas seulement nostalgique ou incantatoire : elle élabore un imaginaire politique qui fait signe dans le sens d'une alliance électorale entre des partis révolutionnaires, sociaux-démocrates et bourgeois au nom de la résistance au fascisme et à l'antisémitisme (raison pour laquelle il n'a pas hésité à profaner la mémoire de Léon Blum dans un tweet apparemment grotesque le comparant défavorablement à ses propres lieutenants parlementaires, mais qui dans son esprit n'a rien de ridicule ou de provocateur car il sert surtout à envoyer à ses rivaux, Ruffin et Sandrine Rousseau au premier chef, un message extrêmement précis).
Le sous-texte est le suivant : si vous cherchez, pour me déstabiliser ou m'abattre, à ressusciter le front républicain de 1936 en accord avec le bloc déliquescent de l'extrême-centre bourgeois et mes vieux ennemis sociaux-démocrates de toujours, je n'hésiterai pas à mobiliser explicitement l'antisémitisme et l'antisionisme des banlieues et des facs gauchistes pour le désactiver ou le neutraliser radicalement entre les deux tours.
Même si l'opération n'est pas très ragoûtante et utilise assez cyniquement la peur des meurtres ou des agressions dont des Juifs en France peuvent désormais être victimes à peu près n'importe où, il faut reconnaître que c'est assez bien conçu.
En quelques jours, il a déjà humilié et tué Glucksmann, Corbière et Garrido ; je gage qu'il va en faire autant, dès le 30 juin au soir, avec Ruffin, Clémentine Autain, Sandrine Rousseau et François Hollande.
Finalement, c'est peut-être moins à Robespierre ou à Doriot qu'il ressemble qu'à Fouché, celui de Thermidor comme celui du souper de Brisville.
Le titre de duc d'Otrante d'ailleurs lui irait assez bien.

21 juin 2024

Gilles Casanova


Ça y est ! Le « Nouveau Front populaire », décidé à perdre, vient de lancer son appel à voter Macron au second tour.
Tout ça pour ça…

20 juin 2024

"Projet pour la nouvelle salle de l'Assemblée nationale : un paratonnerre spécial protégera l'orateur pendant les orages parlementaires."

Marc Amblard

Alexis Haupt

Au vu de ce qu’il s’est passé durant la « période covid », je considère que l’un des sujets les plus importants, peut-être même le plus important de tous est celui du consentement médical. Eh oui, des millions de gens s’étant fait vacciner dans l’angoisse et le doute durant cette période qualifiée d’état d’urgence par un seul homme, la moindre des choses serait maintenant de mener des investigations pour savoir si parmi ces millions de personnes, certaines l’auraient fait à contrecœur. Ce qu’il s’est passé est extrêmement grave mais ne pas investiguer sérieusement sur les circonstances l’est tout autant. Non seulement les médias n’abordent pas le sujet du consentement, mais pire, ils continuent de parler d’« antivax » pour désigner les professionnels suspendus ayant refusé l’injection. Je dénonce là une réelle entreprise de tromperie car la plupart des gens qui n’ont pas voulu se vacciner contre la covid-19 n’étaient pas contre la vaccination en général mais prônaient la liberté vaccinale et/ou la pharmacovigilance. De plus, cette tactique est d’autant plus malhonnête qu’elle laisse sous-entendre que tous ceux qui se sont fait vacciner l’ont fait par conviction. J’ai voulu savoir si tel a été le cas, s’il n’y a eu que des sujets volontaires parmi tous ceux s’étant fait vacciner. Pour ce faire, j’ai posé la question sur mon compte Twitter. J’ai demandé dans quelles circonstances les gens s’étaient fait injecter : par contrainte ou par conviction ? À ma grande surprise, j’ai reçu plus de 1400 réponses en une journée. À l’évidence, j’ai constaté le nombre élevé de gens affirmant n’avoir jamais voulu de cette injection. Tout porte à croire qu’il y a parmi les vaccinés, plus d’« antivax » que ne laissent entendre les médias. Il m’a paru important de recueillir ces messages pour qu’ils servent de trace écrite, pour que l’on n’oublie pas que, contrairement au récit diffusé par les médias, le consentement n’a pas eu lieu pour tout le monde ! Un devoir de mémoire s’impose. Et l’objectif de ce livre est d’être une petite pierre à cet édifice.

Avez-vous accepté le vaccin par conviction ou par contrainte ? : Recueil de témoignages sur le consentement au sujet du vaccin covid.

17 juin 2024

Emmanuel Tellier - Marianne
14/6/2024


Enfin, une grande voix du monde de la culture, une autorité morale, se permet d'écrire ce que beaucoup d'observateurs ont constaté depuis des années : en se bouchant le nez face à ses « salauds » d'électeurs sensibles aux idées du Rassemblement National, les beaux esprits du monde des lettres, des planches et des plateaux de cinéma ont (pour reprendre les mots de Mnouchkine) « lâché le peuple ».

Cher monde de la culture – dans toute votre diversité, dans vos milliers de parcours, vos milliers de visages, figures en pleine lumière comme silhouettes œuvrant dans l’ombre –, quelqu’un s’adresse à vous dans une tribune publiée par le quotidien Libération. Une prise de parole essentielle, sur un ton inédit et précieux. Pas n’importe qui : Ariane Mnouchkine. L’une des vôtres. Une figure tutélaire. Une autorité morale.

Et voici, en substance, ce que cette grande dame du théâtre français, le cœur solidement ancré à gauche, vous dit, comme une aînée s’adresse à ses cadets : la très grave crise politique que traverse la France est aussi la vôtre, et vous n’êtes en rien exemptés du nécessaire travail d’introspection et d’autocritique auxquels tous les corps de la société doivent se prêter de bonne foi. Et urgemment.

« MACRON LE PETIT »

« Qu’est-ce qu’on n’a pas fait ? Ou fait que nous n’aurions pas dû faire ? », interroge d’abord la fondatrice du Théâtre du Soleil, aujourd’hui âgée de 85 ans (et toujours très active au sein de ce lieu magnifiquement atypique et humaniste qu’elle a créé en 1964, mais dont elle a beaucoup de mal, soit dit en passant, à transmettre les clés et l’héritage).

Dans les premières lignes de son texte, Ariane Mnouchkine fustige l’attitude d’Emmanuel Macron, et sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale dans l’urgence. Un « geste d’adolescent gâté, plein de fureur, de frustration et d’hubris ». Le chef de l’État « déverse un bidon d’essence sur le feu qui, déjà, couvait. Il met le feu à notre maison, à notre pays, à la France », écrit-elle… Avant d’ajouter : « Macron est bien trop petit pour porter, à lui seul, la totalité du désastre ».

Le point essentiel de sa prise de parole arrive alors. « Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds ».


Pour tout journaliste s’étant choisi comme spécialité d’écrire sur les disciplines culturelles et les créations qui en émanent (de la littérature au théâtre, du cinéma à la musique), le caractère cinglant des mots d’Ariane Mnouchkine n’a rien d’une surprise. Notre seul étonnement : que personne d’autre (ou presque) n’ait osé s’exprimer publiquement avec une telle franchise auparavant.

On écrit publiquement, car de manière moins formelle, on est certain d’avoir déjà entendu ces mots-là, de manière quasiment aussi crue, dans la bouche de personnalités comme Charles Berling, Agnès Jaoui, Vincent Lindon, Bruno Dumont, Miossec ou encore du regretté Jean-Louis Murat (les premiers noms qui nous viennent à l’esprit, mais évidemment il y en a d’autres…) Dans les faits, depuis des dizaines d'années, des figures du monde culturel ont alerté, et tenu un discours de vérité.

Par ailleurs, personne ne peut ignorer que dans un grand nombre d'institutions (musées, théâtres, festivals…), des milliers de « responsables des publics » ont tenté, vaillamment, de ne laisser aucun spectateur au bord de la route. Mais dans ces mêmes instances, n'a-t-on pas passé trop de temps à débattre des mérites et de la nécessité supposés de l'écriture inclusive, ou du besoin de privilégier les fameuses « mobilités douces » pour accueillir « le public », au lieu de se concentrer sur l'essentiel : les programmations, leur sens, leur vocation ?

« NOTRE NARCISSISME, NOTRE SECTARISME… »

À travers cette tribune, Ariane Mnouchkine, ne se contentant plus d'alerter, se fait largement plus « transgressive » lorsqu’elle se permet (là encore avec une lucidité qui force le respect) d’interroger le sens des mobilisations qui s’annoncent. Que faire dans les courtes semaines qui nous séparent des deux tours de vote aux législatives ? Continuer à se boucher le nez face aux « salauds » qui votent RN ? Se « contenter » de descendre dans la rue pour faire des marches de gauche, la main sur le cœur ? Comme avant ? Comme en 2002 ?

La dramaturge a clairement un avis radical sur la question, même si ses mots sont mesurés, précisant qu’elle n’est « pas certaine qu’une prise de parole collective des artistes soit utile ou productive », car « une partie de nos concitoyens en ont marre de nous : marre de notre impuissance, de nos peurs, de notre narcissisme, de notre sectarisme, de nos dénis ».

En vérité, écrit un peu plus tôt Ariane Mnouchkine, c’est l’ensemble du monde culturel qui se voit aujourd’hui projeté, contre son gré et sans s’y être assez suffisamment préparé, dans un grave état de « crise morale ». Et les dilemmes, les cas de conscience, vont être nombreux. « Oui, nous allons nous trouver très vite, immédiatement peut-être, devant un dilemme moral : que ferons-nous lorsque nous aurons un ministère de la Culture RN, un ministère de l’Éducation nationale RN, un ministère de la Santé RN ? Un ministère de l’Intérieur RN ? ».


Et de poursuivre : « Je parle du moment où nous risquons de devenir des collaborateurs (…) Oui, à quel moment doit-on cesser de faire du théâtre sous un gouvernement RN ? » (…) « Concrètement (…), que fait-on à la première loi qui passe et qui restreint arbitrairement les libertés ? À quel moment j’arrête ? Quand décide-t-on de fermer le (Théâtre, N.D.L.R.) Soleil ? Ou, au contraire, va-t-on se raconter qu’on résiste de l’intérieur ? », demande-t-elle encore.

UN COUP DE POING QUI NE VOUS VEUT QUE DU BIEN

Une idée pour démarrer, même modestement : faire circuler la tribune d'Ariane Mnouchkine dans tous les lieux de culture. L'imprimer, l'afficher sur les murs, la mettre en discussion. Dans les théâtres, petits et grands, les lieux de musique, les musées, publics ou privés, les productions de films de cinéma, les écoles d'art et d'architecture. Mais aussi dans les couloirs du ministère de la Culture, comme au sein de toutes les commissions spécialisées qui accordent des bourses et des subventions (qu'il s'agisse de soutenir des romanciers, des musiciens ou des troupes de comédiens, au CNC, au CNL, etc.).

Lire cette tribune, donc, et accepter de la recevoir comme un coup de poing qui ne vous veut que du bien. En débattre au sein de tous ces lieux, toutes ces instances. Oser admettre que quelque chose a dysfonctionné. Que l'entre-soi, trop souvent, a aveuglé les artistes, les créateurs. Oser parler du mépris social, du dédain qui a trop longtemps servi de pare-feu. Oser, enfin, se dire que le peuple français est libre, sanguin, indocile, fragile et éruptif – et parfois tout cela à la fois –, et qu'il serait grand temps que la majorité des artistes de ce pays regardent cette réalité droit dans les yeux, avec décence, avec humilité.

https://www.marianne.net/culture/les-gens-en-ont-marre-de-nous-artistes-pourquoi-vous-devez-tous-lire-la-tribune-d-ariane-mnouchkine?