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21 août 2024

LFI a raison de vouloir destituer Macron !

Régis de Castelnau

[vidéo] Régis de Castelnau explique pourquoi, selon lui, LFI est juridiquement dans son droit pour déclencher l'article 68 de la Constitution et entamer une procédure de destitution d'Emmanuel Macron. Il rappelle cependant que cette manœuvre sert avant tout les intérêts propres de LFI, et n'a que très peu de chances d'aboutir. Régis de Castelnau est avocat à la Cour, auteur du blog Vu du Droit, auteur de "Une justice politique" (éditions l'Artilleur).

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Jak Umbdenstock

FREE PAUL WATSON
La Haute Cour du Groenland confirme le maintien en détention du militant écologiste

Adriana Kezaco

Vladimir Poutine va faciliter l’installation dans la Fédération de Russie des étrangers qui partagent les « valeurs traditionnelles » russes et n’acceptent pas « l’idéologie néolibérale ».
Les dispositions mentionnées dans ce nouveau décret permettent l'octroi d'un visa de séjour unique d'une durée de 3 mois. Ce visa peut permettre à un étranger de découvrir le Russie, son mode de fonctionnement, sa culture, comment on peut y vivre, travailler ou étudier.
Mais il n'est pas un permis de séjour définitif ni une obtention de la citoyenneté russe !

Ci-dessous le décret officiel (écrit en russe évidemment). Décret n° 19.08.2024 n° 702.

Il est question d'un permis de séjour d'une durée de trois mois sur la base d’une demande écrite d’un citoyen étranger.
La liste des pays dont les citoyens peuvent compter sur l’obtention d’un permis de séjour simplifié est en cours d'étude par le ministère des Affaires étrangères.

Le décret entrera en vigueur au 1er septembre 2024. Ce décret permet d'outrepasser les quotas d'immigration. La Fédération de Russie fonctionne suivant un dispositif de quotas limitant le nombre de personnes ayant droit d'obtenir un permis de séjour temporaire. Le décret 702 permet de ne pas en tenir compte mais chaque demande sera étudiée selon des critères bien précis.
Dit autrement, certains points ou activités des personnes demandant ce permis de séjour peuvent entraîner un refus de la demande.

Raisons pouvant justifier un refus d'obtention du permis de séjour unique de 3 mois :
Le pays du demandeur (la liste n'est pas encore établie),
Un casier judiciaire non vierge,
L'appartenance à un mouvement politique, une association qui par son activité, ses publications ou revendications manifeste une attitude russophobe ou dénigrant le pouvoir ou la Russie en général sera certainement aussi un motif de refus, c'est déjà le cas dans la législation actuelle russe.
De même, une activité, des messages, des publications sur les réseaux sociaux révélant un comportement russophobe est un critère de refus. Car oui, chaque individu demandant un permis de séjour en Russie fait l'objet d'une enquête assez minutieuse et cela me semble normal.

Ce permis est temporaire et de 3 mois. Cela signifie qu'avant l'échéance dudit permis, si on veut continuer de séjourner en Russie il faudra passer par le processus relevant de la législation en cours comme par exemple obtenir d'une entreprise un contrat de travail, faire une demande de création d'entreprise sur le territoire russe, demander un visa d'étude universitaire en Russie, etc.
Dans le processus standard d'obtention d'un permis de travail d'un an par exemple ou un permis de séjour pour création d'une activité professionnelle, les critères habituels seront exigés, à savoir :
la connaissance de la langue russe, une connaissance générale de l'histoire de la Russie, les principes régissant le fonctionnement de la société russe, etc. Ces connaissances font l'objet d'un examen qui en fonction des résultats valide ou ne valide pas la demande de séjour.
Dans le cas ou l'étranger ne fait pas de demande de prolongation de séjour ou que celle ci est invalidée il faut impérativement quitter le territoire russe avant expiration du visa puis faire une demande d'un nouveau visa relevant des critères que j'ai mentionnés plus haut.

Pour obtenir un permis de séjour temporaire dans la Fédération de Russie, les étrangers n’auront pas besoin de passer un examen sur la connaissance de la langue russe, de l’histoire de la Russie et des bases de la législation russe.

Dans le décret de Vladimir Poutine sur les « fondements de la politique de l’État pour la préservation et le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes », signé en 2022, les valeurs traditionnelles comprennent, entre autres, « le patriotisme, la citoyenneté, le service à la patrie et la responsabilité de son destin, des idéaux moraux élevés, une famille forte, le travail créatif, la priorité du spirituel sur le matériel, l’humanisme, la miséricorde, la justice, le collectivisme ».
Dans le cadre de la politique de renforcement des « valeurs traditionnelles » en Russie, le « mouvement public international LGBT » a été déclaré « organisation extrémiste ».

À partir du 1er septembre 2024, les étrangers pourront obtenir un permis de séjour en Russie dans le cadre d’un régime simplifié s’ils viennent de pays où « des attitudes néolibérales sont imposées » et dont les « valeurs spirituelles et morales traditionnelles » contredisent les valeurs russes.
Répondant à la question de savoir comment il sera déterminé si une personne qui veut s’installer en Russie partage réellement les valeurs spirituelles et morales traditionnelles, Andreï Klimov (chef de la Commission du Conseil de la Fédération pour la protection de la souveraineté de l’État et la prévention de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Fédération de Russie) a noté que ce mécanisme sera encore clarifié et amélioré en fonction de la pratique de son application. À l’heure actuelle, a déclaré le sénateur, dans notre pays, il y a suffisamment de spécialistes des autorités compétentes (les spécialistes de la filtration) qui peuvent évaluer rapidement la sincérité de la demande d’une personne pour un permis de séjour en Russie ou même pour l’obtention de la citoyenneté russe.

Décret officiel n° 702 :
Gilles Casanova

Il ne faut pas seulement mentir de manière effrontée, comme cela se voit de manière évidente, il faut en plus annoncer que ceux qui verront la supercherie, ce sont eux les menteurs, et que ce sont de grands malades, à enfermer…

Maxime Tandonnet

20/8/2024 - Le système politique vit sur l’illusion d’une grande entente centrale, qui exclurait LFI et le RN. Cela paraît parfaitement illusoire que le Parti socialiste aujourd’hui et LR se rallient entièrement au macronisme avec les écologistes pour former une grande coalition centrale. La politique française est beaucoup trop fracturée pour imaginer cela.

La France insoumise et le Rassemblement national sont plus que jamais confortés dans leur rôle de parias ou pestiférés. La vie politique devrait dans cette optique se reconstruire sur l’exclusion de ces deux formations désignées comme le mal absolu – mais qui représentent environ 40% de l’électorat…

Or; les clivages ne se limitent pas à LFI et au RN. Ils sont beaucoup plus importants, même à l’intérieur de la grande coalition centrale dont voudraient les dirigeants macronistes aujourd’hui. La situation politique va donc être épouvantablement chaotique. Le système risque d’être en ruine totale dans un an. Le problème d’une nouvelle dissolution se posera alors mais cela ne conduira à rien non plus.

Nordstream : les complotistes avaient encore une fois raison

H16

21/8/2024 - Il était pourtant clair que la Russie était dirigée d’une main de fer par un fou assoiffé de puissance et que ce dernier, faisant fi de toute rationalité et alors que le conflit avec l’Ukraine s’éternisait, avait fait sauter le pipeline sous-marin Nordstream, plongeant les Allemands dans le désarroi.

Abominable Vladimir Poutine, incapable de contrôler ses pulsions destructrices ! Au lieu de simplement fermer le robinet de ses gazoducs, il avait en septembre 2022 – c’était certain, la presse n’en doutait guère – fait sauter ses tuyaux pour pouvoir ensuite accuser les Occidentaux de la forfaiture.


Depuis lors, les enquêtes menées notamment par l’Allemagne semblaient patiner et la discrétion était de mise. Petit à petit, la thèse officiellement acceptée sur les plateaux télés n’était plus vraiment débattue et ce d’autant plus que des éléments de doutes s’accumulaient. La fourberie du dirigeant russe étant sans limite, il était certain que de nombreuses couches de mensonges avaient été construites pour présenter de faux coupables (des Ukrainiens soi-disant cornaqués par les Britanniques et avec l’aval de Washington).

Las.

Presque deux ans après les explosions des gazoducs, voilà que Berlin émet un mandat d’arrêt contre un Ukrainien. Probablement un agent russe infiltré, me direz-vous. Eh bien apparemment non, au plus grand dam de tous les experts de plateau qui, une fois encore, se retrouvent à danser sur leur monocycle, seul cycle permettant un rétropédalage à vitesse soutenue.

Il apparaît en effet que, selon la presse lancée à pleine contre-vitesse dans ce nouveau narratif, qu’il s’agirait d’une opération menée par une poignée d’Ukrainiens ayant reçu l’aval de Zelensky lui-même. Actuellement, la situation – présentée comme embarrassante mais qui pourrait bien être fort commode pour un maximum de monde côté occidental – est que le poseur de bombes a disparu. Zut alors.


Petit à petit se dessine donc une opération qui aurait été, comme le décrit le Wall Street Journal dans un article qui fera certainement date dans son côté loufoque et à la crédibilité de plus en plus fine, organisée par une bande de joyeux drilles ukrainiens quelque peu alcoolisés qui se seraient donc lancés dans le défi d’aller faire sauter les tuyaux sous-marins ; un masque, un tuba, un pain de plastic et – plouf – l’affaire est réglée en quelques plongées sportives.

Si, bien évidemment, l’historiette fournie par le Wall Street Journal n’est pas impossible (l’Histoire connaît bien quelques uns de ces coups de force d’une poignée d’hommes déterminés), l’évacuation conséquente de toute implication des Britanniques, des Américains ou même des Norvégiens, des Danois ou des Polonais est si pratique avec cette version qu’elle frise la gourmandise.

Quoi qu’il en soit, on se retrouve potentiellement dans la situation où il pourrait être prouvé qu’un pays tiers (et ici, pas la Russie donc) aurait donc attaqué une infrastructure stratégique russo-allemande afin de faire du tort à l’Allemagne. On est en droit de se demander si les clauses d’assistance mutuelle de l’OTAN ne devraient pas entrer en application. Il serait… disons intéressant de voir l’Alliance Atlantique commencer à demander des comptes à Zelensky, pendant que le peuple allemand pourrait commencer à comprendre qu’ils se sont fait cocufier par leurs alliés occidentaux, américains notamment.

Il faut dire qu’en parallèle à ces découvertes croustillantes concernant Nordstream, les Américains continuent tranquillement leurs affaires tant avec les Européens (en leur facturant copieusement le gaz liquéfié qu’ils leur font parvenir par bateaux) qu’avec… les Russes. Car s’il était semble-t-il admis que continuer à commercer avec eux était, pour les Européens, une faute difficilement pardonnable – à tel point que des entreprises européennes et notamment françaises furent instamment priées de quitter la Russie – il en va autrement pour les entreprises américaines qui, elles, ont toute latitude pour y continuer leurs affaires, notamment dans le domaine pourtant sensible du pétrole comme en témoigne l’expansion récente d’un groupe américain sur place.


Autrement dit, si la presse, égale à elle-même c’est-à-dire enfilant pignouferies sur pignouferies, recherche encore ingénument qui pourrait bien avoir eu un réel intérêt à la destruction de Nordstream, les gens normaux, eux, commencent à comprendre et à admettre qu’au final, le premier bénéficiaire de ce sabotage n’est nul autre que l’Oncle Sam… Comme, du reste, ce qu’annonçaient les pires complotistes et ce dès septembre 2022, ou quelques mois plus tard comme le faisait aussi Seymour Hersh (même si les détails du scénario qu’il propose sont encore largement sujet à controverse).

Oui, il semble qu’encore une fois, les vapeurs délirantes qui s’étaient infiltrées dans les cerveaux torturés des complotistes leur avaient fait voir une bonne partie de la réalité que la presse, malgré l’intervention plus ou moins subtile d’experts en expertise professionnelle, n’aura pas su discerner au long des 24 mois qui suivirent. Il apparaît encore une fois que les discours officiels et ceux qui furent autorisés sur les plateaux télé et dans les colonnes des médias subventionnés sont exposés pour ce qu’ils sont : du baratin.

Logiquement, il apparaît qu’on doivent à présent se poser la question de savoir combien de temps la nouvelle histoire – le nouveau narratif, comme on dit maintenant – va tenir face à la réalité. Combien de temps ces organes pourront-ils camoufler toute participation des Britanniques et de la CIA américaine.  Combien d’explications loufoques les médias de grand chemin vont-ils à nouveau imaginer pour expliquer de nouvelles informations explosives qui ne manqueront pas de sortir, quel narratif invraisemblable de la complosphère débridée va encore se révéler exact, dans les prochaines semaines, les prochains mois ?

Combien de temps peut encore continuer l’enfumage actuel qui vise à vassaliser toujours un peu plus l’Union européenne aux Américains ? Et surtout, quel nouveau bobard grossier vont trouver les médias et les politiciens pour camoufler la déroute ukrainienne et le bilan catastrophique de cette guerre qui était au demeurant aussi inutile qu’évitable ?


https://h16free.com/2024/08/21/78517-nordstream-les-complotistes-avaient-encore-une-fois-raison

20 août 2024

L’intenable exceptionnalisme israélien

Michael Young

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lors de son discours devant le Congrès des États-Unis, le 24 juillet 2024, à Washington D.C. Roberto Schmidt/AFP


17/8/2024 - Le 5 août, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré qu’affamer 2 millions de Palestiniens à Gaza « jusqu’à la mort » pourrait être « justifié et moral » pour pour faire libérer les otages israéliens détenus à Gaza, tout en déplorant que le « monde ne (les) laissera pas faire ».

Il a fallu attendre plusieurs jours pour voir une réaction internationale à cette tentative de transformer une pulsion génocidaire en une action moralement justifiée. Le 8 août, le porte-parole du département d’État américain a déclaré que son gouvernement était « consterné par ces commentaires et réaffirme que cette rhétorique est nuisible et inquiétante ». Compte tenu des circonstances, la réprimande était plutôt discrète. Appeler à la famine massive d’une population civile entière devrait être plus que « nuisible et inquiétant ». Mais le département d’État n’a peut-être pas voulu aller trop loin dans la condamnation d’un ministre de premier plan au sein du gouvernement d’un homme, Benjamin Netanyahu, qui a récemment été ovationné plus de 50 fois par des membres du Congrès. Ironiquement, l’un de ceux qui a réagi de manière plus sensée aux remarques dépravées de Smotrich est le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui, dans un discours prononcé peu avant que la condamnation de Smotrich ne s’intensifie en Occident, s’était étonné que personne n’avait encore interpellé ce dernier.

Supériorité morale ?

Au cœur du conflit de Gaza se trouve la question de la moralité d’Israël. Pour ses soutiens, il ne fait aucun doute que le pays est moralement supérieur à ses ennemis. C’est l’une des raisons pour lesquelles les élites occidentales ont continué à détourner le regard face à l’horreur de la campagne israélienne à Gaza, alors que son impact est visible depuis des mois grâce aux chaînes de télévision arabes par satellite et aux réseaux sociaux. Le chancelier allemand Olaf Scholtz, qui a déclaré en octobre 2023 qu’« Israël est un État démocratique guidé par des principes très humanitaires, et nous pouvons donc être certains que l’armée israélienne respectera les règles qui découlent du droit international dans tout ce qu’elle fait », a pris très tôt le parti de la politesse. M. Scholtz allait regretter ses paroles, car les rapports se sont multipliés presque immédiatement sur les efforts d’Israël pour procéder au nettoyage ethnique de la population palestinienne de Gaza ; sur la destruction par ses forces d’hôpitaux, d’écoles, de maisons et d’infrastructures ; sur la rétention de nourriture et de médicaments pour les Palestiniens assiégés ; sur la propagation de multiples maladies, dont la gale et la poliomyélite ; et, plus généralement, sur les meurtres de masse commis sans vergogne ni discernement…

Cela n’a pourtant pas empêché les membres du Congrès américain d’applaudir et de ricaner lorsque Netanyahu s’est présenté devant eux et a qualifié certains de leurs concitoyens d’« idiots utiles » de l’Iran parce qu’ils exerçaient leur droit constitutionnel de protester contre les actions d’Israël. Aucun de ceux qui ont célébré ses paroles n’a – à notre connaissance – réprimandé Smotrich pour son désir ardent qu’Israël affame tous les Palestiniens de Gaza pour libérer ses otages.


La question de la moralité est importante pour deux raisons essentielles. D’abord, elle permet aux États-Unis de justifier la poursuite de la fourniture d’armes à Israël, qui ont été utilisées dans la plupart, voire la totalité, des multiples massacres perpétrés par Israël à Gaza. Par exemple, dans le cas récent de l’attaque de l’école de Tabaain, qui a fait plus de 100 morts (dont de nombreux enfants), les Israéliens ont affirmé comme à leur habitude que des membres du Hamas y opéraient, ce que le Hamas a démenti. Lorsque l’armée israélienne a publié des photos des combattants présumés du Hamas tués, un professeur palestinien travaillant dans le domaine des droits de l’homme, qui connaissait plusieurs d’entre eux, a publié un message sur X dans lequel il démentait toute affiliation au Hamas.

La deuxième raison est que tant qu’Israël sera perçu comme un acteur moral en Occident, alors que tout le monde peut clairement constater le contraire, le fossé se creusera entre les pays occidentaux et ceux qui, dans le monde entier, auront le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures. Cela pourrait avoir des répercussions géopolitiques majeures, car nombre de ces États, en particulier dans le Sud, ne verront aucune raison impérieuse d’accepter les récits occidentaux sur la nécessité de défendre la démocratie et les droits de l’homme. Nous avons déjà assisté à un tel rejet à propos de l’Ukraine, et Gaza a porté plus loin le mécontentement à l’égard de l’hypocrisie américaine, une situation que la Chine a exploitée avec beaucoup d’habileté.

Rupture historique

Cette attitude à l’égard de la moralité israélienne est liée à une perception principalement occidentale selon laquelle Israël a été fondé par les victimes de ce qui est peut-être le plus grand crime de l’histoire, l’Holocauste, ou Shoah. L’auteur indien Pankaj Mishra a abordé ce sujet dans un superbe texte publié en mars dernier dans la London Review of Books (The Shoah after Gaza, mars 2024). Il y retrace la manière dont l’establishment israélien en est venu, au fil du temps, « à produire et à diffuser une version très particulière de la Shoah qui pourrait être utilisée pour légitimer un sionisme militant et expansionniste ». Pourtant, c’est la Shoah qui a également alimenté la croyance de nombreux partisans d’Israël selon laquelle le pays est en quelque sorte à l’abri d’une remise en question morale. Pankaj Mishra cite l’éditorialiste israélien Boaz Evron, qui a décrit comment la « tactique consistant à faire l’amalgame entre les Palestiniens et les nazis et à crier qu’une autre Shoah est imminente » libérait les Israéliens ordinaires de « toute restriction morale, puisque celui qui est en danger d’anéantissement se voit exempté de toute considération morale qui pourrait restreindre ses efforts pour se sauver ». Cette observation ne doit cependant pas faire oublier qu’il existe un nombre croissant de Juifs, dont beaucoup manifestent aux côtés des « idiots utiles » de Netanyahu, pour qui l’essence de leur religion est de conserver une boussole morale au milieu de la bataille.

Et Pankaj Mishra de conclure qu’en se livrant à de vastes crimes à Gaza, « Israël dynamite aujourd’hui l’édifice des normes mondiales construites après 1945 ». C’est pourquoi « la profonde rupture que nous ressentons aujourd’hui entre le passé et le présent est une rupture dans l’histoire morale du monde depuis le point zéro de 1945, histoire dans laquelle la Shoah a été pendant de nombreuses années l’événement central et la référence universelle ». À la lumière de cela, « il semble que seuls ceux qui ont été secoués dans leur conscience par la calamité de Gaza peuvent sauver la Shoah de Netanyahu, (du président américain Joe) Biden, de Scholz et (de l’ancien Premier ministre britannique Rishi) Sunak et réuniversaliser sa signification morale ».


Le point de vue de Mishra a touché de nombreuses personnes dans le monde, mais n’a apparemment pas pénétré la formidable forteresse mentale de l’establishment politique des États-Unis et de ses appendices. Les politiciens américains qui marinent dans le langage de la droiture morale ont ignoré, consciemment ou non, la direction dans laquelle Netanyahu emmène Israël et les États-Unis, alors qu’il poursuit la destruction de Gaza par Israël, sape un accord de cessez-le-feu et cherche à élargir la guerre en provoquant une confrontation armée entre l’Amérique et l’Iran – un fantasme que les amis d’Israël à Washington ont relayé avec enthousiasme auprès du grand public. Si ce n’est pas là aider et encourager une forme militante et expansionniste de sionisme, alors de quoi s’agit-il ?

Plus généralement, quelle est la valeur morale d’un establishment politique israélien, apparemment soutenu par une majorité de la société, qui croit que ce pays peut indéfiniment contrôler des millions de Palestiniens sous occupation illégale, leur refuser l’autodétermination, les maintenir dans un état de retard économique, les empêcher de jouir des droits les plus fondamentaux et les expulser fréquemment de leurs villages pour que les extrémistes juifs puissent voler leurs biens ? Ce plan est-il défendable ? Cela permet-il à Israël de se présenter comme un modèle moral ?

Pankaj Mishra a raison de dire que si cet outrage se poursuit, la valeur tragique de la Shoah, sa référence universelle, se dissipera. Les souffrances passées des Juifs seront submergées par les souvenirs de l’immoralité d’Israël aujourd’hui, tout comme le carnage d’Israël à Gaza a fait oublier à beaucoup le 7 octobre. Mais au-delà de cela, les élites occidentales devraient être conscientes de la façon dont cela affecte leur propre pouvoir et leur influence. Si elles veulent vraiment défendre les valeurs libérales dans un monde en mutation, Israël ne peut être exempté.

Ce texte est aussi disponible en anglais sur Diwan, le blog du Malcolm H. Kerr Carnegie MEC.

Par Michael YOUNG

Rédacteur en chef de Diwan. Dernier ouvrage : « The Ghosts of Martyrs Square: an Eyewitness Account of Lebanon’s Life Struggle » (Simon & Schuster, 2010, non traduit).

https://www.lorientlejour.com/article/1424007/lintenable-exceptionnalisme-israelien.html

Pogrom à Jit

Denis COLLIN

Des colons israéliens s’en sont pris à une communauté palestinienne du village de Jit dans ce qu’il faut bien appeler un pogrom. Un mort et un blessé grave par balles, des blessés, des destructions. Ce n’est pas le premier cas du genre. Mais là, un pas a été franchi.

« Il s’agit d’une minorité extrémiste qui porte préjudice à la population des colons respectueux des lois, à la colonisation dans son ensemble, et à [la réputation] d’Israël dans le monde, pendant une période particulièrement sensible et difficile », a réagi le président d’Israël, Isaac Herzog. « Les forces de l’ordre doivent agir immédiatement contre ce phénomène grave et traduire les contrevenants en justice », a ajouté le président.

La situation est gravissime et la réaction du président Herzog en donne toute la mesure. Herzog ne met pas en cause la colonisation des territoires palestiniens occupés, mais il doit bien constater que les actions des ultras sont en train de miner le crédit international d’Israël. On ne peut s’empêcher de penser que Herzog a aussi en tête l’interminable opération de représailles sur Gaza… Un dirigeant ultra israélien trouve normal et « moral » d’affamer les deux millions d’habitants de Gaza. Il aurait voulu donner des arguments solides à tous ceux qui dénoncent Israël comme État génocidaire, il ne s’y serait pas pris autrement.

Je ne discute pas une minute le droit de l’État d’Israël à défendre son existence. Je n’ai absolument rien contre les opérations pour en finir avec le Hamas - ce groupe, comme ses « cousins » de Daesh, AQMI, et tutti quanti fait partie des grandes calamités mondiales. Mais cela ne donne pas tous les droits !

Le droit d’Israël s’exerce dans les frontières reconnues de 1948 et normalement pas au-delà. Je sais bien que les frontières ne sont pas intangibles et qu’en matière de droit international c’est bien souvent la force qui fait le droit. Mais pas plus d’un autre État, Israël ne peut revendiquer une expansion illimitée, le « Grand Israël ». Si encore Israël se contentait d’annexer politiquement les territoires occupés, mais il s’agit d’autre chose : les ultras qui forment l’ossature du gouvernement Netanyahou veulent l’expulsion des Palestiniens et accaparent leurs terres. À cela, il ne peut y avoir aucune justification politique ou morale.

Israël a le droit de se défendre, mais pas par tous les moyens. On me dira que la fin justifie les moyens. Certes, mais à condition que les moyens ne ruinent pas la fin poursuivie. Le précédent de la Deuxième Guerre mondiale devrait nous servir de leçon. Généralement, les Alliés (URSS comprise) se sont refusés à appliquer aux Allemands les traitements que la Wehrmacht et la SS avaient fait subir aux populations occupées. Même si on peut questionner les bombardements massifs, le comportement des troupes russes en Pologne et en Allemagne ou encore les bombes atomiques sur le Japon. L’historien dira : les choses se sont passées ainsi, mais le politique ou le moraliste n’en déduira pas que ces faits donnent un droit. On peut comprendre que les victimes fassent d’excellents bourreaux, mais ce n’est pas moralement admissible.

On doit d’autant plus questionner la politique israélienne que le Hamas est en partie une créature israélienne et singulièrement des manœuvres tordues de l’actuel Premier ministre et que la question reste suspendue des raisons qui font que les services de l’État hébreu, généralement très efficaces, n’ont rien vu venir avant le 7 octobre. Si Netanyahou avait voulu monter une provocation pour lui donner les mains libres ?

Le plus grave peut-être est que l’abaissement moral et l’affaiblissement d’Israël découleront de cette situation. Les USA n’assureront pas toujours la sécurité d’Israël et si leurs intérêts le commandent, ils laisseront tomber les Israéliens comme ils ont déjà abandonné un grand nombre de leurs alliés. Et alors les 8 millions de Juifs perdus au millier 200 ou 300 millions d’Arabes musulmans ne feront pas le poids. De nombreux Israéliens en sont conscients et certains commencent à émigrer, à trouver des points de chute ailleurs. 18/8/2024

Gilles Casanova

Il fut un jour un quotidien de référence, il est maintenant une feuille de propagande bas de gamme de Washington qui appelle à la guerre totale…

Julie d'Aiglemont

Je ne sais pas vous... mais moi, j'en ai déjà soupé de l'hommage à Delon. Rendez-nous Gérard Philipe.