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29 janvier 2024

Gilles Casanova

Des idiots ou des gens mal intentionnés essaient de nous faire croire qu'un complot mondial dirige la planète, tenu en main par des extraterrestres ou un petit groupe secret qui voudrait s'emparer de la richesse.
Rien n’est plus faux.
Il existe tout simplement des instances politiques, par exemple l'OCDE qui siège à Paris, au château de la Muette et rassemble les pays les plus riches du monde, qui y délèguent chacun un ambassadeur, dans le but de les aider à consolider leur forme d'organisation politique et sociale.
Cela n'a rien d'un complot, l'OCDE, c'est même tout le contraire : c’est parfaitement ouvert, c'est parfaitement public, les documents sont totalement accessibles et publiés intégralement.
Il n'y a aucune raison d'imaginer qu'il y a le moindre secret dans ces organisations qui sont payées avec nos impôts.
Le problème c'est que les médias n'attirent absolument jamais l'attention sur les travaux de ces organisations lorsqu'ils ont un peu d’intérêt.
On ne nous parle de l'OCDE que pour dire que la France a reculé dans tel ou tel classement fait par cette instance mais on ne nous dit pas à quel point elle réfléchit pour inspirer nos gouvernants.
Voici un extrait d'un document public dont je vous donne l'adresse du texte intégral*, et vous allez voir que ça ressemble beaucoup à la politique pratiquée ici, et vous allez voir que c'est sans fard, avec un cynisme absolument hallucinant qu’est écrit ce conseil aux gouvernants contre les peuples.
Il n'y a pas de complot mondial, il y a cependant une alliance des plus riches pour le rester et l'être encore plus.
Et des gouvernants qui, quelle que soit la couleur sous laquelle ils se font élire, quelle que soit la promesse qui peut les conduire à la place où ils se trouvent, sont encouragés à mener la politique qui conduit à ce que quelques individus possèdent plus que la moitié de l'humanité.
Non, ce n'est pas un malheur dont personne ne connaît la cause, ce n'est pas la résultante involontaire de tel ou tel événement, c'est une politique délibérée, c'est un choix.
Lisez vous n'allez pas le regretter…


Maxime Tandonnet


La France unie contre :

Le totalitarisme « vert » (sans lien avec la protection de la nature et de l’environnement)
La destruction systématique de la démocratie parlementaire comme référendaire
La banalisation de l’autocratie impuissante
Le mépris des gens, le mépris du peuple
Le grand naufrage de la politique dans l’esbroufe narcissique
L’obscurantisme bureaucratique sous couvert « d’Europe »
Marc Amblard

RÉPUBLIQUE ET DICTATURES

Gabriel Nerciat

Pendant plus d'un demi-siècle (depuis le massacre du Champ-de-Mars de juillet 1791, supervisé par le dégoûtant marquis de La Fayette, jusqu'aux sanglantes journées de juin 1848 où le si "républicain" général Cavaignac expédia dans la fosse commune en l'espace de trois jours plusieurs milliers d'ouvriers parisiens), les élites libérales françaises adeptes des théories approximatives du baron de Montesquieu n'eurent de cesse de s'opposer au suffrage universel afin d'être en mesure d'exercer seules, dans une relative irresponsabilité politique, la totalité du pouvoir exécutif et législatif, source de la souveraineté de la Nation.
Mais au bout du compte, elles durent capituler.
Le suffrage universel s'imposa, de même que le principe de la responsabilité des gouvernements devant le Parlement élu (ce que Montesquieu aurait jugé, comme ses disciples américains George Washington ou Alexandre Hamilton, tout à fait inacceptable).
Entre 1958 et 1962, Charles de Gaulle en rajouta une couche, si l'on peut dire, se souvenant de quel côté avaient été les notables orléanistes en 1940 et les gandins libéraux ou démocrates-chrétiens du MRP en 1946 : il leur imposa sans ménagement l'usage constitutionnel du référendum et l'extension du suffrage universel direct à l'élection du président de la République. S'il en avait eu le temps, il se serait aussi payé le Sénat.
Les libéraux ont accusé le coup, mais ils ont fini par trouver la parade, en combinant deux pouvoirs qu'ils espéraient à vocation dictatoriale, car institutionnellement indépendants de toute forme d'exercice du suffrage universel ou de contrôle politique : l'Union européenne de Jean Monnet et Jacques Delors d'une part, et le Conseil constitutionnel de René Cassin et Gaston Palewski d'autre part.
Force est de reconnaître, cinquante ans plus tard, qu'ils ont réussi leur coup.
Dès lors, deux questions se posent :
1) Une dictature qui ne verse pas le sang est-elle plus amendable ou acceptable qu'une autre ?
2) Est-il légitime d'user envers la dictature des juges constitutionnels et des commissaires européens de la même violence insurrectionnelle qu'envers des tyrannies classiques, militaires, claniques ou à parti unique ?
Pour ma part, je n'hésite pas à répondre non à la première question et oui à la seconde.
Mais quelles que soient les réponses qu'on fait, je reste de plus en plus persuadé que ces deux questions seront celles à propos desquelles se jouera, chaotiquement, le destin de la nation dans la décennie qui vient.
P.S : "Méfiez-vous des juges : ils ont eu la peau de la Monarchie, ils peuvent avoir celle de la République." (François Mitterrand à Michel Rocard en 1990)

Agriculteurs en colère : une colère pour rien ?

H16

29/1/2024 - La scénographie est efficace, les cascades réglées au millimètre, la musique et les effets sonores parfaitement synchronisés avec les gesticulations : tout y est, le mouvement paysan peut passer sur BFMTV, et les caméras peuvent suivre le frétillant nouveau Premier Ministre résoudre avec brio sa première crise.


Tout a pourtant commencé d’une façon qu’on pourrait qualifier sans rire de bio d’organique : des agriculteurs, ployant sous le poids des normes, des contraintes et des obligations légales que leurs exploitations subissent, finissent par protester contre la fiscalisation des carburants qui fait s’évaporer les maigres marges qu’ils parvenaient à conserver jusqu’à présent.

Plusieurs semaines s’écoulent pendant lesquelles on peut observer deux phénomènes intéressants : d’une part, le mouvement gagne progressivement en ampleur en partant du Sud-Ouest de la France, aidé en cela par les réseaux sociaux ; d’autre part, les médias se montrent fort timides, relatant de façon vague et discrète les actions de blocage en cours. Plaisante bizarrerie : aucune action de maintien de l’ordre n’a lieu et les agriculteurs échappent jusqu’alors aux tirs de LBD et autres charges de CRS.

Et puis, rapidement, en l’espace de quelques jours, tout se met en place : le gouvernement, soudain sorti de sa léthargie, semble s’intéresser aux revendications agricoles ; rapidement, une tête élue par personne – Jérôme Bayle – semble apparaître pour fédérer les meneurs de ces troubles paysans qui agitent le pays ; les syndicats fleurissent aux micros commodément tendus par toutes les chaînes d’information continue ; des députés, des politiciens, des ministres harpent sur la nécessité vitale des fiers agriculteurs pour maintenir nos beaux paysages, nos belles traditions, nos bons produits et nos belles ressources vivrières. Et alors que les blocages se multiplient, que certaines actions paysannes se font plus violentes, les CRS ne rentrent toujours pas dans la danse.

Des négociations sont courtoisement entamées. Les paysans ne cèderont pas, expliquent-ils : il y a trop de contraintes délirantes ; l’écologie, ça va bien deux minutes, mais le déluge normatif que les Gaïatollah ont provoqués les empêchent de travailler et de gagner décemment leur vie ; la transition écologique se traduit littéralement par des faillites et des suicides et ce qui a été observé en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne s’observe aussi en France…


Pourtant directement responsables de la situation en ayant pourri toutes les administrations, toutes les politiques avec leurs idées catastrophiques, les écolos se défaussent partout où ils le peuvent : “nous ne sommes pas au pouvoir, nous n’avons rien fait et nous sommes pour la Nature et avec les agriculteurs” (ceux-là même qu’ils accusent pourtant de ruiner la terre, l’environnement et la santé des gens).

Et alors que la tension monte, qu’on craint même le pire lorsqu’un triplet d’OQTF vient blesser un agriculteur, tuer sa femme et sa fille sur un barrage d’autoroute, les négociations avancent et, à la faveur d’un vendredi bien troussé et d’un Premier ministre en tournée communicationnelle entre un tracteur et une balle de foin, voilà que déboule un accord et que, bientôt, les agriculteurs et le gouvernement se féliciteront enfin d’une paix retrouvée.

Ah, que voilà belle victoire pour le nouveau et jeune Premier ministre qui, ainsi, montre d’évidentes capacités à gérer les conflits sociaux et les résoudre prestement ! Ah, que voilà belle victoire pour Jérôme Bayle, l’agriculteur qui s’est ainsi mis en avant et qui va pouvoir repartir, fier d’avoir contribué à l’amélioration des conditions de vie de ses collègues !

Et tant pis si, finalement, les autres agriculteurs comprennent vite que tout ceci est un théâtre grotesque, que les mesurettes ainsi “gagnées” ne sont que des bricolages marginaux qui ne résoudront rien aux problèmes profonds de l’agriculture française…


En réalité, tout se déroule comme prévu, c’est-à-dire très mal.

Le déclassement de l’agriculture française était garanti tant le délire normatif français perfuse dans toutes les administrations, toutes les politiques, toutes les lois mises en place ; la concurrence avec les autres pays européens, déjà peu égale, est féroce mais elle tourne au tragique avec le reste du monde qui n’a cure des boulets législatifs que la France (et la France seule) s’attache aux pieds. S’y ajoutent les délires maintenant hystériques d’écologie destructrice (“farm to fork”, l’ARENH – véritable honte énergétique, taxes à gogos, etc.) qui transforment des questions épineuses en véritables obus à sous-munitions.

Il est évidemment hors de question d’abaisser nos contraintes pour les aligner avec nos voisins. Logiquement, le gouvernement, comprenant très bien que les agriculteurs ont la faveur de l’opinion publique – comme du reste au début des manifestations de boulangers, de marins-pêcheurs, des Gilets jaunes, des Bonnets rouges, etc. – déploie donc les mêmes procédés et les mêmes artifices pour dégonfler le conflit.

D’une part, en utilisant une figure emblématique du mouvement, il se dégotte une voix et un visage avec lequel faire semblant de négocier. Une personne seule est facile à acheter, à faire plier, à amadouer ou persuader.

D’autre part, on essoufflera le mouvement par infiltration de syndicats et de militants aux revendications de plus en plus lunaires, tout en accroissant progressivement la violence et les destructions arbitraires (préférablement débiles) de biens privés. Il est ainsi aisé de retourner l’opinion publique, et de caricaturer les demandes en les réduisant à réclamer encore plus de subventions pour eux-mêmes et de taxes pour les autres.

Le gauchisme le plus crasse est venu à bout de tous les mouvements populaires récents, celui-ci a donc très peu de chance d’y échapper.

Il va bien sûr de soi que ce ne sont pas les petits aménagements, les subventions et les chèques tracteur (ou je ne sais quelle idée du même acabit) qui résoudront les problèmes des agriculteurs : la régulation délirante, la suradministration et la paperasserie continueront de croître ; l’appauvrissement continuera donc des petits exploitants, explicitement voulue par le pouvoir afin de concentrer le secteur agricole dans les mains de quelques gros industriels bien en cour. Rien ne devra remettre en cause la connivence entre Big Farm et le pouvoir en place.

Dès lors, il est fort peu probable qu’il sortira quelque chose de positif de ce mouvement : les paysans vont rapidement se retrouver coincés entre des messages de plus en plus confus et collectivistes voire marxistes, une opinion publique défavorable et un gouvernement qui aura beau jeu, alors, de se montrer ferme avec ce qui apparaîtra comme des débordements déraisonnables.

On pourrait imaginer les paysans, parvenant à se débarrasser de leurs syndicats pourris jusqu’à l’os et de la racaille gauchiste qui va gangrener leurs rangs. On pourrait les imaginer qui comprennent que leur ennemi n’est ni le peuple, ni les distributeurs ou les industriels, mais l’État qui ponctionne, régule et taxe partout et ne sert plus à rien. On pourrait les imaginer se retourner contre les vrais responsables de leur situation (administrations, élus, gouvernement), et leur imposer ce retour à la raison par l’usage de la force, qui seule fonctionne contre les psychopathes, les pervers et les corrompus. Mais on avouera que ça demande un effort d’imagination vraiment très fort.

C’est pour cela que ce pays est foutu.


28 janvier 2024

Jubilatoire !

Eric Vial

Le dernier ouvrage du philosophe Ghislain Benhessa, « Le référendum impossible, comment faire taire le peuple » est absolument jubilatoire. C’est l’histoire d’un hold-up : celui de la souveraineté du peuple français et de la démocratie directe.
L’enseignant de l’Université de Strasbourg décrit un à un les mécanismes qui ont conduit au vol de cette souveraineté et au schisme qui en résulte entre le peuple et ses élites.
Le désintérêt pour la chose publique est désormais tellement profond que « 60% des Français disent comprendre, sans les cautionner, les comportements violents à l’égard des députés et de leurs collaborateurs » ; « 40% des Européens estiment que voter ne sert à rien ».
Si les faits n’étaient pas si graves, l’ouvrage serait drôle, « voter bien ou ne pas voter ». Il est parsemé d’anecdotes historiques et de renoncements intellectuels qui ne visent qu’à la création et la préservation d’une caste de privilégiés : les élus.
Le constat est forcément amer pour notre République. De la Première Constitution des Révolutionnaires qui s’appuyait sur la philosophie des Lumières à aujourd’hui, où en sommes nous ?
De l’Abbé Sieyès qui proclamait que les représentants du peuple ne devaient « jamais être nuisibles à ses commettants » aux multiples passages en force par le 49.3, où en sommes-nous ?
De la volonté des constituants de la Vème République qui considéraient « qu’en période de tumulte, le dernier mot doit revenir au peuple dont la souveraineté rend la consultation obligatoire » à la « trahison du Traité de Lisbonne » alors que les Français avaient dit « non » à l’Europe par référendum en 2005, où en sommes-nous ?
Bref, le peuple considéré comme ignorant pour lui-même des affaires qui le concernent, est cadenassé, bâillonné, méprisé. Il n’a plus son mot à dire. « Le mal se loge dans le gouffre qui sépare le peuple de la décision prise par ses représentants. »
De l’Europe au Conseil Constitutionnel, à l’Assemblée Nationale en passant par l’Élysée, Ghislain Benhessa arpente comme un fin limier tous les lieux du détricotage de « la souveraineté par le peuple et pour le peuple ».
Le docteur en droit ne donne pas les solutions pour se sortir de ce marasme démocratique, mais il met très clairement des mots sur des maux, pointant les incapacités des différents présidents de la République après de Gaulle, à « prendre leur responsabilité » lorsque la souveraineté populaire s’exprime.
Benhessa conclut cette démonstration éloquente par : « qu’on ne s’y trompe pas, le placement sous tutelle du référendum va de pair avec la mise à mort du destinataire de la question : le peuple ».
« Le Référendum impossible » aux éditions de l’Artilleur est à lire absolument.

27 janvier 2024

Incendies, destructions... Pourquoi Darmanin laisse faire les agriculteurs

Reporterre

Action d'agriculteurs à Perpignan le 22 janvier 2024. Le ministre de l'Intérieur refuse de condamner les violences. - © AFP / Lionel Pedraza / Hans Lucas

Alors que les agriculteurs multiplient les actions destructrices, l’impunité totale dont jouit la FNSEA tranche avec la brutalité de la répression contre les écologistes, les quartiers populaires ou les Gilets jaunes.

On connaissait le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, martial et autoritaire, gonflant les muscles à chaque mouvement social. On l’a découvert jeudi 25 janvier sur TF1 empathique et laxiste devant la mobilisation des agriculteurs. « On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS », a-t-il affirmé dans un élan de lucidité. Refusant de condamner les violences, le ministre a assumé de laisser faire « à la demande du président et du Premier ministre ». « Les agriculteurs travaillent (...), ce sont des patriotes », a-t-il ajouté. « S’ils respectent les règles de la République, il n’y a aucune raison de faire intervenir les policiers et les gendarmes. »

Cette stratégie du maintien de l’ordre et l’impunité dont jouissent la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et la Coordination rurale interroge. La tolérance soudaine du pouvoir tranche avec la brutalité avec laquelle le gouvernement a réprimé ces dernières années les Gilets jaunes, les syndicalistes opposés à la réforme des retraites ainsi que les quartiers populaires. Elle contraste aussi avec ses diatribes contre les « écoterroristes ».
Routes bloquées, arbres abattus

Depuis plus d’une semaine, des autoroutes et des nationales ont été bloquées dans tout le pays. Des péages ont été ouverts de force, des barrières démontées, des caméras et des radars ont été mis hors service. Des arbres ont été abattus et tronçonnés le long de l’autoroute A9 près de Nîmes pour stopper les véhicules. « Les blocages ont lieu et il n’est pas question de venir empêcher cette expression de revendication », a déclaré la nouvelle porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, à l’issue du Conseil des ministres, mercredi 24 janvier.


Six arbres tronçonnés : les agriculteurs de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs s’en sont pris, à Saintes (Charente-Maritime) à la Fédération de pêche. Celle-ci dénonce les effets délétères de l’irrigation sur les cours d’eau. X / EPTB

Une réaction bien différente de celle adoptée par le gouvernement à l’égard de Dernière rénovation, qui avait, lui aussi, bloqué des routes. Bilan pour ce collectif qui a récemment tiré sa révérence : trente-deux procès passés ou à venir. On se rappelle aussi le sort réservé aux militants d’Extinction Rebellion qui avaient bloqué le pont de Sully à Paris en 2019 et qui avait été noyés dans les nuages de gaz lacrymogène.

Les blocages des grands axes ne sont pas la seule manifestation de la colère du monde agricole. Des camions qui importent des produits étrangers ont été dévalisés et vidés. Un acte symbolique pour dénoncer les traités de libre-échange vilipendés par la profession. L’accès à la centrale nucléaire de Golfech a été bloqué. Le dépôt pétrolier de Lorient aussi. Des enseignes de grande distribution ont été aspergées de lisier et ont dû fermer. Le parking d’un supermarché E.Leclerc a été retourné dans la nuit à Clermont-l’Hérault. À Toulouse, ce ne sont pas moins de cent remorques de fumier et de déchets qui ont été déversées. À Agen, des agriculteurs ont pendu un sanglier mort à un arbre juste devant les locaux de l’Inspection du travail. Ils ont épandu des tripes devant la préfecture et allumé un grand feu qui a léché les murs.
Destruction de bâtiments publics

Certains vont encore plus loin en détruisant des bâtiments publics. À Carcassonne, le bâtiment de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a été soufflé par une explosion, revendiquée par le Comité d’action viticole. À Narbonne, un bâtiment de la Mutualité sociale agricole a été incendié.

Les responsables de ces actes vont-ils être poursuivis en justice comme d’autres paysans en colère, à l’instar de Daniel, membre de la Confédération paysanne du Tarn ? En mai 2023, il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir alimenté un simple feu de bois devant le portail de la préfecture d’Albi en mars 2023 à l’occasion d’une manifestation contre la loi sur les retraites. « J’ai été interpellé à 6 heures du matin à mon domicile, menotté devant les enfants et mis en garde à vue trente-neuf heures. C’est déjà une sanction alors que je n’avais pas encore été jugé. Pourquoi être ainsi humilié ? »

Daniel est loin d’être le seul paysan à subir les foudres de la justice à cause de son militantisme. Le 17 janvier dernier, de lourdes peines ont été prononcées à l’encontre d’activistes antibassines, incluant des syndicalistes de la Confédération paysanne. « Quand nous allons défendre un bien commun en marchant dans des champs avec des familles, on se retrouve réprimés dans la violence et on finit au tribunal », déplore Amandine Pacault, porte-parole de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres.

Même quand l’action reste symbolique, la sanction est sévère. Le 6 novembre dernier, sept activistes de Greenpeace ont été interpellés, placés en garde à vue durant quarante-huit heures. Leur tort : avoir accroché une banderole sur la façade du ministère de l’Écologie pour dénoncer la « trahison écologique » du gouvernement.

« C’est quand même étonnant de voir que, dans notre pays, quand on défend l’intérêt général, on est immédiatement sanctionné et quand on défend des intérêts corporatistes – qui sont légitimes aujourd’hui – on n’a pas les mêmes réponses que la FNSEA », a déclaré Yannick Jadot, sénateur écologiste. « On aimerait bénéficier de la même indulgence et pouvoir exprimer notre colère sans se prendre des coups de matraque, sans être gazés et sans finir en procès », dit Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac.


Après leur action menée le 6 novembre devant le ministère pour dénoncer la « trahison écologique » du gouvernement, sept personnes ont été interpellées, placées en garde à vue durant quarante-huit heures et déférées au tribunal de Paris. © Mathieu Génon / Reporterre

Les convois de tracteurs ont pu se frayer un chemin jusqu’aux préfectures et aux bâtiments de l’administration au cœur des centres-villes sans rencontrer de difficulté, et sous le regard amorphe des forces de l’ordre. Parfois, elles escortaient même le cortège et les conduisaient droit sur leur cible, comme à Agen.

Dans ses consignes aux préfets, Gérald Darmanin appelait à « une grande modération des forces de l’ordre ». « C’est en dernier recours que les effectifs de maintien de l’ordre déployés aux abords de bâtiments publics seront autorisés à intervenir, et dans le seul cas où l’intégrité des personnes serait menacée ou les bâtiments exposés à de graves dégradations. »

Une consigne qui, là encore, contraste avec le sort réservé aux militants du mouvement écologique et social. En novembre 2022, le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti appelait à « une réponse pénale systématique et rapide » contre les manifestants opposés aux mégabassines. En juin 2023, la circulaire diffusée après les révoltes consécutives à la mort de Nahel, demandait une réponse judiciaire « rapide, ferme et systématique ».
Une proximité entre responsables agricoles et autorités

Pour le sociologue Bertrand Hervieu, spécialiste des mondes agricoles, cette indulgence s’explique par « les grands rapports de proximité entre les responsables agricoles et les autorités, les maires et les préfets », dit-il à France info. « C’est l’inverse des Gilets jaunes, qui n’avaient pas de leaders. Il y a peu de professions qui ont une relation quasi quotidienne avec le gouvernement, d’abord avec le ministre de l’Agriculture, mais aussi avec le Premier ministre. Il y a donc une proximité avec l’État ». Une collusion dénoncée par Julien Le Guet, le porte-parole de Bassines non merci : « Il y a des représentants de la FNSEA qui vont à la préfecture pour organiser les actions. C’est comme cela qu’ils arrivent à être escortés sur certains lieux. Si ce n’était pas validé, il y aurait des interventions des forces de l’ordre ».

Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, est à la tête d’une grosse exploitation de céréales et président du groupe agroalimentaire international Avril. © AFP / Arnaud Finistre

Les agriculteurs jouissent aussi d’un fort capital sympathie auprès de la population. Selon un récent sondage, neuf Français interrogés sur dix soutiennent leur mouvement. « Taper sur ceux qui nourrissent les Françaises et les Français, ce n’est pas possible. D’autant qu’ils ont les moyens de bloquer la chaîne alimentaire dans un contexte d’inflation », explique Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac.

Sans compter également la puissance de frappe des membres de la FNSEA. « Ils ont des moyens matériels bien plus important que les militants écologistes. Des tracteurs ou des tonnes de fumiers pour bloquer ou dégrader. Les écolos eux ont juste leurs bras levés et quelques jets de peinture », poursuit Youlie Yamamoto. Cela fait près de soixante ans que la FNSEA multiplie les destructions de biens publics, blocages, opérations coups de poing, menaces contre des militants écologistes et des élus comme l’ont rappelé les journalistes de Basta. Cela lui a permis d’imposer une agriculture qui supprime des paysans, détruit les sols et la biodiversité.