Vincent Verschoore
- 10/1/2025 - Si la géopolitique version Biden pouvait ressembler à un berger utilisant ses chiens pour envoyer les moutons (nous) à l'abattoir, avec Trump ça ressemble plutôt au loup qui rentre dans la bergerie !
Il n'est pas encore installé à la Maison-Blanche qu'il veut déjà faire main basse sur le Canada, le canal de Panama et le Groenland, tout en reconnaissant que la guerre en Ukraine est, pour l'essentiel, le résultat de la provocation permanente de l'Otan à l'égard de la Russie.
Il est donc intéressant d'analyser les menaces de Trump dans une optique géopolitique, et d'abord comprendre qu'il applique à la lettre la doctrine Monroe : la sécurité dans le contrôle absolu de sa sphère d'influence immédiate (les Amériques), aux Européens de s'occuper de leur propre sphère. Ce que fait Poutine, qui refuse que la menace Otan s'installe à deux pas de chez lui, en Ukraine.
Vu ainsi, et vu que les US subsidient massivement le Canada sans réelle contrepartie, l'intégrer dans l'État fédéral US semble logique. Ce n'est pas très différent de ce que l'UE fait avec les petits États du Nord et de l'Est, quitte à y organiser des coups d'État (Ukraine) et à y contester les résultats électoraux qui lui déplaisent (Géorgie, Roumanie).
Concernant Panama, le fait est que le canal fut construit puis géré par les Américains, et cédé au Panama par Jimmy Carter, en échange de la garantie d'un droit de passage "équitable". Trump vise probablement à "disrupter" le trafic maritime chinois, gros client du canal, en en reprenant le contrôle.
Il est en effet nécessaire de comprendre que la vraie guerre en cours est celle entre les USA et la Chine, qui ont besoin l'un de l'autre commercialement parlant, mais qui cherchent tout deux la domination technologique et monétaire, et tous les coups sont permis sauf, espérons-le, l'échange nucléaire.
Pour le Groenland, enfin, l'acquisition de territoires fait partie de l'histoire US : l'Alaska bien sûr, acquise à la Russie en 1867, mais aussi divers territoires telles les îles Marshall. Pour les US, l'intérêt est évident : d'une part contrôle du passage du Nord, qui longe la côte Nord de la Russie et permet aux navires chinois d'accéder à l'Atlantique sans passer par Suez ou l'Afrique, d'autre part accès aux ressources naturelles du Groenland, notamment les terres rares dont la Chine a aujourd'hui le quasi monopole.
Sans doute conscient qu'il ne peut plus contrôler la Terre entière, Trump semble jouer la carte de la fortification américaine dans une concurrence sans merci avec la Chine. L'Europe, vassalisée et pillée par les US grâce à la collaboration des "Young Leaders" et autres crapules de haut vol qui font la loi ici, ne compte pour plus grand chose, et Trump compte bien en extirper ce qu'il lui reste de jus en l'obligeant à payer massivement pour la "protection" de l'Otan. Un racket pur et dur, dont de Gaulle, déjà, se méfiait fortement.
Trump n'est donc pas notre ami, ni plus ni moins que ne l'était Biden, mais avec une stratégie a priori un peu différente. Il n'est sans doute pas hostile à un renouveau de liens économiques entre la Russie et l'Europe, préférant cela à un contrôle total de la Chine sur la Russie. Il n'aurait sans doute pas fait sauter Nordstream, ni tout fait pour qu'il y ait une guerre longue et mortelle en Ukraine, mais par contre son soutien à Israël est sans doute encore plus profond que ne l'était celui de Biden, et il ne fait aucun cas du massacre des Palestiniens.
Tout, chez Trump, doit se comprendre dans le cadre d'une logique de guerre de tranchées face à la Chine : un Hinterland fortifié et autosuffisant, des frontières armées, une supériorité technologique, et quelques vassaux (Israël, l'UE, le RU, le Japon, la Corée du Sud...) où il peut entretenir des bases militaires pour surveiller l'adversaire.