Gabriel Nerciat
31/8/2024 - Je n'arrive pas à comprendre pourquoi tout le monde fait de Cazeneuve le favori pour Matignon.
Non seulement il ne dispose pas plus que les autres prétendants d'une majorité relative de parlementaires susceptible de le laisser gouverner (la moitié au moins des députés PS reste fidèle au NFP, et à droite on voit mal pourquoi Wauquiez et Retailleau accepteraient d'aider Macron à sortir de l'impasse où il s'est mis en négociant un improbable pacte de gouvernement avec l'ancien ministre de l'Intérieur) ; mais en plus, proche collaborateur de François Hollande, il incarnerait mieux encore que Xavier Bertrand ou Jean-Louis Borloo le retour de l'ancien monde "UMPS", que Macron en 2017 prétendait balayer à son profit.
Si le Banquier Président était déjà suffisamment orgueilleux, du temps de sa superbe, pour ne pas supporter à ses côtés la présence d'un Manuel Valls ou d'une Ségolène Royal, a fortiori une cohabitation avec Bernard Cazeneuve constituerait pour lui, chaque mercredi, une humiliation intolérable.
Sans compter que les Français en juin-juillet dernier n'ont absolument pas voté dans le sens d'un retour de la vieille social-démocratie sépia et faisandée de papa Delors ou de grand-papa Auriol.
La vérité, on la connaît en fait depuis deux mois : personne ne peut être nommé Premier ministre par le président actuel.
Le macronisme ayant été clairement par deux fois désavoué dans les urnes, alors même que la dissolution surprise posait une question de confiance à un seul tranchant, aucun membre du bloc d'extrême centre (y compris Bayrou) ne peut décemment être envoyé à Matignon - ce dont le perfide Gabriel Attal s'est empressé de se dire persuadé.
Un Premier ministre LR, comme le réclame Sarkozy, est tout aussi impensable : le parti de Jacques Chirac et d'Alain Juppé est de tous celui qui a obtenu le score le plus minable (sans l'aide de Mélenchon, d'Attal et du pseudo-Front républicain, il y aurait aujourd'hui moins d'une vingtaine de députés LR au Palais-Bourbon).
La folle de Lucie Castets, n'en parlons même pas : elle serait décapitée par une motion de censure avant même d'avoir fait ouf.
Reste la seule hypothèse viable sur le papier, mais sur le papier seulement : le gouvernement technocratique à l'italienne, avec par exemple Michel Barnier à sa tête.
Mais outre que cet expédient anti-démocratique est totalement contraire à l'esprit des institutions de 1958, il dépendrait pour son succès de l'approbation au moins provisoire de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon.
Et on voit mal comment un technocrate du genre Castex ou Migaud réussirait à tirer son épingle du jeu face à une Chambre massivement hostile, dans le cadre d'une politique d'austérité ruineuse qui exigerait d'être incarnée par un homme politique au plein sens du mot.
Bref, Macron ne peut nommer personne à l'Hôtel Matignon, sinon des fantoches bureaucratiques (voire des notables de province comme Estrosi ou Delga) qui seront très vite balayés par le vent.
Et comme il est seul responsable de l'échec désormais consommé de ses deux mandats, c'est lui et lui seul qui devra en payer le prix.
Ce qu'exige déjà, selon les sondages, un Français sur deux.
Tout le reste est (mauvaise) littérature.