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19 octobre 2024

Anne-Sophie Chazaud

Edouard Husson :
Israël/Palestine, contre le choc des millénarismes, pour une compréhension et une solution politiques au conflit.


[Extraits]

PRESENTATION/PARCOURS

Je me définirais comme un « spectateur engagé », pour reprendre la formule de mon grand aîné à l’Ecole Normale Supérieure, Raymond Aron. Je suis universitaire, historien, et comme je travaille sur l’histoire contemporaine, l’interrogation sur le présent n’est jamais loin.

Mes travaux de recherche ont porté sur l’histoire de la Shoah. J’ai étudié de près le processus de décision qui, dans l’appareil totalitaire nazi, mène à la décision du génocide des Juifs. J’ai aussi accompagné, au milieu des années 2000, les enquêtes de terrain, en Ukraine, du Père Patrick Desbois sur la « Shoah par balles » : il s’agissait de recueillir les témoignages d’Ukrainiens ordinaires, dans les villages et les petites villes, qui avaient été témoins des massacres commis par des commandos de la SS et de la police allemande (avec d’éventuels auxiliaires locaux).

Si je devais désigner une originalité – modeste – à mes travaux : j’ai compris en travaillant sur les massacres commis par les nazis, et en travaillant en général sur les violences de masse au XXe siècle, que la violence progresse selon des paliers. Lorsqu’un certain seuil est atteint, la violence fait un bond d’intensité, jusqu’au palier suivant. Un génocide ne sort pas de nulle part. Il se déroule dans le cadre d’une guerre, internationale ou civile. Nous aurons sans doute à expliciter ce point. [...]

Le judaïsme orthodoxe est fondé sur la même loi d’amour que le christianisme. Ce qui nous sépare, nous chrétiens, du judaïsme orthodoxe, c’est l’identité du Messie – comme nos frères juifs orthodoxes nous attendons pour fin des temps une manifestation du Messie qu’il ne faut pas précipiter ; à la différence d’eux, nous affirmons connaître ce Messie, Jésus de Nazareth, qui est déjà venu pour nous et qui reviendra. Mais nous avons, nous les catholiques, une pensée commune, théoriquement, avec le judaïsme orthodoxe, et qui nous met en opposition spirituelle avec le sionisme : c’est l’idée qu’il faudrait hâter la venue du Messie, par un projet temporel et, au besoin par des guerres, car le Messie se manifestera au cœur d’une catastrophe. Notons que certains chrétiens évangélistes américains pensent comme les sionistes.

Je pourrais aller plus vite en disant que je suis Français et que je fais mienne la précaution du grand Cardinal de Richelieu, qui disait se méfier de « ceux qui arrivaient avec un chapelet dans une main et une épée dans l’autre ». Tout mon parcours m’a appris à me méfier de ceux qui pensent que la religion peut apporter une solution politique au conflit du Proche-Orient. Je me méfie des « chrétiens sionistes » américains et du gouvernement Netanyahu autant que des islamistes. Je refuse de confondre critique au gouvernement Netanyahu et antisionisme mais aussi antisionisme et antisémitisme. Il y a des Juifs antisionistes, jusqu’en Israël ! Et il y a des sionistes qui détestent Netanyahu et son gouvernement. Plus profondément, malgré tout, je pense que l’exacerbation du sionisme par Netanyahu est l’aboutissement quasi-inéluctable d’un projet enraciné dans une métaphysique gnostique. Il n’y a pas d’autre avenir, pour l’Etat d’Israël qu’un nouveau modus vivendi entre Juifs, chrétiens et musulmans en Terre Sainte. Il ne sera possible que si l’on neutralise les trois messianismes exacerbés (exceptionnalisme américain, sionisme et islamisme) et si l’on revient à un dialogue réaliste et fondé sur le respect mutuel, entre les trois lignées issues d’Abraham.

RETOUR SUR LES FAITS

Vers l’Orient compliqué, j’essaierai d’exposer les choses, sinon simplement, du moins clairement.

Il faut toujours repartir du droit international. Les résolutions de l’ONU doivent être notre boussole. En novembre 1947, l’ONU avait voté un plan de partage de la Palestine, qui a été refusé par la partie arabe, parce que la communauté internationale avait fait la part trop importante, selon eux, aux Juifs de Palestine. J’insiste sur ce dernier point : il est souvent traité cavalièrement. Nous n’avons pas à prendre partie aujourd’hui. Mais à comprendre que la création d’un État juif en Palestine n’allait pas de soi pour de nombreux contemporains, à commencer par les Arabes du Proche-Orient.

En novembre 1967 d'ailleurs, dans une célèbre conférence de presse, le Général de Gaulle se faisait encore l’écho de l’émotion suscitée dans le monde arabe par l’installation d’Israël vingt ans plus tôt.

S’en est suivie la guerre de 1948-49, qui a abouti à quelques gains de territoires supplémentaires par Israël mais laissait la bande de Gaza et la Cisjordanie en dehors d’Israël et fixait une frontière avec le Liban que l’on appelle « ligne bleue » et qui sépare Israël du « Sud-Liban », aujourd’hui lieu d’affrontement avec le Hezbollah.

S’il n’y avait eu que des combats entre Israël et les États arabes environnants, la situation n’aurait pas évolué de manière trop dramatique. Mais le problème vient de ce qu’avant et après la proclamation de l’État d’Israël (en mai 1948), les chefs d’Israël en émergence ont provoqué, par la violence, un exode massif des populations arabes (palestiniennes). Près de 750 000 Arabes palestiniens sur les 900 000 qui vivaient dans les territoires qui allaient devenir l’État d’Israël, fuient vers la Cisjordanie, la bande de Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie. C’est ce que les Palestiniens appellent la Nakba, « la catastrophe ». Aujourd’hui, on parlerait de « nettoyage ethnique ». Leurs descendants représentent désormais 5 millions de réfugiés palestiniens, à Gaza, en Cisjordanie ou dans les États environnants.

Dans le contexte de l’après-guerre, les violences étaient nombreuses ; et puis le monde avait une sympathie naturelle pour les Juifs d’Europe survivants de la Shoah qui venaient s’installer dans le nouvel État d’Israël. Les chefs sionistes ont clairement abusé de cette sympathie. Je sais qu’il y a jusqu’à aujourd’hui un débat entre historiens, certains considérant qu’il n’y avait pas, dès le départ, de projet d’expulsion des Palestiniens d’un certain nombre de territoires de la part des fondateurs de l’État d’Israël. Je trouve plus cohérente et mieux fondée dans les sources l’école historique qui voit l'expulsion des Palestiniens comme faisant partie intégrante du projet. Il faut avoir cet épisode en tête pour comprendre les haines inexpiables qui se mettent en place à cette époque. Sans compter le fait que l’exode des Palestiniens a déstabilisé profondément les États voisins.

Peut-être les choses auraient-elles pu se stabiliser avec le temps. Mais, de facto, Israël a toujours pratiqué le raid préventif et dissuasif, comme en témoignent les résolutions de l’ONU des années 1950 et 1960, qui condamnent le nouvel État après des attaques contre la Syrie, le Liban, Gaza, la Cisjordanie… Il n’est pas question de nier que les États arabes misaient sur le caractère éphémère de l’État d’Israël. Cela ne doit pas occulter pour autant le fait que les Israéliens n’ont jamais accepté la création d’un État palestinien comme le voulait l’ONU.

La guerre des Six Jours, en 1967, représente une escalade, Israël passant du raid préventif à une véritable guerre d’annexion de nouveaux territoires. On se rappelle les critiques du Général de Gaulle envers Israël, en novembre 1967 ; il ne faisait que dire le soutien de la France à la fameuse résolution 242 des Nations Unies, qui dénonçait les annexions réalisées par Israël lors de la Guerre des Six Jours : la Cisjordanie, le plateau syrien du Golan, Gaza et le Sinaï, Jérusalem-Est. Les frontières d’avant la Guerre des Six Jours sont encore aujourd’hui pour la communauté internationale, la référence. C’est sur elles que s’appuie la quasi-totalité des pays de la planète pour proposer les frontières d’un futur État palestinien, qui coexisterait avec l’État d’Israël. Il y a des Israéliens qui acceptent un État palestinien mais même eux ne veulent pas entendre parler des frontières de 1967.

Il faut citer l’avertissement prémonitoire du Général de Gaulle à l’État d’Israël :

« Israël ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant, il organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions, et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ».

Depuis 1967, Tel-Aviv est dans un état de tension permanente avec son environnement géopolitique, ponctué de guerres régulières. Les tentatives diplomatiques échouent toutes parce qu’à un moment ou un autre, la question de l’avenir des Palestiniens revient comme un boomerang. Plus les Israéliens espèrent en avoir fini avec la perspective d’un État palestinien (plus ils lancent loin le boomerang, pourrait-on dire), plus la question du respect du droit international revient, avec une force déstabilisatrice pour eux.

Israël a toujours refusé la résolution 242, comme les nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité ou de l’Assemblée Générale qui ont suivi. L’attitude de défi à l’ONU, caricaturale chez Netanyahu, est permanente, tout au long de l’histoire d’Israël. Elle est devenue aujourd’hui outrancière dans son expression.

À partir de 1967, on a une triple évolution :

1. une radicalisation terroriste des mouvements palestiniens, qui se sentent de plus en plus impuissants.

2. un réalisme croissant des voisins d’Israël, qui aspirent à la paix avec Tel-Aviv.

3. une radicalisation du sionisme qui, de laïc, devient de plus en plus religieux, à partir de la fin des années 1970.

La fin de la Guerre froide produit un relatif apaisement, malgré la révolte des Palestiniens (Intifada de la fin des années 1980). L’OLP abandonne le terrorisme. Et le réalisme revient à Tel-Aviv, dans la première moitié des années 1990, en la personne de Rabin, qui faisait un constat simple : confronté à un environnement géopolitique devenu incertain du fait de la révolution iranienne, il fallait trouver un accord avec les Palestiniens.

Ce furent les accords d’Oslo, entre 1993 et 1995. Je me rappelle mon sentiment à l’époque : d’un côté, ma culture politique française se révoltait, à constater la manière dont, sous le patronage américain, Israël « octroyait » l’autonomie aux Palestiniens de Cisjordanie, avec des zones différenciées de contrôle israélien. Politiquement, nous autres Français sommes des « Romains », et nous ne pouvons pas envisager autre chose qu’une paix fondée sur l’égalité des peuples. D’un autre côté, je me disais qu’il ne fallait pas insulter l’avenir. Il y a eu à cette époque un formidable espoir, dans le sillage de la chute du communisme soviétique et de la fin de l’apartheid sud-africain : il semblait que l’on allait voir aussi la paix s’installer au Proche-Orient.

Visiblement les accords d’Oslo ont fait suffisamment peur à une partie de la classe politique israélienne pour qu’ils soient sabotés immédiatement par une intensification de la colonisation juive des terres palestiniennes, autour de Jérusalem et en Cisjordanie. L’assassinat de Rabin enterra les accords d’Oslo avec lui.

Avec la fin des années 1990, commence l’ère dominée politiquement par Benjamin Netanyahu. Puissante personnalité politique, il est devenu, de mon point de vue, le mauvais génie d’Israël. Netanyahu est héritier, par son père, du courant qu’on appelle le « sionisme révisionniste », fondé dans l’entre-deux-guerres par Jabotinsky (le père de Benjamin, Bension Netanyahu était son secrétaire particulier). Le « sionisme révisionniste » n’est prêt à aucune concession. Louis Massignon, d’abord plein de sympathie pour le sionisme, avait averti, dans les années 1930, du danger que représentait le courant de Jabotinsky pour la stabilité de la région.

Netanyahu, depuis le début de sa carrière politique, a suivi quelques principes simples :

- Empêcher à tout prix qu’existe un État palestinien ; il s’est allié pour cela aux partisans du Grand Israël et partage leur radicalité même s’il est infiniment plus souple tactiquement.

- D’autre part, Netanyahu a toujours considéré qu’il ne pouvait pas exister d’État souverain puissant à proximité d’Israël. D’où son appui à la politique néoconservatrice américaine qui a détruit l’Irak, échoué à détruire la Syrie et rêve de renverser le régime iranien pour ramener ce pays au temps du Shah, quand il était un protectorat américain.

- Netanyahu est un pur machiavélien. La fin justifie toujours les moyens. La fin, c’est la survie et l’installation durable de l’État d’Israël dans un environnement hostile.
 
On ne prête qu’aux riches : certains affirment que Netanyahu a été prêt à saboter de toutes les manières la légitimité de l’Autorité Palestinienne issue des accords d’Oslo et à faire monter à Gaza un mouvement musulman radical, le Hamas, qui est au départ une simple branche des Frères musulmans. Ce point de vue, qu’on entend souvent, est exagéré. Il suffit, selon moi, de constater que l’intransigeance du « sionisme révisionniste » de Netanyahu a nourri un mouvement palestinien radical. Abandonner la bande de Gaza au Hamas, autoriser les financements extérieurs envoyés au mouvement, ne rien faire pour stopper la contrebande d’armes alors que l’Égypte, réconciliée avec Israël depuis la fin des années 1970, attendrait que l’on combatte fermement les Frères musulmans de Gaza : tout cela me semble avoir été largement subi par les gouvernements israéliens successifs depuis vingt ans...
 
À ceux qui ont pu dire que le Hamas était, en quelque sorte la « créature » de Netanyahu, je réponds : en ce cas, la créature a, depuis longtemps, échappé à son « créateur ». D’abord, le Hamas s’est acquis une réelle popularité dans la population gazaouie en prouvant que ses cadres et ses membres parvenaient à administrer de facto un territoire exigu où vivent presque 2 millions et demi de personnes ; ensuite, le Hamas, sous l’impulsion du stratège iranien Qassem Soleimani (assassiné sur ordre de Donald Trump en janvier 2020), s’est transformé en un mouvement combattant nationaliste, formé à mener une guerre asymétrique (incluant des modes d'action terroristes dont personne ne saurait bien évidemment faire l'apologie), et faisant passer la cause palestinienne avant celle de l’Islam.
 
C’est ainsi que le 7 octobre, Israël s’est retrouvé non pas face au seul Hamas mais face à une dizaine de mouvements combattants palestiniens, réconciliés entre eux : sunnites, chiites, chrétiens, marxistes, nationalistes, pour combattre l’État d’Israël.
 
Qassem Soleimani était bien un adversaire redoutable pour l’État d’Israël puisque, quatre ans après sa mort, ce qu’on appelle « Axe de la Résistance », c’est-à-dire la création ou le renforcement de milices dotées d’une grande efficacité au combat, au Liban (le Hezbollah), en Syrie et en Irak (pour défendre le régime d’Assad) , à Gaza et en Cisjordanie, au Yémen (les Houthis d’Ansarallah), a été capable d’entraîner Israël dans une guerre d’attrition : un an après l'effroyable razzia d’otages et les tueries du 7 octobre, le Hamas et ses alliés, ne sont toujours pas vaincus et ont causé la mort, selon mes estimations de 5000 soldats israéliens durant les combats de Gaza (je fais ce calcul selon un ratio ¼ à partir du nombre connu, lui, de blessés graves israéliens, qui est de 20 000 au moins) ; le Hezbollah met en échec l'offensive israélienne au Liban - malgré la décapitation spectaculaire de la direction du Hezbollah, l'appareil militaire a rapidement repris le combat, quels que soient les obstacles- et il a provoqué, par ses bombardements permanents, la fuite de 70 000 habitants du nord d’Israël, qui se sont dirigés vers le centre et le sud du pays. Les milices chiites irakiennes parviennent à viser des objectifs dans le port de Haïfa sans que les boucliers anti-missiles israéliens les arrêtent. Ansarallah est en mesure de tenir en respect la marine américaine et de bloquer le trafic commercial de la Mer Rouge vers Eilat. Les Yéménites ont aussi atteint Tel-Aviv ou les environs avec des drones et quelques missiles. Quant à l’Iran, il a riposté deux fois à des opérations israéliennes (bombardement de son consulat à Damas par l’aviation israélienne début avril; assassinat du chef du Hamas par des agents israéliens, fin juillet, à Téhéran) avec des salves de missiles qui ont saturé et déjoué les défenses israéliennes.
 
L’intérêt d’Israël serait de trouver un arrangement avec les Palestiniens et avec les États voisins. Il est clair, désormais, que ce qui a déclenché l’attaque du 7 octobre, c’est l’imminence d’un accord entre l’Arabie Saoudite et Israël, dans la lancée des accords d’Abraham, que Donald Trump avait réussi à faire signer entre Israël, d’un côté, les Émirats Arabes Unis et Bahreïn de l’autre. Le Hamas et les autres mouvements combattants palestiniens ont supposé qu’un accord d’Israël avec le royaume saoudien enterrait à tout jamais la question palestinienne. C’est le motif profond de l’opération du 7 octobre 2023.

LA CAUSE PALESTINIENNE ABANDONNEE AU GAUCHISME ?

C’est l’un des grands drames du moment politique que nous vivons en Europe et en Amérique du Nord. L’absence quasi-totale des droites de la défense de la cause palestinienne. Sauf des voix isolées qui ont encore conscience que les Palestiniens sont la face défigurée, écrasée, martyrisée des nations que l’ordre américain cherche à écraser.

Rien de nouveau depuis trente ans : l’Irak, la Serbie, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie ont été broyés par les bombes américaines avec l’assentiment de l’immense majorité de notre classe politique. Nous parlons de millions de morts. Ces morts-là ont-ils moins d’importance que les victimes de la barbarie nazie ou des massacres communistes ? Est-ce que l’Occident aurait le droit de commettre des tueries de masse sans que ce soit répréhensible ?

Aujourd’hui, c’est le tour de la Palestine et du Liban.

Je pose la question sans précaution rhétorique à mes compatriotes qui aiment la France : comment pouvez-vous, une fois de plus, accepter que les États-Unis et Israël cherchent à monter les communautés du Liban les unes contre les autres ? N’avez-vous toujours pas appris la leçon des guerres qui ensanglantent ce pays depuis 1975 ? Comment pouvez-vous assister avec indifférence au massacre des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie ? Ne voyez-vous pas que la Palestine est la face écrasée de cette réalité, les peuples, les nations, qui n’ont pas leur place dans l’ordre occidental de 2024 ? Ne voyez-vous pas qu’en refusant de proclamer, à temps et à contretemps, les droits inaliénables du peuple palestinien et la nécessité, pour Israël, de respecter toutes les résolutions de l’ONU – et non de prendre celles qui lui servent et d’ignorer ou piétiner les autres –, vous acceptez non seulement que soit bafoué l’ordre international, mais vous exposez également notre nation à être elle-même écrasée par le désordre que vous soutenez ?

Je m’adresse en particulier à tous ces Français qui se plaignent de ce que notre souveraineté est piétinée par l’Otan et par l’Union Européenne mais qui pourtant expliquent qu’il faut être aligné derrière Israël. Les derniers mois ont montré qu’Israël ne se comporte pas un État souverain, ne mène pas une politique indépendante. Sans les bombes américaines, Tel-Aviv aurait dû négocier un cessez-le-feu à Gaza. Sans le soutien des États-Unis et ses vétos au Conseil de Sécurité des Nations Unies, le gouvernement de Benjamin Netanyahu aurait été renversé et un nouveau gouvernement israélien n’aurait pas eu d’autre choix que de négocier une paix régionale faisant sa place à un État palestinien. Le Général de Gaulle rappelait souvent que la souveraineté, c’était l’exercice responsable de l’indépendance nationale. [...]

ET LES CHRÉTIENS DANS TOUT ÇA ?

Un des arguments entendus fréquemment – en tout cas au début du conflit – est l’identité entre le combat d’Israël – en tout cas du gouvernement Netanyahu – et le nôtre face au danger de l’immigration, en particulier arabo-musulmane. Je me souviens même avoir entendu un militant de la droite identitaire s’écrier, lors d’un débat, « la Judée aux Judéens ! », comme il aurait dit « la France aux Français ! ». J’ai du mal à comprendre ce qui motive ce genre d’argumentation absurde. Encore une fois, regardons le réel. Commençons par les grandes vagues de migrations vers l’Europe venues du Proche-Orient ou d’Afrique du Nord ces vingt dernières années : elles sont largement le résultat de la destruction des États et de la multiplication des guerres par les États-Unis. Il y a un paradoxe, pour dire le moins, à approuver les guerres américaines ou israéliennes et à ensuite redouter les afflux de réfugiés. Selon la célèbre formule attribuée à Bossuet : Dieu se rit des hommes qui maudissent les effets dont ils chérissent les causes. [...]

Encore une fois, il faut le dire et le redire : la coexistence entre Juifs, chrétiens et musulmans en Terre Sainte fut une réalité pendant plusieurs siècles avant la création de l’État d’Israël et elle doit nous servir de boussole. Malheureusement, ce à quoi nous avons assisté depuis les années 1980, c’est à une surenchère des millénarismes : avec un sionisme juif qui s’est toujours plus radicalisé, encouragé par ce qui s’auto-désigne comme « sionisme chrétien », – en fait un mouvement évangéliste américain convaincu que la création de l’État d’Israël est un préalable à la conversion des Juifs et au retour du Christ. Ils interprètent les conflits du Proche-Orient comme le prélude de « l’Apocalypse », de la grande bataille finale qui précèdera le Jugement dernier.

J’ai souvent entendu des gens redouter le millénarisme musulman, que l’on appelle islamisme, et qui s’est exprimé, depuis la révolution iranienne, aussi bien dans le monde sunnite que dans le monde chiite. Remarquons que, au plan géopolitique global, ce millénarisme est en recul, ce que la succession d'attentats et d'agressions islamistes souvent "low cost" en Europe ne permet pas forcément de comprendre : la révolution iranienne s’est apaisée, quels qu'en soient les aspects rebutants – notamment pour les femmes – et, politiquement, Téhéran est désormais l’un des grands acteurs des relations internationales. La fin d’Al-Qaïda, la destruction de Daech par la Russie semblent avoir découragé le millénarisme sunnite. Regardons comme les grands États du Golfe – longtemps financeurs de l’islamisme – sont désormais désireux de l’avènement d’un monde multipolaire. Avant le 7 octobre 2023, ils étaient prêts à signer des accords avec Israël, même au prix du sacrifice des Palestiniens. Regardons comme le Hamas lui-même, sous l’impulsion de Yahya Sinwar, s’éloigne de son origine « Frères musulmans » et tend de plus en plus à grouper autour de soi l’ensemble des mouvements combattants palestiniens (avec les encouragements publics de la Russie et de la Chine), dans une optique nationale.

Sans forcer le trait, je dirais que nous avons autant à craindre désormais la dynamique explosive des millénarismes évangéliste et sioniste, – qui semblent prêts à poursuivre jusqu’au bout leur rêve apocalyptique – que l'accélération du millénarisme islamiste.

Pour finir de répondre à votre question, il est vital de préserver et développer l’esprit de la déclaration « Nostra Aetate » du Concile Vatican II.

Dans ce document officiel, les Pères du Concile adressaient aux religions non chrétiennes un message de paix. Les deux autres descendances spirituelles d’Abraham (le judaïsme et l’Islam) y sont particulièrement considérées. En particulier, le passage consacré aux relations avec les Juifs et insistant sur la nécessité de renoncer à tout antijudaïsme chrétien.

Le message est le fruit de l’expérience concrète du sauvetage des Juifs persécutés par des chrétiens durant la Seconde Guerre mondiale). Nous devons cultiver l’esprit de Nostra Aetate. Mais il ne faut pas se tromper d’interlocuteurs dans le monde juif. Je pense qu’on a imprudemment laissé, ces vingt dernières années, un discours de légitimation de la politique israélienne, quelle qu’elle soit, s’immiscer dans le dialogue judéo-chrétien. C’est à cela que j’attribue le silence de nos évêques, en France : ils n’ont pas les bons interlocuteurs dans le monde juif, auxquels ils pourraient s’adresser pour prendre une initiative de paix. J’ai senti, aussi, ces dernières années, se glisser une teinte « d’islamophobie » dans certaines prises de position (au moins officieuses) de responsables catholiques. C’est oublier que « Nostra Aetate » comprend une recommandation chaleureuse de dialogue avec les musulmans :

« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »

Nous avons notre boussole. Nous devons chérir les relations paisibles entre les trois descendances d’Abraham. Nous devons refuser et combattre tous les millénarismes et toutes les gnoses qui dressent les enfants d’Abraham les uns contre les autres.

RÔLE DE LA FRANCE SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE ?

La politique de la France s’est malheureusement réduite progressivement à l’insignifiance. La France de Richelieu, de Jaurès, du Général de Gaulle n’aurait jamais accepté que le Liban soit maltraité comme il l’est depuis 1975. En ce qui concerne Israël, notre pays n’aurait jamais dû abandonner les lignes directrices formulées par le Général dans sa célèbre conférence de presse du 27 novembre 1967 :

« Il est bien évident que le conflit n’est que suspendu et qu’il ne peut y avoir de solution, sauf par la voie internationale. Mais un règlement dans cette voie, à moins que les Nations Unies ne déchirent elles-mêmes leur propre Charte, un règlement doit avoir pour base l’évacuation des territoires qui ont été pris par la force, la fin de toute belligérance et la reconnaissance réciproque de chacun des États en cause par tous les autres. Après quoi, par des décisions des Nations Unies, en présence et sous la garantie de leurs forces, il serait probablement possible d’arrêter le tracé précis des frontières, les conditions de la vie et de la sécurité des deux côtés, le sort des réfugiés et des minorités, et les modalités de la libre navigation pour tous, notamment dans le golfe d’Akaba et dans le canal de Suez. Suivant la France, dans cette hypothèse, Jérusalem devrait recevoir un statut international.
Pour qu’un tel règlement puisse être mis en œuvre, il faudrait qu’il y eût l’accord des grandes puissances (qui entraînerait ipso facto celui des Nations Unies) et, si un tel accord voyait le jour, la France est d’avance disposée à prêter sur place son concours politique, économique et militaire, pour que cet accord soit effectivement appliqué. »

Adaptons la pensée du Général de Gaulle à notre époque. La situation est bien plus détériorée que dans les mois qui ont suivi la Guerre des Six Jours. J’imagine un gouvernement français digne de ce nom. Il aurait envoyé notre flotte, non pas en Mer Rouge, pour menacer Ansarallah, mais en mer Méditerranée, à la tête d’une force mandatée par l’ONU où l’on trouverait les puissances riveraines, pour imposer un cessez-le-feu à Gaza. Paris aurait assuré, par le débarquement d’une force internationale sous commandement français, l’acheminement de l’aide alimentaire aux Gazaouis. Des volontaires médecins et infirmiers protégés par les flottes coalisées prendraient soin des victimes des bombardements. La France serait force active à l’ONU pour faire voter des cessez-le-feu à Gaza, en Cisjordanie et au Liban et imposer une négociation qui aboutisse à l’application des résolutions de l’ONU, en particulier la création d’un État palestinien.

La Russie est occupée par la Guerre d’Ukraine. La Chine est loin. La Grande-Bretagne a depuis longtemps oublié qu’elle a été expulsée de Palestine par le terrorisme des sionistes révisionnistes et elle est impliquée jusqu’au cou dans le soutien militaire à Israël. Les États-Unis considèrent Israël comme leur 51e État. Seule la France aurait, si elle le voulait, l’autorité nécessaire, l’enracinement géographique en Méditerranée, les liens millénaires avec la région, pour organiser le secours des Gazaouis et des Libanais et amener toutes les puissances de la région à une négociation de paix.

Ce que j’énonce n’est pas seulement une utopie. C’est parce qu’elle n’agit pas ainsi que la France est divisée intérieurement et affaiblie internationalement.

VERS UNE CRIMINALISATION DE TOUTE CRITIQUE DE L'ACTION D'ISRAËL ?

C’est un des développements les plus inquiétants. Je l’attribue à la situation difficile dans laquelle se trouve Israël. La presse israélienne elle-même nous permet d’évaluer à 20 000 le nombre des soldats israéliens grièvement blessés dans le conflit de Gaza. Le ratio habituel des pertes tués/blessés graves est entre 1/4 et 1/3. Imaginez-vous si le grand public prend conscience que l’armée israélienne a perdu environ autant d’hommes que le Hamas et les autres mouvements combattants palestiniens dans la bande de Gaza ?

Personne ne conteste les 1200 morts israéliennes du 7 octobre 2023 – dont la moitié sont des militaires, des policiers ou des colons armés. En face, il y a désormais, officiellement, un peu plus de 40 000 morts, dont un tiers sont des enfants ! Certains contestent ces chiffres en disant que ce sont « les chiffres du Hamas ». Mais les estimations indépendantes sont plus élevées : en se fondant sur les suites des bombardements, les personnes non retrouvées sous les décombres, la destruction de 60% du bâti, les conditions de vie insalubres des gens déplacés d’un point à un autre, la destruction des hôpitaux et donc d’une grande partie des possibilités de soin, la diffusion d’épidémies, la sous-alimentation etc…, la revue The Lancet a publié une estimation qui monte jusqu’à 180 000 morts. L’Afrique du Sud demande à Israël de rendre compte de son non-respect de la Convention sur les génocides dont Tel-Aviv est signataire. Nous finirons par tout savoir. Mais nous en savons déjà beaucoup : on n’avait jamais eu une violence de masse ainsi exposée sur internet, sur différents réseaux sociaux. Et ce que nous voyons est terrifiant.

Difficultés militaires indéniables et désir de cacher l’étendue et la nature des violences commises contre les Gazaouis. Nous en savons beaucoup grâce aux journalistes qui sont sur place. Eh bien, l’armée israélienne a ciblé et tué 175 journalistes depuis le début de son opération à Gaza !

La mise en place de lois répressives envers toute personne critiquant le gouvernement Netanyahu et l’armée israélienne, en France ou en Europe, est un volet d’un dispositif général que Tel-Aviv rêverait de mettre en place : censure militaire totale à Gaza et au Liban, y compris en éliminant les journalistes ; censure des réseaux sociaux et lois contre la liberté d’expression dans les autres pays. Pour ceux qui douteraient de ce qui est en jeu, demandons-nous pourquoi Benjamin Netanyahu vient de menacer le Liban de connaître le sort de Gaza s’il ne rejetait pas le Hezbollah… On ne menace pas avec des fleurs.

Nous parlions de la Loi Gayssot. C’était il y a une génération. Elle était pleine de bonnes intentions : il s’agissait de pénaliser le négationnisme. Je commençais seulement mes études sur la Shoah ; mais je sais que j’avais été d’emblée mal à l’aise lors du vote de la loi. Pourquoi transformer un enjeu de recherche historique, d’analyse scientifique des preuves et des documents dont nous disposons, en vérité officielle ? La vérité n’a pas besoin de l’appui du Pouvoir pour devenir « plus vraie ». Je n’ai pas eu besoin de la Loi Gayssot pour faire mon travail de chercheur et établir l’étendue du génocide des Juifs d’Europe entre 1939 et 1945. Il en est ainsi de toutes les lois dites « mémorielles ». Elles sont pesantes, inutiles. Ou plutôt elles ne servent qu’à souligner les œillères de ceux qui les promulguent : aujourd’hui on voudrait nous interdire de parler de tel ou tel massacre pour ne pas nuire à tel ou tel État.

UN SUJET INTERDIT, UNE DIALECTIQUE IMPOSSIBLE ?

[...] Progressivement, le sens de la nuance, la complexité des points de vue, ont laissé la place à un discours médiatique simpliste, consistant à diviser le monde en deux camps, celui du bien et celui du mal. L’américanisation a pu progresser à pas de géants, sans rencontrer de résistance. Connaissez-vous région plus complexe que le berceau de la civilisation qu’est le Proche et Moyen-Orient ? Y a-t-il région où les simplismes américains soient moins appropriés ? [...]

N’y a-t-il pas chez les défenseurs de la cause palestinienne une cécité quant à un antisémitisme bien réel ainsi qu’une forme de négationnisme concernant les actions et objectifs des différentes mouvances islamistes ? Le réalisme géopolitique ne trouve-t-il pas sa limite face à des ennemis déclarés de l’Occident ? [...]

Être l’héritier de la civilisation romaine, pour moi, c’est cultiver précieusement le droit international, qui rend possible une paix durable en la fondant sur les accords passés entre États souverains dont les frontières sont stables et reconnues par tous. Je ne demande qu’une chose à Israël : c’est le respect des résolutions de l’ONU ! J’avoue qu’il y a un paradoxe à dire cela lorsque l’on voit Benjamin Netanyahu faire bombarder la force d’interposition des Nations-Unies au Liban et exiger son départ.

Assumer l’héritage de la civilisation romaine, comme nous devons le faire, nous autres Français, c’est bien entendu refuser le mélange du spirituel et du temporel. Bien entendu, nous devons combattre un millénarisme musulman quand il nous menace ou tente de s’imposer à nous. Je constate simplement que nous ne pourrons pas combattre efficacement ce millénarisme-là si nous prenons fait et cause pour les deux autres millénarismes qui mettent en danger la paix : celui des évangélistes américains et celui d’une bonne moitié de la société israélienne.

Tout Français qui veut être pris au sérieux quand il réclame l’assimilation des musulmans dans notre pays doit rester loin des guerres menées par des messianismes, américain ou israélien, qui ont fait des musulmans et des Arabes (y compris chrétiens) leur cible favorite.

Comment un gouvernement français peut-il être crédible si, aussitôt après avoir dénoncé une agression antisémite en France, il prend fait et cause pour le gouvernement Netanyahu?

Au contraire, nos gouvernants ont une responsabilité immense : un pays qui accueille la première communauté juive d’Europe et la première communauté musulmane du continent, en effectifs, se doit d’être prudent, de conserver sa neutralité, pour bannir à tout prix la guerre civile.

Édouard Husson est professeur à CY Université Paris-Cergy.
Il est co-fondateur de l'Institut Brennus.
Il est aussi directeur de la publication du Courrier des Stratèges.
Il a notamment publié :
Comprendre Hitler et la Shoah, Paris, Presses Universitaires de France, 2001
(avec Bruno Cabanes), Sociétés en guerre.1914-1945, Paris, Armand Colin, 2003
Heydrich et la "solution finale" (pref. Ian Kershaw; postface Jean-Paul Bled), Paris, Perrin, 2008
(avec Norman Palma), Le capitalisme malade de sa monnaie. Essai sur l'origine monétaire des crises économiques, Paris, François-Xavier de Guibert, 2009.
Paris-Berlin. La survie de l'Europe, Paris, Gallimard, 2019

photo Sipa/Fatima Shbair

Le texte intégral  ici 

18 octobre 2024

Alexis Haupt
Philosophie

Dans l’Antiquité égyptienne, l'homme croyait aux récits du pharaon et à ses dieux. À celle des Grecs, il croyait aux récits sur Zeus, fils de Cronos. Au Moyen Âge, il croyait au récit du roi et du clergé, etc. Aujourd’hui, notre brave Homo sapiens n’a pas tant changé, il « croit en la science » et en la « démocratie représentative » sans se rendre compte que cela est antinomique, mais par-dessus tout, il croit aux médias. Ceux-là mêmes qui l’ont « converti » à la science et à la « démocratie représentative » par un colossal bourrage de crâne et une savante ingénierie sociale. Évidemment, notre Homme ne le formule pas ainsi. On ne l’entendra jamais dire « Je crois aux médias ». Et c’est précisément pour cela que cette sorte de croyance est la plus puissante de toutes, elle n’est pas conscientisée. Voilà donc que sa vie est rythmée par sa soumission aux récits des médias, sans même qu’il le sache. Notre Homme est un croyant qui s’ignore. Il croit en s’imaginant qu’il pense.
La particularité de cette « religion » n’est pas tant de croire à un récit médiatique précis, mais de croire à tous les récits promus par les grands médias.
COVID : ni oubli ni pardon

Emmanuel Lechypre sur RMC le 29 juin 2021 : "Les non-vaccinés, ce sont des dangers publics. J'ai une démarche très claire : je ferai tout pour en faire des parias de la société. Vous mettez la vie des autres et la vôtre en danger. Il y a un moment où la connerie, ça suffit (...) Je les attends, appelez-nous. On vous vaccinera de force. Je les ferai emmener par deux policiers au centre de vaccination. Il faut aller les chercher avec les dents et avec les menottes s'il faut !"

Laurent Neumann, en face, ainsi que Laure Closier, sont rapidement intervenus, en soufflant qu'il était "complètement zinzin".

Cette idée venait déjà d'être abordée par l'économiste Thomas Porcher dans les "Grandes Gueules" qui disait vouloir "rendre la vie difficile" aux non-vaccinés.

Jak

Acharnement : alors qu'il est à la retraite !
Didier Raoult radié deux ans de l'ordre des médecins

Vidéo de 27mn 48s ↴


L'impressionnant CV du Professeur Didier Raoult

CURSUS UNIVERSITAIRE ET DIPLÔMES

- Doctorat en Médecine (25 Mars 1981)
- Diplôme d'Université de Médecine tropicale, Marseille, 1980-1881
- C.E.S. Bactériologie-Virologie clinique, 1981
- C.E.S. Diagnostic biologique parasitaire, 1982
- Cours de Bactériologie systématique de l'Institut Pasteur, 1983-1984
- Diplômes de l'U.S. Department of Health and Human Service (Center for Disease Control - Atlanta
U.S.A.) : Principles of Epidemiology, 1983
- Communicable Disease Control, 1984
- Spécialiste de Médecine interne, 1984
- Cycle de Biologie Humaine
- Certificat-Bactériologie-Virologie générale, 1981
- Certificat de Pharmacologie générale, 1983
- Équivalence de Maîtrise, 1981
- AEA de Bactériologie, (Montpellier 1982)
- DERBH Montpellier, 1983 (Etude épidémiologique et sérologique de la Fièvre Boutonneuse Méditerranéenne)
- Doctorat d'Etat en Biologie Humaine : Nouveaux aspects cliniques, biologiques, physiopathologiques et épidémiologiques de la Fièvre Boutonneuse Méditerranéenne. Mise au point et
applications de nouvelles techniques sérologiques (Montpellier 21 Mai 1985)

TITRES ET FONCTIONS UNIVERSITAIRES

- Assistant des Universités, 01 Avril 1984
- Maître de Conférence des Universités : 1986
- Professeur des Universités : 1988
- Professeur de première classe : 1995
- Professeur Classe exceptionnelle 1er échelon : 2000
- Professeur Classe exceptionnelle 2ème échelon : 2003

FONCTIONS HOSPITALIÈRES

- Interne des Hôpitaux de Marseille : 1er Octobre 1978, 1er Avril 1984
- Assistant des Hôpitaux : 1er Avril 1984
- Praticien Hospitalier, de Bactériologie-Virologie, 1986
- Chef de Service : Laboratoire de Bactériologie-Sérologie Hôpital de la Conception, Marseille, 1989
- Chef de Service : Laboratoire de Bactériologie-Virologie, Hôpital de la Timone, Marseille, 1991

PRIX ET DISTINCTIONS NATIONAUX

- Prix Léon Isemein, (Marseille), 1983
- Prix Nourri - Lemarié, (Médecine tropicale France), 1985
- Prix de l'Association des Chefs de Travaux, ( Marseille), 1986
- Prix Science et Défense, (France), 1996
- Prix Piraud, (Fondation médicale de France), 1997
- Prix Jean Valade, (Fondation pour la Recherche), 2003
- Prix du Rayonnement international (Festival des Sciences) (Marseille), 2003
- Lauréat régional des trophées INPI de l’innovation, France, 2006
- Prix de l’Académie Nationale de Médecine, Eloi Collery, 2009

INTERNATIONAUX

- Dénomination d'un genre (Raoultella) de bactéries pathogènes pour l'homme et les plantes, 2002
- Prix des Sciences Médicales d'Outre Mer, (Académie royale de Belgique), 2002
- Prix d'excellence de l'European Society for Clinical Microbiology and Infectious Diseases, (Europeen), 2002
- E. Gardner King Memorial lecture Edmonton, (Canada), 2002
Joseph E. Smadel lecture, Infectious Diseases Society of America, (San Diego), (USA), 2003
- Fred Soper Lecture (American Society for Trop Med Hyg) Washington, 2005
- Medical Grand rounds, 6th International Conférence Northwestern Memorial Hospital in Chicago, (USA) octobre 2005
- Medical Grand Rounds, Medical School, Stanford, (USA) septembre 2006
- Medical Grand Rounds, Massachusetts General hospital , Boston (Massachusetts,USA), 2006
- Distinguished lecture at Washington State University “genomic of rickettsia”, Pullman (Washington,USA), 2006 Introduction lecture (Société Américaine de microbiologie) ICAAC, Chicago, 2007
- Sackler Lecturer award, University of Tel Aviv, Israel, 2007-2008
Khwarizmi International Award (KIA), Téhéran, IRAN, 2009

DÉCORATIONS

- Chevalier de l'Ordre National du Mérite. 8.5.1995
- Médaille d'argent du Service de Santé des Armées : 12.1997
- Médaille d'honneur de la ville de Marseille : 7.2000
- Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur. 1.1.2001.
- Chevalier des Palmes Académiques : 14.07.2003
- Médaille d’argent du Ministère de la Jeunesse et des Sports (2005)

STAGES ET MISSIONS

- Stage au Center for Disease Control. Atlanta U.S.A., Branche des zoonoses (Dr. J.E. Mc DADE) 1 mois, octobre 1986
- Stage au Naval Medical Research Institute. Bethesda U.S.A., Rickettsial Branch, (Dr. G.A. DASCH) 6 mois, du 01.09.1985 au 01.03.1986
- Mission au Brésil (organisée par la Ville de Marseille) Diagnostic biologique des Leptospiroses au cours de l'inondation de Rio de Janeiro (février 1988). Isolement de 16 souches de Leptospires.
- Mission en U.R.S.S. (organisée par l'Académie des Sciences d'U.R.S.S.), mai 1990. Exploration d'une nouvelle maladie (Astrakhan fever), isolement postérieur d'une nouvelle espèce de rickettsie.
- Mission à Goma (Zaïre) organisée par l'OMS, en août 1994. Recherche d'une épidémie de typhus,
(isolement d'une nouvelle espèce de Stenotrophomonas).
- Mission au Burundi organisée par l'OMS, en février 1997. Investigation d'une épidémie de typhus,
identification de la plus grande épidémie de typhus dans le monde depuis 50 ans.
- Mission au Pérou en mars 1998, organisée avec les services de santé du Pérou, investigation d'un
nouveau foyer de Verruga peruana et d'une épidémie de typhus.
- Mission à Genève (OMS) organisation de la lutte contre les filarioses par le traitement des symbiotes
(Wolbachia), décembre 1999
- 2008. Découverte d’un virus géant : Mamavirus, classée 33ème sur 100 au top de l’histoire de la science (revue Discover : Science, Technology and the Future) janvier 2009

INSCRIPTION À DES SOCIÉTÉS SAVANTES

- Société de Pathologie exotique, 1978
- Société de Pathologie infectieuse de Langue Française, 1981
- Société Française de Microbiologie, 1984
- American Society for Rickettsiology, 1984
- American Society for Microbiology, 1984
- American Society for Infectious Diseases, 1990
- European Society for Clinical Microbiology & Infectious Diseases, (ESCMID) 1992
International Society for Infectious Diseases, (ISID), 1995
- American Academy of Microbiology, 2004 Etc...

À propos de la mort de Sinwar

Michel Collon

18/10/2024 – La résistance palestinienne, ce n’est pas un dirigeant. C’est tout un peuple qui refuse le colonialisme.
Certes Israël et les États-Unis parviennent à porter de sérieux coups à leurs adversaires. Les assassinats ciblés et l’extermination de masse, à Gaza, au Liban, et aussi les pogroms en Cisjordanie (où il n’y a pas de Hamas) peuvent donner l’illusion d’une victoire proche. Personne ne peut prévoir le timing et les formes que prendra le conflit, mais la résistance palestinienne ne mourra jamais.
Comme l’a reconnu le contre-amiral israélien Hagari : « Le Hamas est une idée, le Hamas est un parti. C’est enraciné dans le cœur des gens : quiconque pense que nous pouvons éliminer le Hamas a tort. »
Le peuple palestinien n’a cessé de résister depuis 1948. Israël a déjà assassiné de nombreux dirigeants palestiniens, mais la résistance n’a jamais disparu. La guerre cessera seulement le jour où, tous ensemble, nous aurons mis fin au colonialisme israélien qui est en réalité un colonialisme de l’Occident. Le dernier colonialisme.

Bordeleau Lucile

Comment en est-on arrivé là ?

H16

18/10/2024 – Sans grande surprise, l’agence de notation Fitch a dernièrement lancé un avertissement à la France devant l’ampleur de la dérive budgétaire constatée dernièrement, ce qui revient à une petite tape sur les doigts.

Pour l’agence, il suffit d’une perspective négative pour faire passer son message. Les plus naïfs se réjouiront que les emprunts du Trésor public n’augmenteront (peut-être) pas leurs taux, pourtant déjà musclés et qui coûtent de plus en plus cher. Les réalistes savent que Fitch suit les directives très politiques que les États imposent à ces agences : il s’agit de ne pas effaroucher les marchés alors que les finances françaises sont dans une situation catastrophique.


Ce déficit – aussi abyssal que caché jusqu’à récemment – donne quelques noisettes à Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, pour dynamiter facilement le bilan économique de la Macronie, et confirmer l’impression de beaucoup de Français qu’on court, obstinément, vers une catastrophe majeure tant les solutions mises actuellement en avant par les clowns au pouvoir sont parfaitement contraires à ce qu’il faudrait faire d’évidence.

En effet, pour eux, il semble nécessaire d’augmenter encore les ponctions, taxes et impôts qui pèsent sur les Français afin d’équilibrer les comptes (c’est-à-dire de continuer à avoir un déficit monstrueux, juste moins énorme).

Pourtant, si l’on regarde l’ensemble des ponctions qui grèvent un salaire moyen d’un salarié moyen, on comprend assez vite le problème : pour Chloé, la proverbiale “salariée française moyenne”, il s’avère que plus de 60% de ce que l’entreprise débourse pour l’embaucher disparaît dans le tonneau des Danaïdes public.

Concrètement, cela veut dire que Chloé (ou le proverbial Nicolas, pas de sexisme) devra attendre très longtemps avant de pouvoir s’acheter un bien immobilier, qu’elle devra faire très attention avant d’avoir des enfants, voire y renoncer complètement, car avec ce genre de ponction, il est essentiellement très difficile d’épargner. Ce sont aussi des dépenses d’agrément qui n’ont pas lieu et dont le reste de l’économie ne pourra pas bénéficier (tourisme, restauration, artisanat local) et des frais qui seront minimisés alors qu’ils sont pourtant absolument nécessaires (santé, notamment).

Et malgré ces ponctions records, l’État affiche plus de 3200 milliards d’euros de dette, et un déficit défiant toute planification budgétaire.

Alors, heureux ?


Mais saperlipopette, comment en est-on arrivé là ?

Il n’y a bien sûr pas qu’une seule raison, et un simple billet ne pourrait les détailler toutes.

Mais tout de même, la situation actuelle n’est pas arrivée brutalement, dans la surprise et l’étonnement général. Ces dettes colossales, ce déficit monstrueux, ces ponctions de folie et ces services publics de plus en plus médiocres sont essentiellement la résultante de choix politiques multi-générationnels, répétés avec une belle obstination.

On peut tortiller les faits dans tous les sens, il n’en reste pas moins que les principaux responsables de ces dérives, au-delà des évidents coupables actuels (qui devront un jour rendre gorge pour ce pillage, cette incompétence, ce cynisme et cette désinvolture), ne sont nuls autres que Chloé, Nicolas et leurs parents.

Eh oui, ils ont assez constamment voté pour les socialistes de droite et de gauche qui se succèdent au pouvoir depuis 50 ans. Et si, il y a un demi-siècle, on pouvait assez clairement voir les différences dans la façon de gérer le pays, à force de voter pour ceux qui promettaient de distribuer les richesses des uns dans la poche des autres, petit à petit, ces différences se sont estompées et ne sont plus restées que les petites distinctions d’affectation des pillages opérés.

Alors oui, bien sûr, aux dernières élections, Chloé, comme Nicolas, n’avaient guère le choix qu’entre des socialistes de droite ou des socialistes de gauche, les uns promettant de taper plus sur les autres et inversement de l’autre côté du spectre politique.


De fil en aiguille, Chloé, Nicolas et leurs parents ont, par leurs votes répétés, éliminé du paysage politique ceux qui préconisaient d’arrêter les gabegies, les distributions d’argent gratuit des autres, ceux qui rappelaient qu’une dette doit se rembourser.

Bien sûr, ils ont été convaincus par les médias qui, eux aussi, ont choisi la surenchère : ils ont favorisé les cigales, ils ont moqué les fourmis pendant des décennies et ont colporté les âneries agréables des premières en avilissant les dures réalités qu’osaient proférer les secondes. À force, les fourmis n’ont plus été écoutées et les cigales avaient le champ libre.

Bien sûr, ils ont été éduqués par des enseignants, des éduqués, des intellectuels et des experts qui, eux aussi, ont adoré la même surenchère, et ont, eux aussi, chanté les louages des cigales et ridiculisé les avertissements des fourmis.

Mais à la fin, Chloé et Nicolas ont voté pour le consensus. Tout le monde sait que les fourmis libérales sont des connes et des mangeuses de chatons qu’on doit mépriser. Les cigales collectivistes promettent de chanter tout l’été, et de faire durer l’été bien au-delà d’une saison. C’est même dans leur programme politique, pardi. Donc ça doit être top, non ?

Après des années de propagande et de consensus, Chloé et Nicolas, bien dans le rang, sont persuadés que ce sont les “salauds de riches” qui ont pourri le pays. Ils sont persuadés que c’est à eux qu’il va falloir s’adresser pour redresser les finances du pays. Ils ont tout bien approuvé le pass vaccinal, comme on le leur a demandé, par exemple. Ils applaudissent les messages “contre les riches”, et ils descendent dans la rue dès qu’on touche aux avantages des uns ou des autres. Ils croient dur comme fer que les services publics sont “gratuits” voire que le monde entier nous envie notre sécurité sociale !

Formant 90% de la population française, Chloé, Nicolas et leurs parents sont absolument persuadés que le problème est l’ultralibéralisme, les grandes entreprises privées, le capital apatride et l’évasion fiscale. Sur les 10% qui ne pensent pas comme Chloé, Nicolas ou leurs parents, combien comprennent que le responsable de ces dettes, de ce déficit, et de la misère qui est en train de s’abattre sur le pays est l’État, ses administrations tentaculaires, son désir inextinguible de vouloir s’immiscer partout, de s’occuper de tout, tout le temps, de limiter toutes les libertés, de tout contrôler et diriger ? Combien ? 2% peut-être ?

Dès lors, il n’y a pas de doute : ce pays est foutu. Il faudra boire le vin jusqu’à la lie. Il faudra la faillite. Les Français ne comprendront pas tant qu’ils ne seront pas touchés directement, chacun d’entre eux.

Ce ne sont pas les 2% de libéraux qui feront basculer le pays.


https://h16free.com/2024/10/18/78939-comment-en-est-on-arrive-la-2

La pendaison de l’Empire américain à l’échafaud israélien – Pékin et Moscou assistent au spectacle

Lama El Horr / RI


Le théâtre géostratégique américain, qui connut son apogée au moment de l’éclipse de la Russie post-soviétique, se heurte aujourd’hui à des acteurs récalcitrants.

La Chine, la Russie, l’Iran et un grand nombre de pays du Sud contestent frontalement la distribution des rôles par Washington, scénariste autoproclamé, qui attribue systématiquement les rôles de perdants à ses concurrents géopolitiques, tout en s’octroyant celui de «bon roi sauveur».

Les enjeux sont de taille. Si les acteurs mondiaux acceptent d’incarner les rôles qui leur sont assignés dans le nouveau scénario américain, l’oligarchie occidentale sous leadership américain présidera aux affaires du monde pendant les décennies à venir. Mais si les acteurs refusent de se conformer à ce scénario, alors ils entraveront l’émergence du monde rêvé par Washington. C’est manifestement cette seconde option qui a été retenue, ce qui explique les crises qui déchirent plusieurs régions du monde.

Le dernier scénario en date de Washington

Pour contraindre leurs adversaires géopolitiques à endosser les costumes confectionnés sur-mesure, les États-Unis recourent à une méthode éprouvée : l’intimidation. Celle-ci prend tantôt la forme d’ingérences politico-militaires et de mesures unilatérales coercitives, tantôt la forme de guerres psychologiques.

L’assaut atlantiste contre l’ordre alternatif à l’hégémonie américaine constitue la trame du récit. Comme dans toute œuvre tragique, une charge de fatalisme annonce dès le départ la conflagration à venir.

Le scénario conçu par Washington se déroule à un niveau à la fois horizontal et vertical. Horizontal, car les tensions, crises et affrontements qui impliquent Washington et ses adversaires géopolitiques coexistent sur la scène internationale (G7 vs BRICS, OTAN vs Russie, Israël vs Iran, États-Unis vs Chine). Vertical, car les États-Unis hiérarchisent leur assaut contre les forces anti-hégémoniques en pratiquant une stratégie de poupées russes : les figurines emboîtées sont démembrées une à une, dans l’espoir d’un affaiblissement progressif de la cible finale, la Chine.

Dans cette stratégie verticale de démembrement, la Russie, ainsi que l’Allemagne et le reste de l’UE, ont constitué le premier acte. En Asie de l’Ouest, l’Iran et ses alliés de l’Axe de la Résistance constituent, nous y assistons aujourd’hui même, le deuxième acte. Du reste, comme en atteste la présence militaire accrue des États-Unis dans l’espace indopacifique, les préparatifs vont bon train pour mettre en branle le troisième acte, et atteindre au flanc une Chine censée avoir été affaiblie en amont par le démembrement préalable de ses partenaires stratégiques.

Le deuxième Acte du scénario : démembrer l’Axe de la Résistance

Le deuxième acte est celui qui se joue en ce moment même sous nos yeux, en Asie de l’Ouest. Cet acte, Washington l’a conçu comme un grand spectacle de tauromachie, où l’Axe de la Résistance représente le taureau à abattre, et l’Iran, le poumon du taureau. L’objectif est d’affaiblir la bête, en ciblant tous les membres de son corps : Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem Est, le Liban, l’Irak, la Syrie, le Yémen, l’Iran…, jusqu’à sa mise à mort. Plusieurs toreros participent à cet effort : Washington, Londres, Israël et l’Union européenne, mais tous agissent sous les ordres d’un torero en chef, le matador américain – qui se camoufle souvent derrière les flèches israéliennes.

Une scène en particulier se démarque à l’intérieur de ce deuxième acte : celle du «Judas technologique». Sans le savoir, le taureau porte en lui-même son propre poignard, dissimulé dans un bracelet au niveau de ses cornes, de ses sabots, de son flanc… C’est ce qui a donné lieu à l’épisode des pagers et des walkies-talkies, terrorisme d’État israélo-américain qui a poignardé le Liban dans le dos les 17 et 18 septembre 2024.

Cette scène du «Judas technologique», qu’interdit sans équivoque le droit international le plus élémentaire, avait été intégrée, secrètement et en amont, au deuxième acte du scénario américain. Votre compagnon technologique se met tout à coup à vous poignarder, à vous mutiler, dans les rues, les pharmacies, les magasins de la ville, de toutes les villes, et hors champ de bataille. À n’en pas douter, cette scène marque un précédent en matière de piétinement des droits de l’homme et du droit de la guerre -, mais aussi du droit à la guerre, seul moyen de résistance contre l’oppression.

Car faut-il le rappeler : le Hezbollah et ses alliés de l’Axe de la Résistance sont coupables, aux yeux de Washington et de son affidé israélien, de fournir une assistance à un peuple qui subit, depuis plus d’un an, un nettoyage ethnique doublé d’un génocide.

Les fonctions du «Judas technologique» dans le scénario américain

Dans le scénario israélo-américain, l’épisode du «Judas technologique» revêt plusieurs fonctions. Il vise tout d’abord à semer le doute quant à la capacité de l’Axe de la Résistance, notamment du Hezbollah, à continuer à soutenir les Palestiniens. Au vu des coups de plus en plus douloureux assénés aux forces israéliennes par le parti libanais et ses alliés régionaux, on peut d’ores et déjà affirmer que ce pari est perdu. L’opération terroriste des pagers contre des membres politiques et militaires du Hezbollah, et les assassinats de ses figures tutélaires, au premier rang desquelles Hassan Nasrallah, ont eu pour effet de décupler la détermination de la résistance libanaise et de ses alliés régionaux à se battre au côté des Palestiniens.

Le détournement de la technologie à des fins terroristes visait aussi à intimider Pékin, Moscou et leurs partenaires du Sud, en essayant de porter atteinte à la crédibilité sécuritaire des chaînes d’approvisionnement chinoises. En même temps, en adoptant un raisonnement par analogie – «nous l’avons fait, donc la Chine le fera aussi» -, les États-Unis utilisent cette opération terroriste pour justifier une intensification du découplage technologique américain de l’économie chinoise. Ici encore, le pari semble perdu, puisque les appels à se convertir à la technologie chinoise ont afflué à la manière d’un boomerang au lendemain de cette opération terroriste.

D’autre part, le fait que l’Iran ait finalement riposté aux moultes agressions israéliennes laisse supposer qu’il existe une étroite coordination stratégique entre Téhéran et Moscou. Alors que ces deux États clés de l’axe eurasiatique avaient temporisé la finalisation d’un accord de partenariat stratégique (pour apaiser Washington ?), il semblerait que l’évolution des tensions Téhéran-Washington et Moscou-OTAN, qui traduisent une hostilité croissante des États-Unis envers Téhéran et Moscou, ait accéléré la finalisation de ce partenariat, dont la signature est prévue lors du prochain sommet des BRICS à Kazan.

Il ne fait aucun doute que l’épisode des pagers visait aussi à mettre en garde les partenaires de Washington qui ne seraient pas suffisamment dociles aux desiderata de l’OTAN, du QUAD, du Pentagone ou du département d’État américain. Des pays tels que l’Inde, la Turquie, l’Algérie ou le Brésil peuvent avoir ressenti des pressions tacites pour se conformer à la stratégie américaine d’endiguement de la Chine et de boycott de la Russie et de l’Iran. Mais, au-delà même de ces puissances émergentes, l’objectif de Washington était de susciter l’épouvante à une échelle mondiale quant aux autres produits technologiques dont la fabrication dépend de Washington et de ses alliés. La fabrique du consentement par l’intimidation est un classique du genre américain.

En définitive, ce qu’il faut surtout retenir de cet épisode de la technologie kamikaze, c’est que pour maintenir leur domination sur le monde, les États-Unis et leurs pays satellites agissent désormais sans aucune ligne rouge – ni légale, ni diplomatique, ni humaine, ni éthique. C’est dire l’ampleur du danger qui guette notre monde.

Les défis contemporains doivent être confrontés collectivement

Cette impasse dans le règlement des crises mondiales est l’occasion de rappeler des fondamentaux : les règles de coexistence entre les grandes puissances ne sont pas consignées dans les communiqués belliqueux de l’OTAN, du Pentagone ou du département d’État américain, mais dans la Charte des Nations unies, qui constitue le seul contrat légitime censé régir les relations entre États.

Les derniers événements au Moyen-Orient ont révélé le penchant du bloc occidental pour un obscurantisme forcené, et le refus de ce bloc de traiter de manière civilisée avec le reste de l’humanité. Ces agissements marqueront sans nul doute les annales d’un Occident décadent, qui ne sait plus défendre ses intérêts qu’au travers de la tromperie, de la spoliation et des crimes de masse. Cela, grâce à des médias sans scrupule, dont le seul rôle est de forcer l’adhésion des foules en leur présentant comme blanc ce qui est indiscutablement noir. Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, de ce qu’un Netanyahou puisse laisser libre cours à son sadisme, tandis qu’un Georges Ibrahim Abdallah enchaîne sa 41ème année d’incarcération, pour avoir osé un jour embrasser la cause palestinienne.

Ceci doit pousser la majorité mondiale, Chine et Russie en tête, à se dresser plus unie que jamais contre la domination impérialiste américaine – qui est non seulement illégitime, puisqu’elle est répudiée par les deux-tiers de la communauté internationale, mais qui met en danger la survie même de l’humanité. La contribution de l’Inde, de la Turquie, de l’Algérie et du Brésil sont indispensables.

Si les États-Unis et leurs alliés sont capables de commettre un génocide face caméra, de poser des bombes dans les téléphones, les radios, les panneaux solaires ou les scooters, à l’échelle de tout un pays, alors qu’est-ce qui empêche de penser qu’ils sont également capables de piéger des avions, des trains, des bateaux, des voitures, des ascenseurs ? Qu’est-ce qui empêche de penser qu’ils sont également capables de créer des pandémies, voire d’insérer du poison dans les vaccins de l’industrie pharmaceutique ? Qu’est-ce qui empêche de penser qu’ils sont également capables de détourner les fonctions de l’agriculture, de l’eau, de l’industrie alimentaire, si cela peut les aider à nuire à leurs adversaires et à asseoir par la force leur domination sur le monde ?

Pendu à l’échafaud israélien, le tout jeune Empire américain est en train de commettre un suicide sur la place publique, et peu nombreux sont ceux qui songeraient à le sauver : «Si les États-Unis continuent à avoir la capacité de construire un ordre mondial unipolaire, cet ordre mondial sera le pire que la société humaine ait jamais connu. Les gens doivent bien comprendre cela».


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