Maxime Tandonnet
(pour le JDD)
10/7/2024 - Dans l’esprit initial des institutions de la Ve République, à l’issue d’une dissolution ratée, le président de la République devrait démissionner. En recourant au référendum ou en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, le chef de l’État pose une question de confiance au pays. Si les électeurs votent non au référendum ou s’ils refusent de lui accorder une majorité à l’Assemblée nationale, cela signifie que le président est désavoué, qu’il a perdu la confiance populaire. Dans ces conditions, il ne peut pas rester à l’Élysée. Tel était le modèle gaullien : un président doté de pouvoirs importants mais dont la légitimité tenait à la confiance populaire. Si celle-ci est brisée, en vertu du principe que toute démocratie repose sur un équilibre entre pouvoir et responsabilité, un président désavoué après avoir sollicité la confiance, ne peut pas demeurer en place. Ce principe, le général de Gaulle l’a appliqué en démissionnant à la suite du référendum perdu de 1969, malgré sa popularité qui restait immense.
Le lien entre l’autorité présidentielle, la confiance populaire et la responsabilité personnelle s’est ensuite rompu. Jacques Chirac, après avoir appliqué l’article 12 de la Constitution en 1997 (dissolution) et perdu les législatives suivantes, n’a pas envisagé de démissionner. De même, après son référendum perdu sur la Constitution européenne de 2005, il est demeuré à l’Élysée comme si rien ne s’était passé, ou presque.
Emmanuel Macron fera de même au lendemain du fiasco de sa dissolution qui débouche sur une gauche majoritaire et un parti présidentiel devenu minoritaire. Plutôt que de tirer les conséquences de la confiance refusée par le peuple, il tentera de distraire l’attention des Français à travers une débauche de communication. Devant une Assemblée nationale composée par trois forces antagonistes, la gauche avec La France Insoumise disposant d’une majorité relative, Renaissance, le parti présidentiel affaibli, et en troisième, le Rassemblement National, le chef de l’État sera tenté d’accentuer toujours davantage la dérive du pouvoir politique dans le culte de la personnalité au détriment d’une action rendue impossible par la fragmentation de l’Assemblée nationale.
Or, la France est un pays gravement malade. La dette publique s’est accrue d’un tiers en sept ans, passant de 2000 à 3200 milliards d'euros, tandis que les prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales) atteignent 44% du PIB, les meurtres et tentatives de meurtres, les violences gratuites, les agressions sexuelles et viols sont en pleine augmentation, les statistiques de l’immigration battent tous les records avec 320 000 premiers titres de séjour et 120 000 demandeurs d’asile en 2023, le chômage demeure à un niveau très élevé malgré l’autosatisfaction affichée par le gouvernement avec plus de 5 millions de demandeurs d’emploi selon France Travail, la pauvreté touche 10 millions de personnes (INSEE) et le RSA bénéficie à plus de deux millions de victimes de l’exclusion, le niveau scolaire s’effondre comme le révèlent les classements internationaux, notamment en mathématiques où la France est avant-dernière de l’OCDE, le déficit vertigineux du commerce extérieur (86 milliards en 2023) reflète la désindustrialisation du pays.
Le contexte politique ne permet pas d’espérer un quelconque redressement de cette situation désastreuse avec un chef de l’État obsédé par la seule image de lui-même et une Assemblée nationale rigoureusement ingouvernable, absolument chaotique. Aucune esquisse de majorité solide et durable ne se présente. Contrairement au parti travailliste au Royaume-Uni, la gauche française ne cesse de se radicaliser et sombrer dans l’utopie et la démagogie sous l’influence dominante de La France Insoumise, n’offrant d’autres perspectives qu’une augmentation des flux migratoires au prétexte de « l’asile climatique », des hausses gigantesques d’impôt et l’effondrement économique. En face l’idée « d’union des droites » a lamentablement échoué. Le coup de force d’Eric Ciotti, président des Républicains, dans le dos des autres leaders de ce parti et en faveur du Rassemblement National, n’a pas permis, contrairement aux prévisions sondagières, à une coalition auto-proclamée « union des droites » d’obtenir une majorité de gouvernement. L’image du RN, un parti qui ne cesse d’échouer depuis un demi-siècle, demeure bien trop brutale et aventureuse pour que les Français acceptent un jour de lui confier les clés du véhicule : en voici une preuve supplémentaire. Quant au macronisme, ne limitant la casse qu’en raison d’un accord de désistement contre nature avec la gauche, il est voué à la désintégration et à la disparition à l’horizon de 2027, compte tenu de son extrême impopularité chronique et de l’impossibilité constitutionnelle d’un troisième mandat. Une majorité de Français espérait une droitisation du gouvernement mais à la faveur d’une tambouille électorale, la France se retrouve plus à gauche et dans une situation politique plus chaotique que jamais… Que de frustrations ! Au stade actuel, le chaos politique français paraît sans issue…
De fait, il n’existe pas d’autre espoir pour la France qu’une révolution politique, une transformation radicale de la culture et de modèle de gouvernement : bannissement du culte narcissique de la personnalité, retour à des partis politiques réalistes et capables de s’opposer et d’échanger sans haine névrotique, réhabilitation du débat d’idées et de l’intérêt général comme principe de gouvernement pour en finir avec l’exubérance vaniteuse, respect intangible du peuple et de la nation. Sur le plan des institutions il semble impératif de renouer avec un chef de l’État au-dessus de la mêlée, incarnant la sagesse et l’unité nationale plutôt que la vanité et l’hystérie permanente. Le retour à un septennat qui serait non renouvelable offre une perspective intéressante à cet égard. Cette réforme s’accompagnerait d’un puissant Premier ministre et un Gouvernement déterminés à piloter le pays dans un objectif d’efficacité et de bien public, sous le contrôle du Parlement auquel serait rendu respect et souveraineté. Enfin, le recours fréquent au référendum, pour tous les choix engageant l’avenir du pays, serait une solution de renouveau démocratique et de réconciliation entre la nation et le politique. Mais hélas, ces solutions de bons sens paraissent aujourd’hui inconcevables dans le brouillard de l’hystérie quotidienne.